Article extrait du Journal du Village de la Justice n°101.
Au sommaire notamment de ce numéro 101, "Les risques psychosociaux au sein des cabinets d’avocat, ChatGPT et autres intelligences artificielles génératives, le coaching pour avocats, les nouveaux outils de l’amiable judiciaire..."
Journal du Village de la Justice : Pouvez-vous nous rappeler les missions de l’OIAD ?
Vincent Nioré : « L’OIAD a deux missions essentielles : la première consiste à recenser les confrères et consœurs qui, partout dans le monde, sont victimes de menaces, pressions, tortures, disparitions et tous types d’atteintes à leur intégrité morale ou physique, et ce, en raison de leur profession d’avocat. Une fois identifiés, la deuxième mission de l’Observatoire est de pouvoir leur apporter une assistance juridique, morale ou matérielle.
Ces activités étaient menées par certains Barreaux avant la création de l’Observatoire, mais l’Observatoire est justement né pour leur permettre de travailler ensemble, et de pouvoir faire face aux situations de ces avocats de manière plus efficace, concertée et immédiate. C’est ce qui a poussé le Barreau de Paris, le Conseil National des Barreaux (CNB), le Consejo General de la Abogacía Española (Espagne) et le Consiglio Nazionale Forense (Italie) à se réunir en 2016 pour créer l’OIAD, dont ils sont les membres fondateurs. »
J.V.J : À quels types de menaces sont exposés les avocats dans le monde ?
Quelles évolutions constatez-vous ?
V. N. : « À travers le monde, les avocats sont exposés à différents types de menaces plus ou moins importantes pour leur intégrité morale et physique. Ils sont très nombreux à être menacés par des individus, des organisations, ou des institutions de leurs pays, à recevoir des intimidations verbales ou physiques. Il peut également s’agir de poursuites judiciaires ou encore de mesures dissuasives à l’encontre de la clientèle de l’avocat ciblé. Les confrères arrêtés, détenus, voire portés disparus ou assassinés sont chaque année plus nombreux. D’autres sont également contraints de s’exiler. Dans la plupart des cas, nos confrères et consœurs exposés à ces situations ne peuvent plus continuer sereinement leur activité.
Ces dernières années, notamment depuis la crise sanitaire, nous avons observé que les libertés publiques reculent dans de nombreux pays du monde, et que cela expose de plus en plus les avocats. En tant que défenseurs des libertés individuelles, ils et elles deviennent à leur tour des cibles en raison de leur profession, de leur engagement en faveur des droits de l’homme et de leurs opinions personnelles. »
J.V.J : Le Barreau de Paris souhaite-t-il insuffler une impulsion particulière avec cette mandature ?
V. N. : « Pour sa deuxième présidence de l’OIAD, le Barreau de Paris souhaite effectivement proposer à l’Observatoire d’aller plus loin dans certaines dynamiques.
Tout d’abord, nous avons souhaité améliorer les soutiens apportés par l’OIAD aux confrères menacés qui le sollicitent, en renforçant notre coordination interne au sein de l’association et en identifiant plus finement les besoins exprimés par chaque confrère. Victime malheureuse de son succès, l’OIAD commence aussi à se doter de critères plus stricts pour les soutiens qu’il accorde : les besoins sont immenses, tant nos confrères et consœurs sont exposés. Et pourtant nous sommes contraints de nous concentrer uniquement sur les situations les plus urgentes, celles où le danger se fait le plus sentir, comme au Guatemala, en Colombie ou encore en Iran.
Pour la durée du mandat, nous cherchons aussi à avancer sur d’autres chantiers. Le Barreau de Paris souhaite particulièrement renforcer la capacité de l’OIAD à organiser des missions sur le terrain, lorsque c’est possible. À cette fin, l’OIAD missionne des avocats qui viennent prêter main forte sur place à un confrère ou une consœur en difficulté, à l’occasion d’audiences notamment. Ces déplacements permettent de donner de la visibilité à la solidarité qui s’exprime entre les avocats du monde entier, et qui constitue la raison d’être de l’Observatoire. C’est la raison pour laquelle nous avons pour ambition de développer l’offre de formation et d’outils disponibles pour les avocats menacés comme pour ceux qui partent en mission. »
J.V.J : Le chantier « communication » est également important ?
V. N. : « En effet, et nous sommes en pleine redéfinition des moyens et stratégies de communication de l’Observatoire. Nous communiquons sur les réseaux sociaux, X (@ProtectLawyers) et LinkedIn. C’est un chantier essentiel car la visibilité que nous souhaitons donner aux confrères et consœurs menacés dépend de notre capacité à communiquer, à toucher le plus grand nombre d’organisations internationales, de responsables politiques et de soutiens de la société civile que possible.
Chaque mois de janvier, l’OIAD publie également un dossier mettant en lumière la situation des avocats dans un pays en particulier à l’occasion de la Journée mondiale de l’avocat en danger. Pour l’année 2024, nous comptons arriver avec une communication mieux rodée pour renforcer la visibilité de cette Journée mondiale, qui sera consacrée à l’Iran. C’est donc un chantier très prioritaire !
En particulier nous souhaitons à travers nos actions de communication donner la parole aux avocats : rédiger une alerte, c’est important, mais permettre aux premiers concernés de s’exprimer, nous paraît essentiel pour que le message porte et touche le plus grand nombre. Tout au long de l’année, l’OIAD publiera des témoignages d’avocats permettant d’illustrer les dangers que nous évoquions. »
J.V.J : Quels sont vos moyens d’action ? Comment peut-on soutenir l’association ?
V. N. : « Nos moyens d’action sont variés, et j’en ai évoqué quelques-uns. En termes d’influence et d’impact, je dirai que nos moyens sont avant tous ceux de la communication, de la publication de rapports, d’alertes, et de tous types de supports permettant de mieux documenter les atteintes que subissent nos confrères. En termes de réponse à des situations d’urgence, l’Observatoire peut compter sur les cotisations des Barreaux membres pour constituer un fonds de soutien aux avocats en danger, qui est ensuite utilisé pour apporter un soutien matériel à celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Pour soutenir notre association, vous avez plusieurs possibilités ! L’OIAD est avant tout constitué de membres actifs qui sont des barreaux ou de conseils nationaux : nous invitons tous ceux qui n’en font pas encore partie à nous rejoindre pour travailler ensemble ! Mais d’autres structures peuvent également nous rejoindre, comme membres associés ou actifs : associations d’avocats, syndicats, ONG, organisations de défense des droits de l’Homme... Tout le monde est le bienvenu. Rejoindre l’OIAD, cela veut dire faire confiance à un collectif pour pouvoir identifier les besoins et y répondre plus efficacement.
Mais sans parler d’adhésion, tout le monde peut aussi, à son échelle, soutenir notre action : en relayant et diffusant les informations sur nos confrères et consœurs menacés, en signalant à l’Observatoire une situation en particulier pour que nous puissions y apporter une réponse, en parlant autour de vous de ce que nous faisons. Plus que jamais nous devons rester mobilisés ! »