Avocats, comment rencontrer vos clients ?

Avocats, comment rencontrer vos clients ?

Laurine Tavitian
Rédaction du Village de la Justice

10559 lectures 1re Parution: Modifié: 4.94  /5

Explorer : # identité numérique # stratégie webmarketing # relation client # modèle économique

« Les nouveaux paradigmes du cabinet d’avocats - Avocats, comment rencontrer vos clients et retrouver de la valeur ajoutée ? », tel était le titre de la conférence organisée par le Barreau entrepreneurial et le Village de la Justice en septembre 2015. Un titre certes énigmatique mais qui révèle l’urgence à appréhender un environnement juridique et judiciaire qui mute profondément. Voici les principaux enseignements sur le thème de la rencontre du client.

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La rencontre de l’avocat et du client.

Les bases du problème

Face à l’augmentation de la demande de droit, les avocats ne sont plus nécessairement ceux qui vont apporter des solutions et permettre l’accès au droit. Pour Dominic Jensen, consultant, les bases du problème sont les suivantes :
- l’avocat a eu et a encore parfois du mal à accepter la notion de marché du droit,
- l’activité de conseil de l’avocat est fortement concurrencée. Selon lui, « l’avocat est beaucoup plus vulnérable sur le front du conseil qu’il ne l’est sur la représentation des parties devant les juridictions. Or ce conseil c’est 70 % du chiffre d’affaires de la profession et c’est sur ce point qu’il faut se battre ».

Les raisons du problème

L’avocat est donc en difficulté essentiellement sur deux fronts : les PME et les particuliers. Et ce pour plusieurs raisons :
-  la technologie et le fait que tout le monde est devenu chercheur d’informations,
-  la créativité des personnes qui ne sont pas avocats avec une présence de plus en plus importante de start-up du droit ou legal start-up,
-  l’avocat lui-même, raison pour laquelle « il y a des changements qui sont vraiment à portée de main de la profession dans son ensemble et de chacun individuellement  » selon Dominic Jensen. En effet, il y a la peur que l’avocat inspire à travers la complexité de son langage et son absence de pédagogie, mais aussi la peur du prix lié à un manque de transparence et de compréhension. Or, quand il y a explication sur le prix, il devient très souvent beaucoup plus acceptable.

Extraits audio, introduction de la conférence, par Laurent Samama (Barreau entrepreneurial de Paris) , Christophe Albert (Village de la justice) et Dominic Jensen, consultant.

Sur quoi travailler concrètement ?

Son offre aux clients

Pour créer la rencontre, il faut déjà savoir ce que veut le client. En effet, les avocats sont passés d’un marché de la demande, où ils suffisaient qu’ils posent leur plaque et attendent que les clients viennent les consulter, à un marché de l’offre qui les contraint à offrir une prestation juridique. « Aujourd’hui, nous ne pouvons plus définir notre offre par rapport à ce que nous faisons ou ce que nous avons envie de faire ou l’organisation de notre cabinet. Nous devons analyser le marché et déterminer quel marché nous adressons pour ensuite déterminer quelle est la demande de ce marché et proposer une offre qui y répond. La rencontre avec le client ne peut se faire que si notre offre répond aux attentes et aux besoins de nos clients » explique Leila Hamzaoui, présidente de la commission droit et entreprise du CNB.

Pour Clarisse Berrebi, avocate associée, « les canaux d’appareillement traditionnels des avocats se tarissent énormément. Nous avons l’habitude de travailler essentiellement par le bouche-à-oreille mais le sentiment qu’il y a de moins en moins de clients qui nous viennent par ce chemin nous donne l’impression que le gâteau se rétrécit et qu’il y a de plus en plus de monde pour le même gâteau. Or ce n’est qu’une vue de l’esprit. En réalité, le gâteau ne rétrécit pas du tout, il est beaucoup plus important qu’avant, il ne fait que croître. Mais nous ne sommes plus raccrochés aux bons tuyaux d’entrée des clients et des dossiers  ». Les nouveaux canaux d’appareillement sont essentiellement sur un territoire, Internet, que la profession n’a pas encore conquis.

Son identité numérique

La majorité des avocats utilise Internet de façon basique, comme un outil pour dématérialiser ses plaquettes, son courrier, ses communications diverses et variées. Mais elle ne l’appréhende pas comme un territoire où il y a des internautes qui ont une autre approche de la consommation, y compris la consommation de services juridiques.
« Une des premières choses à faire est d’investir son identité numérique c’est-à-dire être présent sur Internet, exister quant on tape votre nom sur Google, maîtriser la première page de résultats Google sur votre nom, savoir exactement ce qui sort, être sur les grands réseaux sociaux, comprendre comment cela fonctionne, pas forcément y participer très activement mais déjà exister. Et puis progressivement monter en puissance pour pouvoir éventuellement se raccrocher aux bons canaux et développer une nouvelle activité » explique Clarisse Berrebi.

Son modèle économique et sa relation-client

Le modèle économique du cabinet est très souvent orienté « dossier ». Il rentre un dossier, le traite, le facture et le sorte. Il ne se rend pas compte de la distance qu’il peut prendre avec le client qui est derrière ce dossier. Cette différence d’orientation peut paraître très ténue mais peut en réalité tout changer dans le quotidien d’un avocat.
Il s’agit de faire tourner son modèle économique autour des clients, de réfléchir autour du client, de se poser la question du parcours et de l’expérience client à l’intérieur du cabinet. Ce changement pourrait modifier l’approche du client dans sa relation avec l’avocat et donc l’approche de l’avocat dans sa relation avec le client. Les start-up, qui travaillent beaucoup sur cette notion d’expérience client et sur la façon dont l’internaute va rencontrer la demande juridique rencontrent un franc succès.

Aujourd’hui, le client n’est plus captif. Pour Leila Hamzaoui, « quand le cabinet d’avocat a des clients récurrents, il est impératif d’avoir une stratégie de fidélisation. Il faut avoir ce que j’appelle le « plus produit » qui leur donne envie de revenir vers vous à chaque fois, parce que l’offre est partout, qu’ils sont constamment sollicités et qu’ils sont susceptibles à tout moment d’être captés. Nous n’avons plus cette relation inscrite dans le temps, tout va très vite. Il faut créer un lien et être dans les radars de ses clients ».

Conférence animée par Laurent Samama (Barreau entrepreneurial) et Christophe Albert (Village de la Justice) , avec Clarisse Berrebi, Leila Hamzaoui, Adrien Perrot, Dominique Jensen, Michel Lehrer, Jean Gasnault, Benjamin Jean.

Son langage

« Avant même qu’existe la relation client, il faut la créer. Et pour la créer, il faut adapter son langage à sa cible. C’est un élément essentiel qui concerne tout le monde à tous les niveaux. L’avocat doit faire la traduction du vocabulaire juridique qu’il connaît et maîtrise parfaitement mais qui est parfois extrêmement compliqué et obscur. Par exemple, un avocat qui dit faire des voies d’exécution et du droit économique, va avoir un mal fou à rencontrer le public qui l’intéresse, parce que personne ne sait ce que sont les voies d’exécution et le droit économique. En revanche, si l’avocat dit « j’aide les artisans à récupérer l’argent qui leur est dû par leurs clients », il s’agit bien de voies d’exécution mais le message est tourné de manière tout à fait différente. Si l’avocat dit « j’aide les clients qui ont une mauvaise expérience avec leur agence de voyages », il s’agit de droit de la consommation et donc de droit économique, mais le message est compréhensible par le public qui est peut-être celui que vous visez » explique Dominic Jensen.

Sa stratégie webmarketing

Pour travailler efficacement sa stratégie marketing aujourd’hui, il faut notamment comprendre ce que peut apporter Internet et les réseaux sociaux, puis revenir à des théories et des notions de marketing classiques et applicables à tous. Clarisse Berrebi a rappelé que «  pour qu’un prospect devienne un client, il faut entre cinq et sept points de contact avec ce prospect. Pour rencontrer un prospect, il faut rencontrer à peu près trois ou quatre personnes. Pour que ce prospect devienne un client, il faut rencontrer trois ou quatre personnes avec qui vous avez cinq ou sept points de contacts. Vous imaginez ce que cela représente dans le monde dans lequel nous vivons et vous comprenez pourquoi il est si difficile d’avoir un nouveau client. Si vous utilisez la force d’Internet, vous démultipliez vos points de contact. Par exemple, si vous faites une conférence, vous devez la retransmettre sur Internet en mettant vos slides en partage sur une plateforme adaptée. Vous cernez alors d’autres cibles de clientèle et vous créez, par votre avatar, virtuellement les conditions d’un développement de client. Dans l’environnement d’aujourd’hui, je ne vois pas comment un cabinet peut grandir en se passant de la force et du pouvoir de la viralité du net. »

Dans cette stratégie, se pose donc aussi la question de l’ouverture du savoir. Avec Internet, le savoir a perdu beaucoup de valeur et les avocats ont en général du mal à l’accepter. Pourtant, ils ne sont plus les pourvoyeurs d’informations qu’ils étaient il y a encore 15 ans. La tendance s’est inversée et la pratique de la curation, c’est-à-dire le fait de partager un savoir qui n’est pas le nôtre, est devenue monnaie courante et permet de gagner en visibilité et notoriété sur le web. Cette question de l’ouverture du savoir est aussi intimement liée à la notion de valeur ajoutée, comme cela a été évoqué lors de la deuxième partie de la soirée.

Cet article a fait l’objet d’une première publication dans le Journal du Village de la Justice n°75.

Ne manquez pas notre prochaine soirée sur le thème de l’installation et du business développement le 17 novembre à Paris.

Laurine Tavitian
Rédaction du Village de la Justice

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