Pour un droit international de l'environnement plus efficace. Par le Club des Juristes.

Pour un droit international de l’environnement plus efficace.

Par le Club des Juristes.

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Explorer : # droit international de l'environnement # société civile # mécanismes de contrôle # participation citoyenne

A l’occasion de la COP 21, la Commission Environnement du Club des juristes vient de publier un rapport sur l’efficacité du droit international de l’environnement. Au moment où nos dirigeants se mobilisent à Paris en vue de trouver un accord, il est légitime de se poser une question : les traités environnementaux sont-ils réellement contraignants pour les Etats ?

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Le rapport fait le constat est d’une double faiblesse : au stade de l’élaboration de la norme internationale, en raison des difficultés inhérentes à un processus de négociations diplomatiques ; au stade de son application, faute de mécanisme de contrôle et de sanction suffisants. Les progrès de la norme environnementale sont malaisés dans le cadre d’un droit international conçu par les Etats, pour les Etats. Cette conception, issue du XIXème siècle est mal adaptée aux besoins du XXIème siècle.

Sans remettre en cause le principe de souveraineté, le rapport propose de contrebalancer la toute-puissance des Etats par un renforcement du poids de la société civile sur la scène internationale. Les 21 propositions de la Commission environnement se présentent ainsi comme des garanties du respect par les Etats du droit des citoyens à un environnement sain.

En premier lieu, ce droit devrait être clairement consacré dans un texte. Il est proposé d’adopter un Pacte international sur la protection de l’environnement, qui viendrait compléter les deux pactes de 1966 en matière de droits de l’homme. Adopté sous la forme d’un traité, ce texte fondateur aurait une force juridique obligatoire, à la différence des déclarations existantes telle que la Déclaration de Rio. Il affirmerait les principes essentiels en la matière, sous forme de droits procéduraux et substantiels, complétés par des garanties juridictionnelles adaptées.

En second lieu, la société civile doit avoir sa place à la table des négociations. Certes, elle ne saurait exercer qu’un rôle d’influence, et non de codécision. Il est néanmoins nécessaire que les citoyens fassent pression sur les Etats pour les inciter à adopter des accords ambitieux. C’est pourquoi les règles de la démocratie participative (accès à l’information, droit de participation du public), qui sont déjà en vigueur au plan interne, devraient être expressément affirmées pour les enceintes internationales.

En troisième et dernier lieu, les citoyens doivent avoir une place dans les mécanismes de contrôle de l’application des traités. L’introduction d’un regard extérieur, celui de la société civile, dans ces mécanismes, permettrait de garantir l’effectivité de la règle de droit. Pour qu’un contrôle soit efficace, le gardien doit être un tiers, distinct de l’Etat contrôlé.

D’abord, les comités à caractère non juridictionnel, existant parfois au sein des conventions environnementales, devraient pouvoir être saisis par les ONG, sur le modèle du comité de suivi de la Convention d’Aarhus.

Notre rapport s’intéresse ensuite à la Cour internationale de justice (CIJ) : il est proposé de donner aux acteurs non étatiques un véritable droit d’intervention devant cette juridiction, pour leur permettre de présenter leurs observations sur les litiges en cours. S’inspirant de l’amicus curiae, ce mécanisme peut s’avérer très utile lorsque la Cour connaît d’un différend entre Etats ayant une dimension environnementale. Il serait temps également que la France reconnaisse la compétence obligatoire de la CIJ.

Enfin le juge national devrait être érigé en juge international de droit commun, pour veiller au respect des traités par les Etats. Cette mission n’est pas habituelle : jusqu’à présent, les juridictions internes n’appliquent qu’avec réticence les traités, en considérant souvent que ceux-ci ne comportent pas de dispositions intéressant directement les justiciables. L’utilité du juge interne a toutefois été illustrée de façon éclatante par la décision Urgenda rendue le 24 juin 2015 par un tribunal de la Haye. Saisi par une ONG, ce dernier a condamné l’Etat néerlandais à réduire ses émissions de gaz à effet de serre sur le fondement de son devoir de protéger l’environnement. La justice pakistanaise a pris la suite de cette initiative, avec une décision similaire de la Haute Cour de Lahore datant de la mi-septembre.

Le rapport appelle ainsi de ses vœux des évolutions jurisprudentielles, notamment en France, pour qu’une norme internationale puisse être plus facilement être invoquée devant le juge interne. Une disposition environnement devrait toujours, par principe, être regardée comme créant par elle-même des droits pour les particuliers. Par ailleurs, la commission formule des recommandations à l’attention des rédacteurs des traités, en vue de leur conférer, ab initio, un effet direct dans l’ordre juridique interne : d’une part, rédiger les normes en des termes clairs et précis ; d’autre part, inclure des dispositions consacrant expressément un droit de recours devant les juridictions nationales et affirmant la faculté d’invoquer le traité devant le juge interne.

Ainsi, les citoyens doivent être les sentinelles du respect par les Etats de leurs engagements internationaux.

Yann Aguila
Président de la Commission Environnement du Club des juristes

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