Chronique de droit des entreprises en difficulté d’avril 2022.

Par Romain du Plantier, Avocat.

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Explorer : # responsabilité pour insuffisance d’actif # redressement judiciaire # saisie des rémunérations # cautionnement solidaire

Retour sur trois décisions de la Cour de cassation rendues au mois d’avril 2022 en lien avec le droit des entreprises en difficulté et, plus particulièrement, en matière de sanction à l’égard d’un dirigeant (I), de saisie des rémunérations en cours au moment de l’ouverture d’un redressement judiciaire (II) et de cautionnement consenti par un dirigeant (III).

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I. Responsabilité pour insuffisance d’actif : avoir un seul client n’est pas une faute !

Dans cette affaire, une société avait bénéficié d’une procédure de sauvegarde, avant d’être mise en liquidation judiciaire quelques mois plus tard à la suite de la rupture brutale de ses relations commerciales avec son unique client.

Le liquidateur judiciaire avait exercé contre le dirigeant une action en responsabilité pour insuffisance d’actif sur le fondement de l’article L651-2 du Code de commerce, dont il avait été débouté par un jugement du Tribunal de commerce de Fréjus.

Cette décision avait été infirmée par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui avait prononcé une condamnation du dirigeant au paiement de la somme de 300 000 euros.

Pour cette juridiction, la faute consistait en un manque de vigilance caractérisé par le fait d’avoir engagé la société dans une activité reposant sur un seul client, sans trouver de moyen de garantir la pérennité des relations commerciales.

Dans son arrêt du 13 avril 2022 (n° 20-20.137), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, en jugeant que le motif retenu est impropre à établir que le dirigeant a commis une « faute de gestion non susceptible d’être analysée en une simple négligence ».

En effet, il faut rappeler que l’article L651-2 précité prévoit qu’en cas de simple négligence du dirigeant dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut pas être engagée.

Ainsi, le fait pour une société de n’avoir qu’un seul client n’expose pas son dirigeant au risque d’être sanctionné lorsque c’est ce client qui a mis un terme aux relations commerciales et a entraîné la liquidation judiciaire de ladite société.

Cette situation ne caractérise pas une faute de gestion et ne justifie pas que le dirigeant soit condamné à payer le montant de l’insuffisance d’actif de la société en procédure collective.

II. Ouverture d’un redressement judiciaire : la saisie des rémunérations doit s’arrêter !

Dans cette affaire, une banque avait consenti à une personne physique un prêt immobilier d’un montant de 340 643 euros.

A la suite d’échéances impayées, la déchéance du terme avait été prononcée et la banque avait demandé en justice l’autorisation de saisir les rémunérations de l’emprunteur.

Le juge de l’exécution du Tribunal d’instance de Courbevoie avait fait droit à cette demande et l’emprunteur avait formé un recours contre cette décision. Deux mois et demi plus tard, il avait été placé en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Paris.

En dépit des nombreux arguments avancés par l’emprunteur, la Cour d’appel de Versailles avait confirmé la décision de première instance autorisant la saisie.

Dans son arrêt du 20 avril 2022 (n° 19-25.162), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, en jugeant que celui-ci aurait dû constater l’arrêt de la procédure de saisie des rémunérations à compter du jugement d’ouverture du redressement judiciaire.

En effet, l’article L622-21 du Code de commerce prévoit que le jugement d’ouverture d’une procédure collective arrête ou interdit toute procédure d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles.

Outre la saisie des rémunérations, cette règle concerne donc aussi la saisie conservatoire, la saisie immobilière ou encore la saisie-vente, sous réserve toutefois que ces mesures n’aient pas produit leur effet définitif avant l’ouverture de la procédure collective.

L’arrêt des procédures d’exécution, qui permet in fine d’obtenir du juge qu’il ordonne la mainlevée des saisies, évite que les créanciers de l’entreprise en difficulté se payent eux-mêmes sur son patrimoine, faisant ainsi obstacle au prix de la course.

III. Dirigeant-caution : une mention manuscrite incorrecte n’est pas forcément nulle !

Dans cette affaire, une banque avait consenti à une société une facilité de caisse de 500 000 euros, dont le remboursement avait été garanti par le cautionnement solidaire du dirigeant.

La société avait ensuite connu des difficultés et avait été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire.

La banque avait assigné en paiement le dirigeant-caution qui, pour se défendre, avait soulevé la nullité du cautionnement en raison de l’absence de conformité de sa mention manuscrite à l’article L341-2 du Code de la consommation.

La Cour d’appel de Paris n’avait pas fait droit à cette argumentation et avait condamné le dirigeant-caution à verser à la banque la somme de 377 545,70 euros.

Dans son arrêt du 21 avril 2022 (n° 20-23.300), la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le dirigeant-caution.

En effet, ce dernier faisait valoir que la mention manuscrite apposée sur le cautionnement comportait des termes ne figurant pas dans les dispositions légales, à savoir les mots « des commissions, frais et accessoires » ajoutés entre le mot « intérêts » et le mot « et ».

Or, tant pour la Cour d’appel que pour la Cour de cassation, cet ajout de la caution n’est pas de nature à modifier le sens ou la portée de son engagement. Il conduit seulement à préciser la nature des sommes couvertes par le cautionnement, sans en modifier la limite.

A noter que, pour les cautionnements souscrits après le 1er janvier 2022, la récente réforme du droit des sûretés prévoit que la mention n’a plus à être manuscrite, mais peut être sous forme électronique, et n’a plus à correspondre à une formule type prédéterminée par la loi.

Romain du Plantier
Avocat associé
SELARL ELAYA
24 rue Vital Carles, 33000 Bordeaux
https://elaya-avocat.fr/

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