Chronique de droit des entreprises en difficulté d’octobre 2022.

Par Romain du Plantier, Avocat.

2023 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # confidentialité # responsabilité # preuves # cessation des paiements

Retour sur trois décisions de la Cour de cassation rendues au mois d’octobre 2022 en lien avec le droit des entreprises en difficulté.

Au sommaire, l’obligation de confidentialité attachée à la procédure de conciliation (I.), la qualification de dirigeant de fait en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif (II.) et les droits du débiteur en cas d’action en report de la date de cessation des paiements (III.).

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I. Confidentialité de la conciliation : le secret doit être bien gardé !

Dans cette affaire, une banque avait octroyé à une société une ouverture de crédit et un prêt, pour lesquels le dirigeant s’était porté caution solidaire.

Cette société ayant rencontré des difficultés, une procédure de conciliation avait été ouverte et un protocole de conciliation avait été signé, puis homologué par le Tribunal. Dans ce cadre, la banque avait consenti un abandon partiel de créances et obtenu du dirigeant de nouveaux engagements de cautionnement solidaire.

L’accord de conciliation n’avait pas été exécuté jusqu’à son terme et une nouvelle procédure de conciliation avait été ouverte, avant que la société soit mise en redressement judiciaire, procédure ensuite convertie en liquidation judiciaire.

Après avoir déclaré sa créance, la banque avait logiquement assigné en paiement le dirigeant qui, reconventionnellement, avait formé une demande de condamnation à des dommages-intérêts, en raison d’un comportement fautif de la banque à l’occasion de la conciliation.

Cette demande avait été rejetée par la Cour d’appel de Toulouse, ce qui avait donc conduit le dirigeant à former un pourvoi à l’encontre de l’arrêt l’ayant débouté.

Dans son arrêt du 5 octobre 2022 (n° 21-13.108), la Cour de cassation rejette le pourvoi en rappelant que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité.

En effet, au soutien de sa demande, le dirigeant avait versé aux débats des pièces relatives aux échanges intervenus pendant la conciliation, qui avaient été écartées par la Cour d’appel au motif que ces éléments étaient couverts par la confidentialité.

Cette obligation s’appliquant tant à l’égard des tiers qu’entre les parties à la procédure, le dirigeant n’était ainsi pas en droit d’opposer à la banque des échanges confidentiels.

La confidentialité de la conciliation est donc un principe absolu qui doit être respecté par tous, pendant la procédure mais aussi après qu’il y ait été mis fin, dans le but d’assurer et de conserver l’efficience de ce dispositif amiable.

II. Dirigeant de fait condamné pour insuffisance d’actif : des preuves, rien que des preuves !

Dans cette affaire, une société avait été mise en en redressement judiciaire, converti ensuite en liquidation judiciaire.

Le liquidateur judiciaire avait saisi le Tribunal en sollicitant la condamnation de la gérante de droit et du directeur commercial de la société, qualifié de gérant de fait, au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif. En première instance, un jugement avait condamné solidairement les défendeurs à payer la somme de 1 000 000 euros.

Saisie du litige, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait légèrement revu à la baisse le montant de la condamnation, tout en retenant comme fautes de gestion des infractions à la législation fiscale et sociale, ainsi que le défaut de tenue d’une comptabilité régulière.

Un pourvoi avait été formé contre cette décision, faisant valoir que la direction de fait n’avait pas été caractérisée et que le comportement procédural du directeur commercial dans cette affaire ne pouvait pas être assimilé à un aveu judiciaire.

Dans son arrêt du 5 octobre 2022 (n° 21-14.770), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au motif que la cour d’appel n’a pas constaté des faits précis de nature à caractériser une immixtion du directeur commercial dans la gestion de la société, ni que ce dernier aurait agi en toute indépendance en excédant ses fonctions, ni qu’il aurait fait l’aveu de certains faits.

La qualification de dirigeant de fait suppose en effet que la personne concernée ait accompli en toute indépendance des actes positifs de gestion et de direction de celle-ci, ce qui doit être étayé par des comportements nettement définis et probants.

Le simple fait que le directeur commercial ait contacté directement des vendeurs de véhicule n’est ainsi pas suffisant. Par ailleurs, son absence de contestation des conclusions d’appel du liquidateur judiciaire ne saurait constituer un aveu judiciaire, lequel n’est admissible que s’il porte sur des points de fait et non sur des points de droit.

Dès lors, si la preuve de la direction de fait est libre, il n’en demeure pas moins qu’elle doit être caractérisée précisément et que la simple reprise de la formule jurisprudentielle idoine est insuffisante pour fonder une condamnation.

III. Report de la date de cessation des paiements : la meilleure défense n’est pas l’attaque !

Dans cette affaire, une société avait été mise en redressement judiciaire consécutivement au dépôt au greffe par son nouveau dirigeant d’une demande d’ouverture à cette fin, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 décembre 2013.

L’administrateur judiciaire désigné avait ensuite saisi le Tribunal en sollicitant le report de la date de cessation des paiements au 2 juin 2013, avant que la procédure collective ne soit convertie en liquidation judiciaire et que le liquidateur reprenne cette action.

La décision de première instance avait rejeté ladite demande et le débiteur avait interjeté appel de ce jugement. La Cour d’appel de Dijon avait déclaré recevable ce recours et reporté la date de cessation des paiements au 2 juin 2013.

Un pourvoi en cassation avait été formé par l’ancien dirigeant de l’entreprise en procédure collective, qui craignait de toute évidence que ce report ouvre la voie à la mise en jeu de sa responsabilité et au prononcé de sanctions à son encontre.

Dans son arrêt du 5 octobre 2022 (n° 21-12.250), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au motif, d’une part, que le débiteur ne peut former un appel principal contre un jugement qui rejette la demande de report de la date de cessation des paiements et, d’autre part, que les motifs retenus sont impropres à caractériser la cessation des paiements au 2 juin 2013.

En effet, l’action aux fins de report de la date de la cessation des paiements est attitrée et réservée à l’administrateur, au mandataire judiciaire et au ministère public. Le débiteur ne dispose que d’un droit propre à défendre à l’action lorsqu’il est mis en liquidation judiciaire.

Dès lors, il peut interjeter appel uniquement du jugement reportant la date de cessation des paiements (arrêt du 17 mai 2017, n° 15-23.251), ce qui revient à défendre, et non de celui qui rejette une telle demande, ce qui reviendrait indirectement à lui octroyer le droit d’agir.

Enfin, il est indispensable que la décision de report explicite l’état de l’actif disponible et du passif exigible à la date retenue, le juge devant en effet se placer, non au jour où il statue, mais à celui auquel est envisagé le report de la date de cessation des paiements.

Romain du Plantier, Avocat associé
Barreau de Bordeaux
SELARL Elaya
https://elaya-avocat.fr/

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