Enquêtes préliminaires, procès et sentences reportés. Voilà des constantes des milieux juridiques Québécois et Français. Ceux-ci vivent la même défaillance systémique : la pénurie de main-d’œuvre. Plusieurs croient, à tort, que cette soudaine pénurie est une résultante de la pandémie. Pourtant, toutes les exhortations s’avéraient flagrantes depuis plusieurs années.
En effet, au Québec, les syndicats sommaient le gouvernement d’intervenir, en la matière, car il en allait de défis assidus pouvant mener à une crise juridique. Pendant que la juge en chef de la Cour du Québec tentait d’obtenir un soutien gouvernemental en lien avec l’embauche de personnel, dont des adjoints à la magistrature. Des demandes faites le 20 novembre 2020 ainsi qu’une lettre datée du 28 mars 2021 au ministre de la Justice [1].
Ensuite, en France, un exemple relaté par l’ex-bâtonnière du barreau des Deux-Sèvres, Anne-Laure Blouin : « Pendant cinq ans, il n’a plus eu d’audience de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) [2]. »
D’autant plus que : « À Niort, on a aussi été privé de juge d’instruction durant des mois ».
Or, force est de constater que malgré la distance entre les deux nations les problématiques concordent de manière déconcertante.
La justice ne peut aller de l’avant si les individus qui y œuvrent sont désabusés par ce milieu de travail ou bien sont manquants. Il y a péril en la demeure. Désormais, les actions doivent tendre à des actes et à des prouesses, dont l’écoute, entre autres, de la part des gouvernements. Ensuite, de ne plus faire fi de l’urgence sur le terrain.
Notamment, en France, les lacunes de la main-d’œuvre ont amené le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, à songer à installer des avocats pour accompagner des juges afin de réduire les retards dans les tribunaux [3].
Ensuite, au Québec, en mars dernier, un juge n’a pas eu le choix que de reporter une audience étant donné que les pièces d’un dossier judiciaire s’avéraient introuvables. De plus, ce même juge a interpellé le Gouvernement dans un jugement rendu sur le banc, que cette situation fut attribuable au manque flagrant de personnel au sein des services judiciaires [4].
Les carences.
Ainsi, à la lumière de ces quelques illustrations, il faut convenir que cette indigence injustifiable, de deux systèmes de Justice, résulte de l’impécuniosité étatique. Sans les ressources financières nécessaires, il s’avère ardu et collectivement préjudiciable que les services publics juridiques puissent être efficaces et diligents.
Des statistiques émanant du ministère de la Justice du Québec livrent une perspective alarmante ; la justice de proximité devient de plus en plus vulnérable. « Plus de 1 100 employés du ministère ont quitté leurs fonctions depuis trois ans, dont environ 550 en un an » [5].
Une saignée qui s’accentue sans qu’aucune action gouvernementale ne soit mise en œuvre.
D’ailleurs, les problématiques sont reliées au recrutement de postes telles que : des procureurs, des greffiers, des adjoints et des techniciens. Partant de cette circonstance, pourquoi si peu d’hommes et de femmes s’intéressent au domaine judiciaire.
Tout d’abord, les conditions salariales sont dérisoires. Certains avocats (criminalistes) en pratique privée ont des tarifs ridicules, « […] qu’ils finissent bien souvent par travailler sous le salaire minimum » [6]. Voyons pour un poste d’adjoint à la magistrature dont le haut de l’échelle salariale est de l’ordre de 47 940 $ annuellement au Québec [7]. Alors que dans un cabinet (privé) un adjoint peut se voir obtenir un salaire annuel dans les environs de 90 470 $ [8].
En 2020, le Gouvernement français dépensait environ 69,50 € par habitant. En comparaison avec son voisin européen, l’Allemagne, celui-ci en déboursait 131€ par habitant [9] Finalement, « Rapportées à la richesse du pays, les sommes consacrées s’élevaient en France à 0,2 % du produit intérieur brut (PIB), contre 0,32 % en Allemagne […] » [10]
Le point de rupture.
Si le manque de personnel affecte les différentes cours que ce soit en matière civile, pénale ou criminelle, les conséquences s’avèrent inéluctables. Cela se traduit déjà en une rupture de services offerts aux citoyens.
Par exemple, dans un dossier de violence conjugale, comme le juge assigné à la cause ne parvenait pas à trouver un greffier pour l’audition, la cause n’a pu procéder [11].
Ensuite, en matières familiales, une autre situation impliquant un manque de greffiers ainsi que des agents administratifs dont le taux d’absence arrive à 17% ; occasionne un retard d’environ trois ans dans l’exécution des peines [12].
Finalement, une journée en décembre 2021, cinq salles de cours, en matière criminelle, n’ont jamais n’ont pu ouvrir à l’heure (9 h 30), mais seulement qu’en après-midi entraînant le retard dans de nombreux dossiers impliquant des témoins et accusés.
De tels constats sont documentés presque quotidiennement un peu partout via les médias : surcharge de travail du personnel déjà en place, retards dans le traitement des dossiers et une justice à bout de souffle qui ne cessent de déclamer aux décideurs publics que le temps est venu, pour eux, d’agir. En escamotant cet appel, le système de justice se voit confronter à être mis davantage à l’épreuve.
Faire valoir ses droits.
Les systèmes se trouvent dans de piètres conditions. Cela reflète l’état d’esprit de plusieurs « que la justice nous en avons rarement de besoin » ou bien « qu’elle ne nous serve pas à une juste mesure ».
La perception qu’a la population à l’égard de ce rempart de la Démocratie fait en sorte que des hommes et de femmes hésiteront à faire valoir leurs droits. Il s’avère bénéfique de le faire lorsque vous avez des ennuis avec un voisin bruyant, lorsque l’on fait preuve de harcèlement physique ou psychologique ou lorsque vous avez un problème avec employeur. Et pour bien plus d’autres raisons aussi. C’est pour cela que les citoyens doivent pouvoir disposer d’un système de justice efficace avec du personnel qualifié qui a la passion de vouloir aider autrui.