Gouvernance et gestion de crise : regards croisés Canada-France.

Par Pierre Mc Nicoll.

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Explorer : # gestion de crise # gouvernance d'entreprise # droit commercial # responsabilité sociale des entreprises

La gestion de crise est une composante essentielle de la gouvernance organisationnelle, particulièrement dans un monde de plus en plus complexe et interconnecté.

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Les entreprises canadiennes et françaises, bien que confrontées à des défis similaires, adoptent des approches influencées par leurs cadres réglementaires, culturels et économiques respectifs. Nous allons explorer les principaux enjeux, stratégies et meilleures pratiques en matière de gestion de crise tout en incorporant une perspective de droit commercial.

Donc, une crise, qu’elle soit financière, opérationnelle ou liée à la réputation, met à l’épreuve la solidité des mécanismes de gouvernance d’une organisation. Au Canada, la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) impose aux administrateurs le devoir de gérer les affaires de la société avec soin, diligence et compétence. Cela inclut la responsabilité d’anticiper et de répondre efficacement aux crises [1]. En France, l’article L225-251 du Code de commerce établit des responsabilités similaires, bien que le contexte juridique français accorde une place plus marquée à la responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Prenons, par exemple, les scandales tels que celui de SNC-Lavalin au Canada et celui d’Orpea en France ont révélé des lacunes dans la gouvernance et la gestion de crise. Dans ces deux affaires, la transparence et la diligence des administrateurs ont été remises en question, entraînant des conséquences juridiques et économiques importantes pour les entreprises. De telles crises illustrent un point fondamental : une gouvernance déficiente peut aggraver une crise, tandis qu’une structure bien préparée peut en limiter les impacts.

Or, le cadre réglementaire joue un rôle central dans la préparation des entreprises à affronter des crises. Au Canada, les exigences imposées par les régulateurs provinciaux, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) au Québec, obligent les entreprises à adopter des pratiques de gouvernance durables et substantielles, notamment en matière de divulgation de l’information financière et de gestion des risques [2]. En France, la Loi Sapin II a introduit des obligations strictes en matière de conformité et de lutte contre la corruption, renforçant ainsi le rôle des administrateurs dans la prévention des crises [3].

La culture organisationnelle influence également la manière dont les entreprises répondent aux crises. Les entreprises canadiennes privilégient souvent une approche décentralisée, permettant une plus grande flexibilité dans la prise de décision. En revanche, les entreprises françaises, souvent plus hiérarchisées, bénéficient d’un contrôle centralisé, bien que cela puisse ralentir la réponse aux situations d’urgence.

Par ailleurs, la gestion de crise repose sur des stratégies éprouvées qui intègrent des principes de gouvernance corporative. La mise en place de comités de crise et de plans de gestion des risques est essentielle. Ainsi, les comités de gouvernance peuvent jouer un rôle clé en supervisant les plans de continuité des affaires et en s’assurant que l’entreprise respecte ses obligations légales pendant une crise. En France, des entreprises comme TotalEnergies ont développé des mécanismes pour administrer les crises environnementales, en s’appuyant sur des audits ponctuels et des rapports de durabilité [4]. Alors, qu’au Canada, des entreprises comme Bombardier ont instauré des processus pour surveiller leur performance financière et atténuer les risques.

Par contre, une communication transparente est une autre composante essentielle. En vertu de la LCSA, les administrateurs canadiens doivent s’assurer que les informations communiquées aux actionnaires et au public sont complètes et véridiques, en particulier pendant une crise. En France, la loi impose également aux entreprises cotées de communiquer toute information pertinente pouvant influencer la décision des investisseurs, conformément aux articles L451-1-2 et L465-1 du Code monétaire et financier. Une gestion inadéquate de la communication peut entraîner des sanctions juridiques et nuire gravement à la réputation de l’entreprise.

À cet égard, le rôle du conseil d’administration est central en temps de crise. Les administrateurs doivent non seulement surveiller la gestion des risques, mais aussi poser des questions critiques à la direction et s’assurer que des mesures correctives sont mises en place. Au Canada, l’indépendance des administrateurs est un principe clé favorisant une supervision objective, tandis qu’en France, la diversité des profils au sein des conseils est encouragée pour enrichir la prise de décision [5].

D’autre part, les crises majeures offrent des leçons importantes. Le scandale SNC-Lavalin a souligné l’importance d’un comité de gouvernance proactif capable de gérer les problèmes liés à l’éthique et à la conformité. À la suite de cette crise, l’entreprise a renforcé ses politiques de conformité, établi un code d’éthique robuste et intégré des mécanismes d’alerte internes [6]. En France, le scandale Orpea a conduit à une réforme structurelle, mettant en lumière la nécessité de mécanismes internes de contrôle renforcé et d’une gouvernance plus transparente [7].

De tels exemples montrent que la gestion de crise ne doit pas se limiter à la réaction immédiate, mais doit également inclure une préparation proactive et une réflexion sur les pratiques de gouvernance à long terme.

Une gestion de crise appropriée est étroitement liée à la résilience organisationnelle et à la conformité juridique. Pour renforcer leur gouvernance, les entreprises canadiennes et françaises doivent adopter une approche intégrée qui combine préparation, communication transparente et responsabilité.
Parmi les mesures concrètes, nous pouvons citer :

  • La mise en place de politiques claires en matière de gestion des risques, incluant des simulations régulières de crise.
  • La formation continue des administrateurs sur leurs devoirs légaux et les meilleures pratiques en matière de gouvernance.
  • L’intégration des principes ESG dans la stratégie globale de l’entreprise pour anticiper les attentes des parties prenantes.

Un recours accru à la technologie pour surveiller les risques en temps réel, notamment en matière de cybersécurité et de conformité.

Ainsi, ces usages permettent aux entreprises d’être mieux préparées face aux imprévus et de protéger leurs actionnaires, employés et autres parties prenantes. Une gouvernance proactive, bien ancrée dans les principes de droit commercial, est essentielle pour naviguer dans un environnement économique incertain.

Pierre Mc Nicoll, Adm.A.
Secrétaire à la gouvernance

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Notes de l'article:

[1Gouvernement du Canada. (2023). Loi canadienne sur les sociétés par actions.

[2Autorité des marchés financiers (2023). Lignes directrices sur les exigences ESG au Canada.

[3Ministère de l’Économie (2017). Guide de mise en conformité : loi Sapin II.

[4Total Energies (2023). Rapport de durabilité et gestion des crises environnementales.

[5Dubois, A. (2020). « La diversité au sein des conseils : un levier pour la gouvernance. » Revue française de gestion.

[6SNC-Lavalin (2021). Rapport de gouvernance et gestion des risques post-crise.

[7Orpea (2023). Rapport annuel : réforme de la gouvernance et des contrôles internes.

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