- Élisa Betoulle et Cassandre Tinebra.
Le legal design pour augmenter la satisfaction client.
L’un des principaux avantages de cette méthode innovante est d’optimiser l’expérience des utilisateurs du droit. Les usagers du droit attendent des solutions compréhensibles et accessibles, et c’est ce que permet le legal design : produire des documents juridiques qui soient fonctionnels et désirables à la fois.
En tant que juriste d’entreprise, utiliser le legal design permet de garantir l’accès au droit aux opérationnels et de les autonomiser sur les sujets juridiques. On peut par exemple concevoir un chatbot ou une foire aux questions destinée aux opérationnels. Cela permet de faciliter l’accès au droit en permettant aux opérationnels d’obtenir une réponse à leur question juridique en permanence, et ce sans délai. Sarah Smati, juriste IT et digital chez Decathlon, explique que l’implémentation d’un chatbot juridique à destination des opérationnels en magasin a l’avantage de répondre aux besoins des équipes y compris le weekend, alors que les magasins Décathlon sont ouverts.
On observe donc un gain d’autonomie pour les clients internes, et parallèlement, un gain de temps pour les juristes. Ces derniers ne perdent plus de temps sur des tâches répétitives et chronophages, et se libèrent du temps pour se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée.
Le legal design permet également de mieux communiquer en rendant l’information juridique abordable. Une communication fluide incite les opérationnels à faire appel à la direction juridique, à la consulter plus régulièrement et en amont des projets. Le legal design contribue à la diffusion de la culture juridique interne, ce qui permet de réduire le risque de contentieux. Si nous conservons l’exemple de Decathlon, dont l’innovation au sein des équipes juridiques n’est plus à prouver, on s’aperçoit que le périmètre du legal design est vaste. L’escape game par exemple fait partie des outils pédagogiques utilisés par les juristes pour sensibiliser les opérationnels aux questions juridiques comme celles liées au droit du numérique. Il s’agit d’un premier niveau de formation, précise Marie Slabolepszy, juriste au sein de l’équipe commerce chez Decathlon.
Par ailleurs, le legal design est particulièrement enrichissant pour les professionnels du droit. C’est un moyen de faire évoluer leur pratique professionnelle, de sortir de leur routine, de découvrir de nouvelles méthodes de travail. Le legal design permet aux juristes de délivrer du contenu juridique à la fois pertinent, rigoureux et exhaustif mais également accessible pour le client. Stéphanie Dubreuil, responsable legal ops à La Poste, explique que ses équipes ont été amenées à réfléchir à des documents plus opérationnels voir ludiques tout en tenant compte du cadre juridique. C’est l’occasion de montrer en interne que le juriste sait être créatif, se réinventer et être à la hauteur de ce qu’attend son client.
Si nous prenons un regard plus macro pour nous intéresser à la pratique du langage juridique clair au sein de l’Union Européenne, on s’aperçoit que dès 2005, le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) se prononce sur le sujet. « Toute décision de justice doit être intelligible, rédigée dans un langage clair et simple, condition essentielle pour qu’elle soit comprise des parties et du public. Cette intelligibilité requiert une structure cohérente de la décision et l’articulation de l’argumentation dans un style clair et accessible à tous ». Nous nous réjouissons d’ailleurs que chaque pan du droit puisse se voir appliquer le legal design dans le respect de la règlementation en vigueur.
Le legal design pour se démarquer de la concurrence.
Prenons les conditions générales de vente. Il arrive que des clients doivent trouver des informations telles que les conditions de retour d’un article. Le client peut se retrouver à chercher pendant 20 min une information ou la trouver en 2 min car tout est clair et limpide. Forcément, dans 3 mois, lorsqu’il va racheter un article similaire, il choisira le deuxième vendeur de e-commerce à qualité égale. La stratégie de l’entreprise peut aussi passer par le juridique, et c’est une bonne nouvelle !
Pour Ubisoft, entreprise française de développement, d’édition et de distribution de jeux vidéo, le prochain challenge est de faire comprendre à l’ensemble des collaborateurs que le droit peut être innovant et peut changer la manière dont les gens, notamment les joueurs d’Ubisoft, voient le droit. Il est possible d’innover dans le droit de manière très artistique et même stratégique, selon Jean-Philippe DOHO, ancien Legal innovation manager chez Ubisoft.
Inévitablement, nous nous dirigeons vers un droit plus accessible aux non-juristes. La réglementation elle-même évolue et impose plus de transparence. C’est le cas du RGPD par exemple qui s’inscrit parfaitement dans une démarche de legal design. Certaines entreprises s’adressent aux agences de legal design pour se conformer à cette nouvelle réglementation.
Le legal design pour le juriste business partner.
Nous savons pertinemment en tant que juriste que si nous passons 10 min à négocier une clause, c’est qu’il y a une raison : un enjeu business, un risque pour la responsabilité de l’entreprise ou encore la facilitation de la relation contractuelle. Une fois la clause négociée, si le contrat n’est pas compris par les opérationnels, nous avons passé tout ce temps pour rien.
Dany Gilbert, directeur juridique du département de la Vendée partage l’expérience de sa direction qui s’est appropriée la méthode du legal design pour repenser son organisation. Il explique que le legal design s’apparente à une forme de révolution culturelle. Lorsque l’on sort de la faculté, on ne se pose pas forcément la question de la personne à qui l’on s’adresse. Un changement de méthodologie en profondeur nécessite du temps. Aujourd’hui, maintenant que le legal design est implémenté, les retours positifs quant à la clarté des solutions juridiques se multiplient et les juristes sont saisis beaucoup plus spontanément qu’auparavant.
Enfin, s’il y a du turn-over, du changement dans les équipes, les nouveaux opérationnels peuvent facilement s’approprier le contrat et l’assimiler. Et ça, c’est un avantage capital !
On passe d’une situation où le juriste est le sachant, l’expert qu’on a inconsciemment intégré qu’on ne comprendrait pas (le droit est si obscur et compliqué, c’est “normal” !), à une situation où le juriste se met à la place de son interlocuteur pour lui délivrer de l’information juridique de façon adaptée, pertinente pour résoudre son problème, en prenant en compte les enjeux derrière la question de droit.
Pour approfondir le sujet :
Le projet épices du Conseil supérieur de la Justice de Bruxelles
L’émission Pole Position – EP2
Open Your Law – S2 #1 – Intelligence juridique et legal design
Tout Droit Tout Simple - #28 – Stéphanie Dubreuil – Head of Legal Ops à La Poste
Du vent sous la robe – Direction juridique de Decathlon : à fond la forme et l’innovation
Discussion en cours :
L’article aurait été plus pertinent avec des exemples.