Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les États nouvellement indépendants ont revendiqué leur souveraineté sur les zones maritimes, suscitant une demande accrue en ressources minérales, notamment en raison de la révolution industrielle. Dans ce contexte, le navire de recherche américain Challenger a mené d’importantes campagnes de prospection, révélant l’existence de vastes réserves minérales sous-marines. Ces découvertes ont laissé entrevoir la possibilité de subvenir aux besoins de l’humanité en matières premières pour des centaines de milliers d’années.
A cet égard, les Etats négociateurs ont adopté et sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, la Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer en 1982, entrée en vigueur en 1994.
Compte tenu de l’intensification de l’exploitation des océans, le risque de conflits maritimes s’est accru. Anticipant cette éventualité, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer a instauré de nouveaux mécanismes de règlement pacifique des différends. On peut citer notamment le Tribunal international du droit de la mer et l’arbitrage, dont les procédures sont respectivement régies par les annexes VII et VIII de la Convention.
La question qui se pose est la suivante : quelle utilité présente l’arbitrage dans la résolution des différends internationaux en droit de la mer ?
I- L’arbitrage en droit de la mer : un catalyseur et un régulateur des relations internationales.
Certes, la résolution d’un tel différend entre deux ou plusieurs États par le biais de la justice arbitrale pourrait renforcer les relations entre les États concernés. D’ailleurs, la justice arbitrale offre une telle souveraineté diplomatique aux États négociateurs en ce qui concerne la constitution du tribunal arbitral.
Par conséquent, la sentence arbitrale sera en faveur des intérêts des États en litige, puisque ce sont eux qui constituent le tribunal arbitral en choisissant les arbitres en fonction des compétences requises. En l’occurrence, la meilleure preuve de cette assertion est la conjoncture des relations anglo-américaines et de leur alliance forte et multisectorielle, bien que le Royaume-Uni ait colonisé les États-Unis.
Ainsi, le Royaume-Uni a fourni une véritable flottille de plusieurs dizaines de navires de guerre aux sudistes esclavagistes lors de la guerre de Sécession américaine (1861-1865) contre les nordistes, quelques jours après l’élection d’Abraham Lincoln à la présidence des États-Unis.
Suite à la soumission de l’affaire au tribunal arbitral, celui-ci a rendu sa sentence en 1872. En fait, l’affaire est nommée « Alabama », du nom de l’un des navires de guerre fournis par les chantiers britanniques aux sudistes. En effet, l’arbitrage de l’Alabama a donné un nouvel élan aux relations anglo-américaines.
II- La particularité du secteur maritime et la compétence des arbitres.
Il ne fait aucun doute que le secteur maritime se caractérise et se distingue des autres secteurs. D’ailleurs, pour statuer et rendre un jugement sur une affaire maritime, il est évident que la compétence de la personne qui va juger doit être à la fois théorique et technique, et seul un arbitre peut répondre à cette exigence.
En outre, il est préférable qu’un différend portant sur l’abordage entre deux ou plusieurs navires dont l’un est doté d’une telle immunité, soit confié à un tribunal arbitral se composant d’au moins un capitaine ou un chef mécanicien de la machine plutôt qu’un juge qui n’a jamais mis ses pieds à bord d’un navire.
III- L’arbitrage en droit de la mer : un instrument efficace du règlement pacifique des conflits.
Incontestablement, l’arbitrage en droit de la mer est un instrument primordial du règlement pacifique des conflits. Suite au succès indéniable marqué par l’arbitrage de l’Alabama en 1872, les représentants des puissances mondiales, sous la présidence du tsar de Russie lors de la conférence de la paix à La Haye, ont donné lieu à la création de la cour permanente d’arbitrage, qui est célèbre en la matière. En effet, cette cour a presque administré toutes les procédures conduites à l’application et à l’interprétation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, soit 14 des 15 procédures.
Par ailleurs, la Convention a bien positionné l’arbitrage. Selon les termes de l’article 287, l’arbitrage prévu à l’annexe VII est le mode de règlement juridictionnel le plus avantageux par rapport à la Cour internationale de Justice et au Tribunal international du droit de la mer. Ce privilège se manifeste lorsque les États en litige n’ont pas accepté la même procédure, comme cela a été le cas dans le différend de 2003 entre la Malaisie et Singapour concernant la poldérisation de Singapour à l’intérieur et à proximité du détroit de Johor.
En revanche, selon les dispositions de l’article 9 de l’annexe VII, si une partie ne participe pas à la procédure arbitrale, cela ne fait pas obstacle à son déroulement.
C’est ce qui s’est passé dans l’affaire portant sur la délimitation territoriale en mer de Chine méridionale en 2014, entre la République populaire de Chine et les Philippines.
Bien que la Chine n’ait pas participé à la procédure arbitrale, la Cour permanente d’arbitrage a rendu sa sentence en 2016.
Finalement, l’arbitrage a prouvé son efficacité dans différents domaines, notamment ceux qui se caractérisent et se distinguent des autres, dont le secteur maritime constitue une part majeure. À cet égard, la Cour permanente d’arbitrage joue un rôle indéniable dans l’application et l’interprétation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer par voie de justice arbitrale.
Toutefois, le non-respect des sentences arbitrales en droit de la mer par des acteurs majeurs de la géopolitique mondiale, à savoir la Russie dans une affaire en 2013 avec l’Ukraine, la Chine en 2016 dans un litige avec les Philippines, et ainsi le Royaume-Uni qui n’a pas exécuté la sentence de 2015 portant sur l’affaire de l’établissement d’une aire marine protégée dans les îles des Chagos, tout cela nous amène à poser une question épineuse qui est la suivante : dans quelle mesure les conflits géopolitiques influencent-ils l’applicabilité des sentences arbitrales par les États ?