5 mythes au sujet du Contract Management.

5 mythes au sujet du Contract Management.

Rédaction du village

Profession à croissance exponentielle en Europe et plus particulièrement en France ces dernières années, le Contract Management, parfois victime de son succès, affronte régulièrement quelques fausses idées qui troublent le message, aussi bien auprès des organisations souhaitant développer leur processus de gestion des contrats que dans l’esprit des étudiants et des professionnels en reconversion (ou en évolution) désireux de s’orienter vers la fonction de Contract Manager.

Au cœur de la confusion, cinq de ces mythes sont particulièrement retors car fréquemment réitérés par méconnaissance du sujet. Un peu de clarté s’impose, alors, afin de se recentrer sur la véritable nature et la forte valeur ajoutée de cette matière aussi passionnante que pluridisciplinaire...

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1. Un Contract Manager et un juriste d’entreprise, c’est la même chose !

Si environ un Contract Manager sur deux est en possession d’un bagage juridique (universitaire et/ou expérience au sein d’une direction juridique), les 50% restants se répartissent parmi divers profils qui font toute la richesse du métier : ingénieurs, chefs de projet, financiers, commerciaux et consultants principalement.

Cette diversité apporte un premier élément de réponse au premier mythe (le plus répandu) : non seulement un Contract Manager n’est pas nécessairement un ancien juriste d’entreprise, mais les deux professions ne sauraient être confondues.

A la différence du juriste, le Contract Manager n’a pas vocation à s’imposer comme l’expert du droit au sein de son organisation. Il ne sera pas consulté pour orienter les choix stratégiques de son entreprise sur des domaines aussi pointus que le droit social, le droit de la concurrence, les impératifs règlementaires du droit de la construction, des télécoms, ou de tout autre aspect législatif (local ou international) en relation directe avec l’activité de la société qui l’emploie.

La conformité avec la loi au sens large est le terrain du juriste, celui du Contract Manager est le contrat.

Ici encore, il convient de contourner le risque de confusion. Si certaines directions juridiques, en l’absence de département Contract Management, interviennent dans la gestion des contrats, c’est dans le cadre restrictif de leur rédaction, leur négociation et, de façon réactive si une défaillance se produisait, lors du suivi du contentieux.
En plus de ce qui précède, le Contract Manager gère le contrat de bout en bout de manière proactive, main dans la main avec les opérationnels, les vendeurs/acheteurs et, plus généralement, tous les acteurs susceptibles d’apporter leur expertise au cycle de vie contractuel. Il coordonne ainsi, à plein temps pour un ou plusieurs contrats donnés, les activités suivantes : maîtrise des risques et gestion des problèmes, facilitation et résolution de conflit, développement de la qualité relationnelle avec les différents cocontractants, formation des divers intervenants, suivi des changements et des extensions contractuels, pérennité de l’économie du contrat, identification et action sur les leviers commerciaux, etc. La liste ne saurait être exhaustive.
Juriste d’entreprise et Contract Manager sont donc deux experts singuliers disposant de compétences propres, deux fonctions bien distinctes et pourtant voisines, sans aucun doute.

2. « Contract Management » équivaut à « Claim Management »

Il est encore courant d’entendre que le Contract Manager est dédié à la gestion de la phase « Claim Management » d’un contrat.
Par Claim Management, on entend la procédure de réclamation engagée par une partie à un accord à l’égard de l’autre, suite à l’émergence d’une problématique liée à l’exécution dudit accord. Le « précontentieux » est aussi une terminologie largement employée dans un tel cadre.
Ainsi, un client émettra une réclamation en vue de se plaindre des retards de livraison de son fournisseur, d’une malfaçon dans la construction d’un immeuble, d’une dérive budgétaire ou de périmètre, etc. Un vendeur exigera une explication sur un montant croissant d’impayés, une inconsistance dans l’expression des besoins de son acheteur, et autres réjouissances du même acabit.

Le Contract Manager intervient-il dans la gestion de telles problématiques ? Certainement. Son rôle est clé puisqu’en sa qualité de garant de la bonne santé du contrat, il se doit de tout tenter pour rétablir l’équilibre perturbé par des situations conflictuelles.
Mais ce n’est pas tout. Si le professionnel de la gestion de contrat porte nécessairement la casquette du spécialiste du précontentieux, avec pour objectif de protéger son organisation des attaques extérieures, la logique guerrière n’est pas l’approche naturelle à adopter.
Le Contract Manager est d’abord un facilitateur. Il cherchera par tous les moyens à sa disposition, en puisant dans sa formation et dans sa pratique de la résolution de conflit, à protéger la relation contractuelle et à la développer.

Enfin, si le Claim Management est une part intégrante des activités de Contract Management, ce n’est qu’une mission parmi de nombreuses autres et probablement pas la plus importante. Cette phase a pour but de traiter une défaillance, un ou des problèmes. Or, le Contract Manager s’évertue, par la gestion de risque et la négociation collaborative à anticiper les possibles manquements de par son mode d’intervention proactif et, au besoin, à les contourner par des plans d’action robustes et agiles. Le précontentieux reste une exception, une éventualité à ne pas atteindre. Le cœur du métier est ailleurs, dans l’optimisation du cycle de vie du contrat.

3. Un Contract Manager intervient une fois le contrat signé

La vie du contrat est un cycle, généralement présenté sous la forme de cinq phases, de la création à la clôture (ou la prolongation, autant que faire se peut).
Chacune de ces étapes apporte son lot de risques, de problèmes, d’interactions avec les différentes parties à l’accord.
Considérer que la gestion du contrat démarre une fois sa signature consiste à imaginer que la création, la négociation et la validation d’une convention ne méritent pas un investissement conséquent et que ces trois phases n’ont pas d’impact sur les deux suivantes : exécution et clôture/prolongation. Autant annoncer que le développement de l’être humain démarre à l’âge adulte et que l’enfance peut être isolée du processus de vie car elle n’influence pas la maturité post-adolescence.

Evidemment, rien n’est plus faux. Aussi, le Contract Manager appréhendera le cycle contractuel dans sa globalité et sa latéralité. Chaque phase compte et exige une importance identique. Un risque identifié lors de la rédaction d’une proposition commerciale pourrait, s’il n’est pas traité avec toute l’attention nécessaire, se transformer en problème au mitan de la phase d’exécution.
Impossible, donc, de faire l’impasse sur la période pré-signature. Les compétences acquises par le professionnel lui assurent la capacité de s’impliquer à chaque étape et de déployer les processus, les outils, le savoir-faire et le savoir-être indispensables à la réalisation de sa mission.

Certaines organisations font, cependant, le choix de scinder l’équipe Contract Management en deux groupes : les Contract Managers dédiés à la phase pré-signature et ceux démarrant leur engagement au début de l’exécution. Ce n’est pas une difficulté dans la mesure où le principe de gestion globale de l’intégralité du cycle demeure. Et, afin d’assurer une continuité dans l’action, les organisations en question créent les processus de transfert de connaissance appropriés et facilitant la promesse d’une gestion de bout en bout.

4. Le Contract Management n’a d’intérêt qu’au sein des grandes multinationales

Il y a dix ans, le Contract Management ne signifiait rien en France. La matière restait cantonnée au monde anglo-saxon.
Depuis environ cinq ans, la pratique de la gestion des contrats complexes, tout comme la terminologie anglophone qui lui est associée, monte en puissance dans l’hexagone, à l’instar de son succès croissant en Europe, pays dits « émergents » compris.

Le premier secteur à s’être laissé tenter par la discipline au point de la mettre en valeur sur le marché de l’emploi est celui des technologies de l’information. Les projets d’intégration de systèmes ou d’externalisation informatique étaient une cible de choix, du fait de leurs aléas inhérents, leur durée longue et de l’extrême complexité supportée par les questions opérationnelles.
Naturellement, les SSII rayonnant à l’international et les gros cabinets de conseil furent longtemps un réceptacle à Contract Managers ; le concept se reproduisant par la suite sur d’autres secteurs éminemment orientés vers le service ou la gestion de projets : Défense, Aérospatial, Industrie pétrolière/Gaz, Nucléaire, Construction, Télécoms.

S’il ne fait aucun doute que le Contract Management a pris son envol au sein des très grands groupes, la réalité de l’activité économique des projets complexes précédemment visés exige l’intervention d’une multitude de fournisseurs, en relation directe avec le client ou via des montages contractuels de sous-traitance et cotraitance.
Les fournisseurs en question varient quant à leur taille et l’étendue de leur périmètre géographique : local, national, international. Nombreux sous-traitants ne dépassent pas la taille d’une PME et exigent pourtant un suivi professionnel de leurs contrats tout au long du cycle.

Pour les petites et moyennes structures en question, le recrutement d’un Contract Manager n’est pas toujours une solution, car le besoin sera limité au temps du projet. En quête de flexibilité, elles font alors appel à une pratique en plein essor sur le territoire français qui consiste à chercher la compétence auprès de sociétés spécialisées dans le Contract Management externalisé.
De la même façon, côté achat, un client n’a pas nécessairement la taille du fournisseur avec lequel il contracte. Il a pourtant besoin de la vision et de l’expertise du Contract Manager pour mener à bien son projet et optimiser la relation avec l’autre partie.

Pour toutes les raisons qui précèdent, le Contract Management n’est plus aujourd’hui une discipline limitée aux grandes organisations. Sa valeur ajoutée est recherchée indépendamment de l’envergure de la structure.

5. Un peu de pratique suffit à fabriquer un bon Contract Manager

Que l’on retienne la définition que lui en donne le groupe Aberdeen, à savoir le processus consistant à gérer de façon systématique et efficace la création, l’exécution et l’analyse du contrat en vue de maximiser la réussite opérationnelle et financière et de minimiser les risques1, ou bien celle que nous avons proposé dans une précédente publication — l’activité qui consiste à développer et contrôler le cycle de vie d’un contrat, de la phase d’initialisation jusqu’à son terme, par la coordination systématique et méthodique des ressources et des processus utiles à la maîtrise des risques et à l’optimisation financière —, le Contract Management n’apparait pas comme une matière susceptible de s’apprendre sur le tas sans posséder les bases solides préalables.
Certes, pratique régulière, variété des problématiques rencontrées et expérience de différents terrains d’application constituent l’élément différentiateur premier entre un Contract Manager débutant et un technicien plus senior.
En revanche, sans la maîtrise du socle d’apprentissage des disciplines clés organisant la matière, des décennies d’exercice de la fonction (dégradée) ne suffiront pas à transformer un étudiant ou le spécialiste d’un autre domaine tenté par une nouvelle aventure en Contract Manager.

On ne s’improvise pas professionnel de la gestion des contrats complexes. Avant d’embarquer, il convient de se préparer à la navigation en eaux troubles et de se former ainsi à des compétences aussi bien métiers que fonctionnelles incontournables :
- Le savoir-faire juridique et la parfaite connaissance du cycle de vie d’un contrat ;
- Les essentiels de la finance d’entreprise et de projet ;
- L’art de la gestion de projet ;
- La stratégie des risques ;
- La résolution de conflit par les outils de facilitation/médiation ;
- La négociation collaborative.

A ceci s’ajoutera, selon le contexte dans lequel le Contract Manager interviendra, une conscience aigüe du marché, de la stratégie commerciale de son organisation, et de la technicité associée aux activités opérationnelles concernées par le périmètre de la convention.

Le chemin vers le perfectionnement commence alors puisque, en sus des compétences ci-dessus, certains talents et qualités individuels exigeront de s’affirmer très tôt dans la carrière du professionnel : créativité, sens du leadership, assertivité, capacités d’analyse et de synthèse, etc.
La route est longue, mais la route est belle...

Rédaction du village

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Discussions en cours :

  • Bonjour Grégory,

    Merci pour cet article fort intéressant.

    Le Contract Manager tel que décrit dans votre article peut avoir la lourde tâche de travailler en amont, dans l’exécution et en aval du contrat. Son métier lui impose donc de travailler main dans la main avec les achats, les juristes, les financiers et les opérationnels.

    Ce qui reste difficile à quantifier c’est l’apport des Contracts Managers. En effet, s’il est possible de valoriser financièrement l’apport du métier dans les phases de négociations, cela n’est plus vrai dans les phases d’exécution : son apport reste indirect en fluidifiant la relation.

    Pour autant, je suis convaincu qu’un expert transversal sur les contrats apporte énormément dans les relations fournisseurs.

    Aujourd’hui le métier est lancé en France avec de belles perspectives.

    Bonne journée,

    Pierre Bansillon
    Directeur TELMA CONTRACT & EXPENSE
    www.telmace.fr

    • par Grégory LEVEAU , Le 10 juillet 2014 à 09:40

      Bonjour Pierre,

      Je vous remercie pour ce commentaire.

      Au sein de l’Ecole Européenne de Contract Management, nous attachons une importance croissante à la question de la mise en avant de la valeur ajoutée du Contract Management.

      Convaincus que cette fonction ne saurait être considérée comme un centre de coût, nous proposons des pistes de valorisation tant qualitatives (via des indicateurs de performance) que quantitatives (savoir démontrer que le Contract Manager est un productif - impact financier via l’actionnement des leviers commerciaux, réintégration de la provision pour risque dans la marge du P&L, etc.)

      Nous restons à votre disposition pour en discuter. N’hésitez pas à nous contacter : contact chez e2cm.net

      Bien à vous,

      Grégory LEVEAU
      www.e2cm.net

    • par GUIDROUX , Le 17 octobre 2014 à 16:29

      Claim Management et Contract Manager, enfin une différenciation dans les fonctions On s’investit un peu trop vite en qualité de Contract Manager en oubliant, tout de même, qu’une base juridique est essentielle pour développer un argumentaire claim.

      André-Louis GUIDROUX
      Consultant indépendant
      CINGAL INGENIERIE

    • par Vincent LEFEUVRE , Le 4 septembre 2015 à 18:01

      Bonjour Pierre

      Je suis d’accord sur le fait qu’il est difficile de quantifier l’apport du Contract Manager sur les projets. En revanche ce qui est quantifiable, et de plus en plus présent dans les Contrats, c’est le coût des dérapages contractuels. Il n’est pas rare aujourd’hui que des pénalités de retards, des pénalités pour manquement aux performances techniques, ... soit clairement définies dans les clauses. ces pénalités peuvent être capées à 20 à 30 % de la valeur de vente du Contrat.
      L’action quotidienne du ou des Contract Managers peut diminuer fortement le risque de devoir payer ces pénalités.

      De quoi justifier la mise en place d’un bon Contract Manager sur les projets non ?

      Vincent LEFEUVRE
      Senior Advisor TECHNOPOLIS Consulting.
      https://fr.linkedin.com/pub/vincent-lefeuvre/38/37a/a5
      www.technopolisconsulting.com

  • par Raphaëlle , Le 9 septembre 2014 à 10:17

    Bonjour,
    Merci pour cet article très enichissant. Je suis Contract Manager dans une entreprise telecom/FAI depuis 4 ans et il est clair que certains collaborateurs se demandent parfois ce que je fais de mes journées :-).
    Au-delà effectivement du Claim, il y a également tout le suivi des contrats, leurs indicateurs de performance, le suivi bugétaire contractuel, la négociation d’avenants, la GED, le transfert de compétences aux opéraitonnels et surtout et avant tout, du moins sur mon périmètre, le support quotidien auprès des directeurs de programmes, managers et chefs de projets. Relire un contrat ponctuel d’assistance, rédiger un NDA, calculer des pénalités pour retards de plannings... Echanger avec des fournisseurs asiatiques qui ont un regard sur le contrat totalement différent de celui des européens, négocier avec des américains... Etre le pivot entre les opérationnels, les juristes et les acheteurs.
    Bref, métier récent, certes, mais d’une richesse incroyable.

  • J’ai rencontré un seul contract manager durant les 15 ans de carrière, lors d’un négociation d’une info gérance informatique. Profil plutôt juridique et aucune gestion de projet. Mon expérience corrobore votre présentation du métier. J’ai revu une annonce depuis pour un contract manager de haut vol avec un profil ingénieur. C’est encore assez rare en France, dommage.

    • par Patrick Joly , Le 14 août 2014 à 12:20

      Bonjour Fouzanet,
      Je suis contract manager, mais pas juriste.
      Ingénieur avec expérience de chef de projet, dans le domaine métier des contrats que je gère.

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