Les salariés aidants et les dispositifs existants. Par Gabrielle Rangapadéatchy, Elève-Avocat.

Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

Les salariés aidants et les dispositifs existants.

Par Gabrielle Rangapadéatchy, Elève-Avocat.

4556 lectures 1re Parution: Modifié: 4.31  /5

Explorer : # salariés aidants # dispositifs juridiques # conciliation vie professionnelle et personnelle # aides financières

En France, on compte à ce jour (mars 2023) 11 millions de proches aidants dont un sur deux serait salarié. L’évolution démographique a ainsi mis en exergue la croissance exponentielle des personnes venant en aide à un ou plusieurs proches en perte d’autonomie.
Identifiés parfois comme « co-soignants » et exerçant pourtant cette activité à titre bénévole, comment les entreprises peuvent répondre à cet enjeu sociétal et plus que jamais d’actualité ?
Ou encore comment le droit peut-il améliorer le quotidien des salariés aidants ?
De l’aidance à la salariance, état des lieux et enjeux.

-

I- Etat des lieux.

A- Définition

En recherchant la définition d’un salarié aidant, force est de constater que le Code du travail ne la prévoit pas.

C’est à l’article L113-1-3 du Code de l’action sociale et des familles que nous pouvons trouver une définition du proche aidant.

Il s’agit ainsi d’une personne qui s’occupe :
- D’une personne âgée
- De son conjoint, de son concubin
- Du partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité
- Un parent ou un allié
- Une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables.

Il lui vient en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne.

Ainsi, le salarié aidant serait le proche aidant qui cumule une activité professionnelle.

Le sujet est donc propice à des études plus approfondies et pourtant les pratiques dans les entreprises restent floues comme le cadre juridique. Des dispositifs existent toutefois. Tour d’horizon.

B- Les dispositifs juridiques existants et les pratiques.

Entre congés et allocations, quels sont les dispositifs les plus adéquats pour répondre aux défis des salariés aidants ? Sont-ils accessibles ?

a- Des congés et prestations applicables aux salariés aidants.

Il existe aujourd’hui 3 types de congés pouvant répondre aux besoins de ces « co-soignants » en activité salariée. Parmi eux, on distingue le congé de proche aidant (CPA), le congé de présence parentale (CPP) ou encore le congé de solidarité familiale (CSA).

1/ Le congé de proche aidant.

Ce congé permet d’assister un proche dépendant et figure à l’article L3142-16 du Code du travail.

Avant le 1er juillet 2022, il était exigé que la maladie ou le handicap du proche soit d’une « particulière gravité ». Cette exigence a, depuis la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021, art 54, II, 1°, été supprimée.

A défaut de convention ou d’accords, ces dispositions s’appliquent :

- Qui peut y prétendre ? Tout salarié, sans condition d’ancienneté, qui souhaite suspendre son contrat de travail pour s’occuper d’un proche présentant un handicap ou une perte d’autonomie.
- Sa durée ? 3 mois renouvelable dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière professionnelle. Il peut ainsi être pris en temps partiel ou fractionné si l’employeur l’accorde.
- Son indemnisation est possible, versée par la Caisse d’allocations familiales (CAF) par le biais de l’allocation journalière de proche aidant (AJPA).
- Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, le congé de proche aidant « total » n’est pas rémunéré, sauf usage ou accord collectif plus avantageux. Toutefois, en cas de période de travail à temps partiel, le salarié reçoit une rémunération proportionnelle au temps de travail effectué.

2/ Le congé de présence parentale.

Ce congé permet quant à lui d’assister un enfant de moins de 20 ans gravement malade, en situation de handicap ou accidenté qui nécessite une présence soutenue ainsi que des soins contraignants (art. L1225-62 du Code du travail) :

- Qui peut y prétendre ? Tout salarié sans condition d’ancienneté dont l’enfant est à charge peut y prétendre.
- Sa durée ? Limitée à 14 mois sur une période de 3 ans pour un même enfant (art. L1225-62 du Code du travail).
- Ce congé, non rémunéré par l’employeur est assorti d’une AJPP (allocation journalière de présence parentale) qui l’indemnise, allocation versée par la CAF (art L544-3 du Code de la Sécurité sociale).

3/ Le congé de solidarité familiale.

Ce congé permet d’assister un proche en raison de la gravité de son état de santé, fonction d’une pathologie ou dont le pronostic vital est engagé. (L3121-6 du Code du travail) :

- Qui peut y prétendre ? Tout salarié, sans condition d’ancienneté, aidant d’un ascendant, descendant, frère ou sœur, personne partageant le domicile ou personne de confiance (L1111-6 du Code de santé publique).
- Sa durée ? A défaut d’accord collectif d’entreprise ou d’accord de branche, il est limité à 3 mois renouvelable une fois (L3142-15 du Code du travail) et peut être pris sous forme de temps partiel ou fractionné si l’employeur l’accorde.
- Son indemnisation ? Une allocation journalière si la demande d’indemnisation est faite pour une personne en fin de vie accompagnée à domicile. (L1111-6 du Code de la santé publique).
- Ce congé n’est pas rémunéré et il est interdit au salarié d’exercer une autre activité professionnelle (L3142-9 du Code du travail).

4/ Le don de congés.

La loi du 9 mars 2014 dite loi Mathys relative entre autre au don de congés qui était d’abord issu d’initiatives d’entreprises formalisées dans un accord collectif, permet le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade (L1225-65-1 du Code du travail).

Ainsi, un salarié pouvait faire un don de jour de repos à un collègue dont l’enfant est gravement malade.

Depuis 2018 et la loi n°2018-84 du 13 février 2018, ce dispositif a été étendu à tous les proches aidants.

L’avantage de ce don de congés, permet aux salariés aidants de ne pas perdre en rémunération et de bénéficier de congés payés (L1225-65-1 et L3142-25-1 du Code du travail).

Toutefois, force est de constater que ces dispositifs sont méconnus, pas assez promus pour les uns, trop opaques pour les autres. Entreprises comme salariés, font face à la complexité de ces démarches et à la pudeur de certains aidants qui ne souhaitent pas solliciter ce type de dispositifs.

Ainsi, en 2021, on recensait uniquement 4 500 ouvertures de droits à l’allocation journalière de proche aidant.

Ce constat interroge quant à la sensibilisation des salariés et des entreprises à la notion d’aidance et aux dispositifs existants.

b- Des allocations et aides financières existantes.

Beaucoup de frais peuvent être engagés par les aidants ou les aidés. Ainsi, selon le profil de l’aidant quelques aides financières existent comme la prestation de compensation du handicap (PCH), l’allocation éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ou encore l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

1/ La prestation de compensation du handicap.

Il s’agit d’une aide financière versée par le département.

Cette prestation permet ainsi de rembourser les dépenses liées à la perte d’autonomie et parmi les aides liées à cette prestation, l’aide humaine peut permettre le dédommagement d’un aidant familial.

L’attribution est différente selon le degré d’autonomie, l’âge, les ressources ou encore la résidence.

2/ L’allocation éducation de l’enfant handicapé.

Il s’agit d’une aide financière destinée à compenser les dépenses liées à la situation de handicap d’un enfant de moins de 20 ans. Elle est versée mensuellement.

3/ L’allocation personnalisée d’autonomie.

Elle sert à payer en totalité ou en partie, les dépenses nécessaires aux personnes en perte d’autonomie de rester à leur domicile.

Elle est versée sous conditions d’âge et de perte d’autonomie, évaluée par les services du département. Des dispositifs de répit pour le salarié aidant peuvent être financés par une majoration de l’allocation.

C- L’aménagement et l’adaptation des horaires.

Enfin, des mécanismes de flexibilité horaires pourraient être mobilisés mais ils ne sont pas adaptés et nécessitent l’intervention des entreprises et la conscientisation de cette thématique.

1- Horaires individualisés.

L’article L3121-49 du Code du travail prévoit la possibilité pour les proches d’une personne handicapée de demander un aménagement d’horaires individualisés.
Ainsi, l’accès ou le maintien à l’emploi est facilité, au même titre que l’exercice professionnel du salarié aidant.

Toutefois, il est utile de préciser que ce texte ne prévoit pas ces mesures d’aménagement en faveur des salariés aidants de personnes âges indépendantes ou en fin de vie.

Il pourrait ainsi être intéressant d’étendre ce dispositif à tout type de salarié aidant afin de répondre aux enjeux que suppose cette thématique.

2- L’autorisation d’absences ponctuelles.

Certaines situations familiales donnent lieu également à des jours d’absence comme par exemple un mariage, une naissance ou encore un décès.

Un accord collectif ou un usage peut prévoir d’autres motifs de congé familial et des durées supérieures (L3142-5 du Code du travail).

3- Recourir au télétravail.

Le télétravail peut quant à lui être exercé dans le cadre d’un accord collectif ou d’une charte élaborée par l’employeur après l’avis du CSE.

En l’absence d’accord collectif ou de charte, le salarié et l’employeur peuvent convenir de recourir à ce télétravail de gré à gré. Ainsi, lorsque le proche aidant d’une personne âgée formule une demande de télétravail, l’employeur doit en motiver le refus (art L1222-9 du Code du travail et art L133-13 du Code de l’action sociale et des familles).

4- Convertir les jours de congés et de RTT dans le cadre du compte épargne-temps.

Instituer par accord collectif, le compte épargne temps (CET) permet au salarié d’épargner des temps de repos (congés, jours de repos…) ainsi que des sommes d’argent comme par exemple des primes de 13è mois ou d’intéressement pour une utilisation ultérieure (art. L3151-1 du Code du travail).

C’est l’accord collectif qui détermine les types de congés pour lesquels le salarié peut mobiliser le CET pour indemniser des périodes non travaillées.

Dès lors, il serait possible pour les salariés aidants de mobiliser ce dispositif et aux entreprises de le mettre en place afin de s’inscrire dans un véritable engagement auprès des aidants.

En dressant cet état des lieux des dispositifs juridiques existants parmi des textes épars, il est patent que l’information et la sensibilisation des salariés aidants comme des entreprises sont insuffisantes. Dès lors, il est nécessaire de former, conseiller les entreprises pour accompagner au mieux les salariés aidants.

En effet, les enjeux ne sont pas uniquement propres aux entreprises mais concernent inévitablement les aidants et a fortiori la société toute entière.

II- Enjeux et recommandations.

Sujet impensé, voir incompris, le nombre de Français ayant déjà entendu parler des aidants au sens large progresse mais reste faible.

Entre 2015 et 2021, la progression est ainsi passée de 28 à 50% pour la part des Français ayant entendu parler de la thématique des aidants. Pourtant, c’est encore trop peu pour considérer que les Français sont sensibilisés à cet enjeu sociétal.

L’aidance ne touchant pas uniquement l’individu mais aussi l’entreprise et la société prise dans son ensemble.

C’est pourquoi, une approche dynamique et plurale est nécessaire pour intégrer les défis et les enjeux de l’aidance.

A) Les enjeux.

1- Un enjeu financier.

Le principal enjeu auquel est confronté l’aidant reste le défi financier. En effet, la perte de revenus engendrée par cette situation d’aidant malgré les mécanismes d’indemnisation est importante. De même, il est patent que cette situation touche le plus souvent les femmes et affecte nécessairement le principe d’égalité des hommes et femmes.

Par ailleurs, l’incidence du rôle d’aidant ne concerne pas uniquement la perte financière mais aussi celui de la retraite. En effet, les dispositifs actuels de congés faiblement indemnisés pénalisent nécessairement le salarié.

A l’heure où la thématique des retraites est préoccupante, des mécanismes existent comme l’assurance vieillesse du parent au foyer et permettent de garantir une continuité dans la constitution des droits à la retraite.

Toutefois, ces mécanismes sont trop peu rémunérateurs et auront nécessairement une incidence sur la retraite du salarié aidant.

Ainsi, pour ce qui est de l’aspect financier, outre les aides de l’Etat existantes comme l’AVPF ou les aides au maintien à domicile, les entreprises privées pourraient mettre en place des aides financières.

Le guide des bonnes pratiques du rapport entreprises mondiales et aide aux salariés aidants, préconise 3 types d’aides : de l’aide financière ponctuelle permettant de faire face à une dépense exceptionnelle (comme par exemple l’aide-ménagère ou le portage de médicaments) à l’aide financière permanente comme une allocation qui permet d’assurer au salarié aidant un complément de revenu et enfin une amélioration du droit à la retraite complémentaire par le biais de congés exceptionnels d’aidants.

Par ailleurs, différents dispositifs pourraient permettre au salarié de ne pas perdre de revenus s’il prend des congés. En effet, l’entreprise pourrait cotiser pour la retraite du salarié quand ce dernier prend des congés ou encore maintenir son salaire et continuer d’encourager le don de congés.

2- La difficile conciliation vie professionnelle et vie personnelle.

Activité chronophage, le temps consacré à l’aidance ne permet pas au salarié d’avoir une vie familiale et sociale, de disposer de temps pour des loisirs, des sorties ou voire des vacances. Le temps d’aidance moyen par semaine est de 8,3h par semaine, l’impact est considérable.

Pour ce qui est de l’aspect organisationnel, l’attention des entreprises doit donc être portée sur l’accès à l’information pertinente et rapide, en améliorant la communication auprès des salariés aidants.

Ainsi, différentes plateformes permettent de recenser les dispositifs existants : Responsage, Tilia, Nouveau souffle, la compagnie des aidants ou encore Ma boussole aidants.

A titre d’exemple, le groupe VYV a publié un catalogue regroupant les solutions concrètes pour les aidants et les aidés, ce qui permet de donner plus de visibilité et de trouver des solutions en interne.

Aussi la flexibilité horaire est un point important sur lequel l’entreprise peut œuvrer selon les besoins de l’aidant : horaires décalés pour rendre visite au proche aidé, accroissement du télétravail, congés ponctuels pour accompagner l’aidé dans les rendez-vous ou le parcours de soins.

Concernant le télétravail, elle offre un gain de temps considérable et permet de concilier vie professionnelle et personnelle avec un point d’attention toutefois sur la nécessité de ne pas rompre le lien social et ne pas favoriser l’isolement du salarié aidant.

Afin de favoriser l’objectif de flexibilité horaire, la CFDT a ainsi proposé une « banque des temps » qui permettrait au travailleur de gérer son temps de vie différemment ou encore de créditer son compte épargne temps universel en temps.

Compte-tenu de la spécificité de chaque salarié aidant, ces dispositifs peuvent être temporaires et réévalués en accord avec le salarié et au fil de l’évolution de sa situation qu’elle soit urgente ou résorbée.

Sur le modèle de la parentalité en entreprise, des mesures de QVT ou encore celles prises durant la covid-19, l’entreprise pourrait s’en inspirer et ainsi, les étendre aux salariés aidants.

3- Les impacts sur la santé.

Ces enjeux de temporalité et financiers ont ainsi des répercussions accrues sur la santé du salarié. Pourtant, la santé du salarié doit être une des préoccupations de l’employeur pour éviter des conséquences néfastes sur la vie professionnelle du salarié (L4111-1 et suivants du Code du travail).

Dans le cadre de l’obligation de l’employeur, d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés, il s’agit de mener des actions pour prévenir l’épuisement des salariés aidants et amoindrir leur charge mentale.

Il peut s’agir d’un diagnostic santé mené à l’occasion d’une visite médicale professionnelle ou encore de la mise en place de lignes d’écoute psychosociale, tout en respectant la vie privée du salarié et ce qu’il veut bien confier.

De même, un numéro d’appel peut être mis en place, instaurant un climat de confiance, afin d’orienter le salarié aidants vers les solutions existantes.

En outre, l’allègement de la charge mentale du salarié aidant et la prévention d’éventuelles pathologies, passe par le droit au répit.

Il peut s’agir d’une prise de congé, d’un séjour de répit, de l’accueil du proche aidé en établissement ou encore d’une solution de relayage ou baluchonnage.

En effet, le relayage est une solution de répit et d’accompagnement pour être relayé quelques heures ou sur une plus longue durée. Il permet de mettre en place un accompagnateur spécialisé pour profiter d’un moment de répit et s’absenter.

Depuis la loi Essoc n° 2018-727 du 10 août 2018, une expérimentation est menée pour permettre à titre dérogatoire, une modification des temps de pause et de repos, des temps journaliers et hebdomadaires de travail, afin d’appliquer le modèle du baluchonnage (modèle venant du Québec).

Il s’agit d’un relais du salarié aidant par un professionnel sur une durée de 6 jours consécutifs dans le cadre d’une expérimentation aux limites légales de la durée maximale du temps de travail.

Le développement de la technique du baluchonnage, repose sur des questions de QVT et de bien-être au travail. Les organisations syndicales pourraient in fine, envisager un encadrement de ces expérimentations et a fortiori, leur élargissement.

Enfin, comme énoncé ci-avant, la prise de congé dans le cadre règlementaire, permet d’alléger la charge mentale du salarié aidant.

4- L’impact sur la vie professionnelle.

Outre les pertes financières et la dégradation de l’état de santé du salarié, la vie professionnelle peut être affectée.

Le salarié aidant peut en effet renoncer à des opportunités professionnelles en raison de son rôle et donc un manque à gagner est engendré.

L’effet est d’autant plus lourd que le salarié aidant se sent isolé.

Néanmoins, le travail est nécessaire à l’équilibre de tout être humain. Mener une activité professionnelle est le gage d’un équilibre financier, social et moral. Il peut même s’agir pour certains aidants d’une échappatoire et d’un enrichissement personnel.

Quant à la valorisation des compétences du salarié aidant, elle est primordiale puisque ce dernier développe de nouvelles compétences.

Le salarié aidant peut ainsi être considéré comme un manager des ressources, de résultat ou encore "motivationnel". Il peut développer des compétences organisationnelles, administratives, d’écoute, de rigueur, de résilience ou encore d’engagement.

Autant d’atouts qui devraient être valorisés par les entreprises par le biais d’entretiens individuels d’évaluation tout en veillant à ne pas stigmatiser l’aidant, à ne pas l’enfermer dans ce rôle.

De même, la valorisation du salarié aidant par l’entreprise véhicule une image positive auprès des collaborateurs. Cela pourrait aussi permettre de favoriser le retour à l’emploi d’aidants qui se seraient éloignés du marché du travail.

Il est intéressant de noter que les dispositifs de Validation des acquis de l’expérience (VAE) pourraient permettre une valorisation supplémentaire dans les compétences acquises en tant que salarié aidant.

B) Les recommandations.

Face à ces constats, quelles sont les attentes des aidants et quels dispositifs juridiques ou acteurs mobiliser ?

Les attentes des aidants sont simples, il s’agit de leur faciliter la vie par une meilleure coordination entre tous les acteurs.

En facilitant le maintien à domicile, en aménageant le temps de travail et enfin en facilitant l’aide financière ou matérielle. Outre la sphère publique ou la sécurité et la protection sociale complémentaire, l’entreprise est un acteur légitime pour venir en aide au salarié aidant.

En favorisant le dialogue, l’information, la communication et la flexibilité au travail, l’entreprise se doit d’être aux côtés du salarié aidant.

Néanmoins, cette thématique reste peu abordée par les entreprises. Cette prise en compte s’inscrit dans une démarche RSE et est d’autant plus récente que celle de la qualité de vie au travail (QVT), du handicap ou de l’égalité femmes-hommes.

Il s’agit dès lors de conscientiser ce thème de l’aidance au sein des entreprises et résoudre les défis qui s’imposent tout en répondant à des enjeux de diligence, de droits humains dans la bienveillance.

Plusieurs enjeux sont ainsi à distinguer :
- Celui d’égalité professionnelle femmes-hommes : les femmes sont en effet le plus souvent touchées par l’aidance, ce qui les contraint à freiner l’évolution de carrière ou même parfois glisser dans la précarité. Le thème des salariés aidants pourrait donc être abordé dans les négociations obligatoires inhérentes à une politique RSE.
- Celui de la non-discrimination, inscrit par ailleurs à l’article L1132-1 du Code du travail, qui retient le principe de non-discrimination d’un salarié compte-tenu de sa situation de famille.
- Celui de l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle, de QVT et de santé au travail : le bien-être au travail est au cœur de la thématique de l’aidance qui peut avoir une forte charge mentale, un stress accru ou une difficulté à concilier des rôles.

Enfin, la responsabilité de l’entreprise à l’égard du salarié aidant est inscrite comme une obligation de santé et de sécurité de l’employeur aux articles L4111-1 et suivants du Code du travail, il permettrait de prévenir des situations d’épuisement et les risques psychosociaux.

En mobilisant des textes épars prévus notamment dans le Code du travail, l’entreprise peut alors répondre à ces défis.

Par ailleurs, au niveau européen, une Charte européenne de l’aidant familial proposé par Coface-handicap existe et peut être un indicateur pour guider les entreprises dans cette politique.

A l’international, des objectifs de développement durable ont été fixés dans le cadre de l’agenda 2030 pour les Nations Unies.

Ainsi, dans le cadre d’une démarche RSE de l’entreprise, intégrer la question de l’aidance via l’Objectif de développement durable de la bonne santé et du bien-être, de l’égalité entre les sexes, d’un travail décent et d’une croissance économique ou encore de la réduction des inégalités peut être une option.

De même, la norme ISO 26000 promeut, au niveau international, la lutte contre la discrimination ou encore le soutien aux démarches de QVT.

La thématique de l’aidance pourrait ainsi être traitée.

Détecter, diagnostiquer, sensibiliser et communiquer mais aussi accompagner, soutenir, informer et agir sont autant d’étapes indispensables que les entreprises ont la capacité de mettre en place afin de protéger leurs salariés aidants.

Par quel biais ?

Les branches professionnelles ont un rôle essentiel à jouer.

En effet, dans le cadre des accords de branche négociés par les représentants syndicaux et patronaux, applicables dès la signature à toutes les entreprises d’une fédération professionnelle de la branche, la vie des aidants peut être grandement facilitée.

A titre d’exemple, grâce à ces négociations, la plateforme d’aide aux aidants « Ma boussole aidant » a pu être mise en place, de même que le temps partiel abondé.

L’action actuelle des branches professionnelles fait d’ailleurs apparaître que seulement 10 conventions collectives sur 1102 ont engagé des actions en faveur des salariés aidants dont une seule (HCR) mentionnant le conseil et le soutien psychologique pour les aidants.

Une politique de sensibilisation impulsé par les managers et services RH reste une solution pérenne afin d’instaurer un climat de bienveillance et de confiance dans l’entreprise.

De plus, cela permet de mettre en place une phase de diagnostic en transmettant notamment des questionnaires pour évaluer la situation d’aidants ou de salariés ne se reconnaissant pas encore dans ce statut.

Comment l’entreprise peut agir face au statut d’aidant ? Lui reconnaitre son statut ou au contraire mettre en place les dispositifs permettant d’accompagner tous les salariés quel que soit leur degré de vulnérabilité ?

Certains énoncent qu’il faudrait plutôt favoriser des initiatives solidaires entre différents acteurs afin d’apporter un soutien aux salariés aidants et ne pas attendre que la culture d’aidance au sein de l’entreprise ne change par le biais de nouvelles pratiques managériales.

Toutefois, il est intéressant de noter que la reconnaissance de ce statut d’aidant pourrait être une garantie dans l’accès à des droits sociaux. Dès lors, les accords de branche auraient un rôle primordial à jouer.

Plusieurs solutions ont donc été proposées par un groupe de travail en 2022 (France Stratégie plateforme nationale RSE) et parmi-elles on retrouve :
- Une charte de l’aidant
- Des journées aidants pour tous les salariés reconnus comme tels
- Un CESU préfinancé et abondé pour la mise en place de prestations à domicile comme il en existe déjà chez Axa ou encore Safran
- Un aménagement du temps de travail
- Une flexibilité des horaires, temps partiel, horaires individualisés
- Télétravail régulier ou occasionnel
- Mise en place d’un crédit temps ou crédit d’heures annuelles
- Faciliter la prise de congés existant pour le salarié aidant.

En conclusion, le droit existe pour aider les salariés aidants mais les mécanismes ne sont pas suffisants et trop épars.

Dès lors, l’entreprise a un rôle primordial à jouer, dans une société vieillissante et confrontée de plus en plus tôt à des situations d’aidance.

En 2030, selon une étude Ocirp-Viavoice de 2021, un actif sur 4 sera aidant. Du fait du vieillissement de la population et de la hausse de domiciliation des aidés avec de l’hospitalisation à domicile, la tendance du salarié aidant sera donc vouée à croître.

Si la moyenne d’âge d’entrée dans l’aidance est aujourd’hui de 39 ans, on constate que 500 000 enfants, adolescents et jeunes adultes de moins de 25 ans seraient aidants, sans même parfois en avoir conscience.

L’impact est dès lors considérable : la situation de pluri-aidance peut être amplifiée et le statut de salarié aidant durera donc plus longtemps.

Cela reste un enjeu pour le législateur et a fortiori l’entreprise, en matière d’intégration dans l’emploi ou encore de choix d’orientation professionnelle.

La hausse des aidants et l’enjeu pour la société est clair, il s’agit de remettre en question dès maintenant notre capacité à prendre soin de nos aînés, les dispositifs juridiques existants et la durabilité du système de santé.

Gabrielle Rangapadéatchy, Avocat
Cabinet d’Avocat RANGAPADEATCHY

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

13 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs