I. Pourquoi une enquête interne ne s’improvise pas.
L’enquête interne est aujourd’hui un dispositif de plus en plus mobilisé, notamment dans les cas de harcèlement moral ou sexuel, de violences internes ou de dysfonctionnements graves du climat social. Pourtant, sa mise en œuvre reste largement dépendante des pratiques de chaque organisation, car aucun cadre légal strict n’en encadre le déroulement.
Le risque est double : d’un côté, une enquête insuffisamment encadrée peut manquer de crédibilité et être contestée devant les juridictions. De l’autre, une enquête mal conduite peut blesser davantage les personnes concernées, générer de la défiance, ou aboutir à des conclusions biaisées ou inopérantes.
II. Les précautions indispensables pour garantir l’éthique et l’impartialité.
Pour éviter ces écueils, plusieurs précautions sont indispensables. La première concerne la composition de la cellule d’enquête. Celle-ci ne doit pas être jugée partiale : ni les membres de la direction, ni l’avocat habituel de l’entreprise ne peuvent légitimement y participer. La désignation d’intervenants externes et indépendants devient alors un gage essentiel de crédibilité.
Ensuite, la procédure doit être équilibrée.
Cela implique :
- de recueillir le consentement éclairé des personnes auditionnées,
- de protéger la confidentialité des propos,
- de préserver la dignité des victimes présumées, des personnes mises en cause et des témoins.
Chaque étape doit être tracée, formalisée et respectueuse des droits fondamentaux. L’objectif n’est pas d’instruire à charge, mais de comprendre les faits de manière objective.
III. Pourquoi le binôme avocat-psychologue est un gage d’équilibre et de crédibilité.
Dans les cas les plus sensibles, la mise en place d’un binôme avocat-psychologue indépendant renforce à la fois la sécurité juridique et la dimension humaine de l’enquête.
L’avocat apporte un cadre juridique clair : il veille au respect des droits des personnes, structure la procédure, sécurise la rédaction des rapports.
Le psychologue, quant à lui, éclaire la dimension relationnelle : il sait écouter sans blesser, poser un cadre d’expression, identifier les phénomènes d’emprise ou de disqualification, et prévenir les effets délétères de l’enquête elle-même.
Ce binôme croisé est d’autant plus nécessaire que l’avocat associé à l’enquête ne peut être celui de l’entreprise mise en cause, sous peine de violer les principes de neutralité et d’indépendance.
IV. De l’enquête à l’action : 3 suites possibles.
Une enquête bien menée ne doit pas rester sans suite. En fonction des constats, plusieurs suites peuvent être envisagées :
1. Audit social global : si l’enquête révèle des défaillances systémiques (climat toxique, management pathogène, absence de régulation), il est pertinent d’élargir l’analyse à l’échelle de l’organisation.
2. Expertise psychologique individuelle : lorsque les faits sont avérés, il peut être nécessaire d’évaluer les conséquences psychologiques subies par la victime. Cette expertise permet d’objectiver le préjudice moral ou psychique et d’apporter une preuve précieuse dans le cadre d’un contentieux prud’homal ou pénal.
3. Appui stratégique à la défense (du salarié ou de l’entreprise) : les éléments recueillis lors de l’enquête, associés à une analyse psychologique rigoureuse, peuvent nourrir la stratégie judiciaire de l’avocat. Encore faut-il que cette enquête ait été menée avec méthode et rigueur.
V. Conclusion : une démarche au service de la justice interne.
Loin d’être un simple outil de gestion de crise ou une formalité, l’enquête interne peut devenir un levier puissant de transformation. À condition de respecter des règles strictes d’éthique, de neutralité et de rigueur.
Le binôme avocat-psychologue garantit cet équilibre. Il permet de faire émerger la vérité sans blesser, de sécuriser les décisions prises, et d’orienter les suites possibles - réparation, prévention, transformation.
Parce que la justice interne mérite mieux qu’une procédure expéditive, donnons-lui les moyens d’être aussi humaine qu’efficace.