Introduction.
Le Bâtonnier National a pris une décision nº42/CNO/RIC/ en date du 18 Juin 2022 relative à l’obtention préalable d’une attestation à tout avocat appelé à se rendre dans le ressort d’un autre barreau autre que celui de son appartenance, pour l’exercice ponctuel de sa profession. Que cet avocat est tenu de se munir d’une attestation de son Bâtonnier indiquant l’affaire et l’objet de son déplacement.
A l’origine de cette décision, il a été constaté que le nombre de plus en plus croissant d’avocats s’était irrégulièrement installé dans les ressorts des barreaux autres que ceux de leur appartenance et que ceux-ci échappent au contrôle de leurs autorités ordinales.
Que, considérant cette situation, le Conseil National de l’Ordre a décidé de réorganiser le corps des avocats par la prise de certaines décisions notamment celle sus évoquée.
Cependant, ladite décision est estimée ambiguë, confuse ou encore mieux dépourvue de certaines précisions pour réunir sa vraie nature juridique. Notamment, elle n’inclue pas toutes les circonstances de la vie professionnelle d’un avocat, c’est le cas des affaires en matière d’urgence, des dossiers en instruction au Parquet ou à la police, le déplacement pour un long séjour, mais aussi l’hypothèse d’un avocat consulté dans la salle d’audience, commis d’office, allez-vous lui demander au préalable une attestation de prestation ?
Que, concernant les consultations reçues qui demandent à l’avocat de poser des actes à l’immédiat, un avocat n’est-il pas appelé à être consulté à tout moment est partout ? Que doit-il faire ? Refuser d’exercer sa profession ? Sachant qu’il est impossible par le délai imparti de demander une attestation à un avocat connaissant bien la lourde et la lenteur de l’administration.
Bref, cette décision du CNO est perçue comme un vrai blocage dans l’exercice professionnel de l’avocat. Que, face à ce silence dans l’interprétation du Conseil National de l’Ordre, que par ailleurs, si professionnellement la question semble être fermée, cependant, scientifiquement, elle ne l’est pas. C’est pourquoi nous avons décidé d’analyser la portée juridique de la décision visée et en donner notre point de vue en répondant à cette question : « Comment percevoir la décision du CNO sur l’exercice de la profession d’avocat » ?
Pour répondre à cette question, une démarche scientifique s’impose, basée sur une analyse herméneutique, qui consiste dans l’interprétation de texte juridique nécessitant une explication. C’est-à-dire qu’il s’agit ici de traduire l’esprit de la lettre en expliquant ce qu’il y a d’obscur et d’ambigu dans un écrit, dans une loi ou dans une constitution pour deviner, induire, conclure ou tirer d’une chose quelque indication, quelque présage qui en résulte. Nous allons faire aussi une lecture par analogie, c’est-à-dire allé au-delà de l’interprétation, au-delàs du texte pour trouver l’esprit de la lettre.
I. Considérations générales.
L’interrogation que porte le chercheur sur cet objet d’étude est liée à la lecture que présage la décision du Conseil National de l’Ordre précitée qui est une ressource disponible au chercheur au vu de l’état actuel de la question qui intrigue.
1.1. Constat sur le terrain.
Point ne besoin ici de faire recours à quelques incidents qui se sont produits entre avocats devant la barre, ce qui est déplorable et porte opprobre au corps des avocats. La cause de ces incidents c’est à la base une interprétation erronée de la décision du CNO.
Nous sommes à la Cour d’Appel du Haut-Katanga à Lubumbashi au cours de la troisième remise successive à l’audience publique de la cause en opposition enrôlée sous RPA 7664 à la diligence de la partie civile « M », sujet juif après avoir fait défaut dans l’affaire sous RPA 7551 ayant acquitté les prévenus « A » et « K », tous deux poursuivis du chef de tentative d’extorsion pour avoir obtenu conformément à la procédure simplifiée de voie d’exécution et recouvrement une ordonnance portant injonction de payer du Président du Tribunal de Commerce de Lubumbashi.
Attendu qu’à l’audience de plaidoirie, en date du 27 juillet le conseil de la partie civile « M », Maître « D » Avocat inscrit au Barreau du Haut-Katanga, va solliciter de la Cour un préalable tendant à obtenir le retrait de la barre de Maître « S » Avocat inscrit au Barreau de Kinshasa Matete, l’un de collectif représentant les deux prévenus, au cas où il ne présente pas l’autorisation de son Bâtonnier, en réplique celui-ci rétorque en demandant à son confrère de préciser quelle est la loi violée ou la loi qui demande à un Avocat d’apporter à l’audience une autorisation de prester si l’on est en dehors de ressort de son Barreau.
Maître « D » alors demandeur sur exception d’ordre déontologique estime-t-il va gesticuler en se cachant dans un langage sec et peu courtois sans en préciser la loi, mais recourt à la décision du Conseil National de l’Ordre N°42/CNO/RIC/du 18/06/2022 portant obtention préalable d’une Attestation pour prester dans le ressort d’un autre Barreau qui décide en ses articles 1 à 3 que : « Sans préjudice des dispositions de l’article 78 de l’Ordonnance-Loi n° 79/028 du 28 septembre 1979 portant organisation du Barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’Etat, tout avocat appelé à se rendre dans le ressort d’un autre barreau autre que celui de son appartenance, pour l’exercice ponctuel de sa profession, est tenu de se munir d’une attestation de son Bâtonnier indiquant l’affaire, objet de son déplacement.
Cette attestation est à présenter au Bâtonnier du barreau du ressort d’accueil avant toute prestation.
La présente décision prend effet à la date du 15 octobre 2022 ».
La Cour d’Appel du Haut Katanga passa la parole au Ministère public pour son avis sur le banc, le Procureur Général représenté par le Magistrat LBB avait requis en ses termes : « Il s’agit de la guerre de palais, les avocats sont appelés à respecter leur déontologie entre eux, mais celle-ci ne lie pas la Cour, ou les Juges ».
1.2. Arrêt de la Cour d’appel du Haut-Katanga.
Quant à la Cour d’appel du Haut Katanga prononcé sur le banc, le Président Kimukendi décide en ces termes selon l’Ordonnance-loi suscitée que : « Il est demandé à un Avocat d’un autre ressort, avant de prester, de présenter les civilités aux autorités tant ordinales que judiciaires et non autre chose et que cette demande est recevable mais non fondée et a appelé les parties à plaider l’affaire… ».
1.3. Jugement du Tribunal de Grande Instance de la Gombe.
Le Tribunal de Kinshasa Gombe sous RC 122 691 à l’audience publique du mercredi 29/06/2022, au cours de laquelle le 1er demandeur soulève 2 moyens dont le second relatif à ladite décision du CNO supra. Le tribunal répondit en ces mots : « Les affaires de votre corporation ne concernent pas le tribunal, plus encore nous, Tribunal, nous ne soutiendrons pas les décisions illégales, on ne peut pas restreindre le pouvoir de l’avocat par une décision du CNO, quelle est la valeur juridique d’une décision ? Le juge est soumis à la force de la loi c’est tout. Demandez à vos autorités ordinales de bien lire la loi, l’avocat est-il national ou provincial a-t-il demandé avant de terminer par donner l’article 91 de la loi Cadre ».
II. Approche décisionnelle.
La décision nº42/CNO/RIC/du 18/06/2022 relative à l’obtention préalable d’une attestation pour prester dans le ressort d’un autre barreau dispose à son article 1er : « Sans préjudice des dispositions de l’article 78 de l’Ordonnance-loi nº79/028 du 28 septembre 1979, portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’Etat, tout avocat appelé à se rendre dans le ressort d’un barreau autre que celui de son appartenance, pour l’exercice ponctuel de sa profession, est tenu de se munir d’une attestation de son bâtonnier indiquant l’affaire, objet de son déplacement ».
L’Article 2ème dispose que : « cette attestation est à présenter au Bâtonnier du barreau du ressort d’accueil avant toute prestation ».
Eu égard aux incidents sus évoqués, il faut d’abord retenir que la langue française est parmi les rares langues au monde qui admettent dans la lecture d’une lettre le non-dit, le sous-entendu, et le mal entendu. Et s’il faut évoquer une théorie biblique tirée de la lecture du livre de Romain 10:17 qui dit : « Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole … ». Ce passage insinue que la croyance à la vérité ne vient pas de ce qui a été dit, mais plutôt ce que le destinateur a entendu. Or on entend toujours au-delà de qui a frappé aux oreilles.
Qu’il sied de relever que l’article 1er de cette décision commence par porter un regard sur l’article 78 de l’Ordonnance-loi nº79/028 du 28 septembre 1979, portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’Etat, qui dispose : « L’Avocat appelé à plaider devant une juridiction extérieure au ressort de son barreau est tenu de se présenter au président de l’audience, à l’officier du Ministère public, au bâtonnier et au confrère chargé des intérêts de la partie adverse ».
Il en résulte, que le verbe conjuguer ici est « est tenu de se présenter » et non le verbe « devoir, « doit » ». C’est-à-dire que c’est un devoir d’ordre moral. Dans le cas d’espèce, c’est une obligation de signaler sa présence dans un autre ressort à l’autorité ordinale qui a le devoir de sécuriser son confrère.
2.1. Volonté exprimée par la décision du CNO.
D’entrée de jeu signalons que nous sommes devant un acte de recommandation.
Quid d’un acte de recommandation ? Elle est un acte dépourvue du caractère contraignant. C’est-à-dire que nous sommes devant une décision qui n’a prévu aucun mécanisme de poursuite ni disciplinaire, encore moins des sanctions pour quiconque qui ne se conformerait pas à celle-ci.
Cette vision extensive de la décision du CNO a une valeur juridique des « avis, invitations, exhortations, conseils instants ». Ils ont une fonction plus politique de faciliter la coopération entre les barreaux en République Démocratique du Congo ; mais ils n’en sont pas moins efficaces du fait qu’elle ne soit pas contraignante.
C’est aussi dire que sa violation n’entraine nullement pas la nullité de l’acte posé par un avocat, du fait que celui-ci n’est pas porteur d’une attestation de prestation. Il sied de rappeler que l’avocat congolais a non seulement la compétence territoriale nationale mais aussi celle internationale dans le cadre de la coopération judiciaire régionale, communautaire ou internationale entre les Etats. Or vous n’allez pas demander à un avocat congolais qui va plaider devant la Cour Arbitral d’Abidjan de se munir d’une attestation, il va présenter ça où ?
En effet, selon l’esprit de la lettre du Conseil National de l’Ordre, dans sa décision du 18 Juin 2022, ne confère nullement aucun pouvoir aux juges de restreindre l’exercice professionnel d’un avocat. Par contre, il était nécessaire pour le Conseil National de l’Ordre de formaliser ce qui est nommé « les civilités » en faisant des recommandations contribuant au développement progressif de la coopération entre les barreaux congolais, à sa consolidation et à sa codification. Cette possibilité se réalise au moyen de divers types de recommandation.
III. Analyse et interprétation.
La décision CNO relève qu’il s’agit d’une question de principe portant nonobstant toute autre compréhension. Cependant, cette question de principe n’est pas appelé à contredire la portée de l’Ordonnance-loi nº79/028 du 28 septembre 1979, portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’Etat pour la plongé en concurrence avec celle-ci. Car il est bien connu de la notion de la théorie de l’acte contraire, qui est une symétrique juridique qui veut qu’une loi ne peut être abrogée, modifiée et ou complétée que par une autre loi, une décision que par une autre décision.
Par ailleurs, contrairement aux actes ayant force obligatoire, il sied de préciser que la décision précité n’est pas assortie du caractère contraignant et ne faisant pas office d’une loi. D’où, il s’agit ici des règles de fonctionnement interne des barreaux et non un sujet à discussion devant la barre.
Bien plus, elle a une portée relativement limitée aux barreaux, dans le cadre de la réalisation des objectifs d’harmonisation des listes tableau et stage.
Mais dans le cas sous examen, il s’agit d’une Ordonnance-loi qui entre en contradiction avec la compréhension d’une décision d’ordre déontologique ; étant légaliste se plier aux deux décisions de deux juges à savoir celui de la Cour d’Appel du Haut-Katanga sous RPA 7664 et celui du Tribunal de Kinshasa Gombe sous RC 122 691 serait aussi respecter le serment d’avocat de ne jamais s’écarter aux décisions rendues par les Cours et Tribunaux.
Cependant, la décision du CNO ne résout pas la grande problématique liée à l’actualisation des listes à l’ère de l’outil informatique et du numérique. Dans ce sombre tableau, il est remarqué le manque de l’actualisation des listes d’inscription à la liste de stage et celle d’inscription au tableau des avocats. C’est depuis aujourd’hui plus de 7 ans que les barreaux congolais ne fournissent pas des numéros ONA. Que faudrait-il les rendre publique afin d’éviter toute spéculation ou guerre de palais ou d’intérêt et ce, d’éviter à nuire à la renommée des Avocats.
Logiquement, la profession d’Avocat est menacée par plusieurs moutons noirs considérés comme des charlatans, cependant, la véritable solution demeure celle de rendre publique toutes les situations de chaque barreau.
Conclusion.
Cette dissertation est ainsi arrivée à sa fin. Elle a examiné la portée juridique de la décision nº42/CNO/RIC/relative à l’obtention préalable d’une attestation à tout avocat appelé à se rendre dans le ressort d’un autre barreau autre que celui de son appartenance, pour l’exercice ponctuel de sa profession. Celui-ci est tenu de se munir d’une attestation de son Bâtonnier indiquant l’affaire et l’objet de son déplacement.
Dans nos analyses, nous avons adopté une perspective critique vis-à-vis de nos données. Nous avons trouvé d’une part que considérant cette situation des avocats vivants loin de leurs autorités ordinales échappant ainsi à leurs contrôles, le Conseil National de l’Ordre a décidé de réorganiser le corps des avocats par la prise de certaines décisions notamment celle sous examen.
Cependant, ladite décision est estimée ambiguë, et porte à confusion ou encore est dépourvue de certaines précisions pour réunir sa vraie nature juridique ; c’est notamment, elle n’incluant pas toutes les circonstances de la vie professionnelle d’un avocat.
Que, d’autre part, que cette décision du CNO est perçue comme un vrai blocage dans l’exercice professionnel de l’avocat alors que la loi en la matière avait déjà circoncis la question en trouvant une solution facile, rapide, aisée et juste.
C’est avec raison que Jean Banze wa Ilunga, disait dans son article qu’ : « il s’agit d’une Ordonnance-loi qui entre en contradiction avec une décision d’ordre déontologique » [1].
Or l’esprit de la lettre de la décision du Conseil National de l’Ordre cherche plutôt à formaliser « les civilités ». Que pour cette raison l’objectif étant de contribuer au développement de la coopération entre les barreaux congolais, à sa consolidation et à sa codification. Cette possibilité se réalise au moyen de divers types de recommandation. Car, elle constitue une vraie valeur juridique des « avis, invitations, exhortations, conseils instants ».
Bibliographie.
1. Décision nº42/CNO/RIC/de la 18/06/2022 relative obtention préalable d’une attestation pour prester dans le ressort d’un autre barreau.
2. Arrêt rendu sur le banc de la Cour d’Appel du Haut Katanga sous RPA 7664.
3. Jugement rendu sur le banc du Tribunal de Grande Instance de Kinshasa Gombe sous RC 122 691.
4. Louis Second, livre de Romain.
5. L’Ordonnance-loi nº79/028 du 28 septembre 1979.
6. Jean Banze wa Ilunga, article publié sur Facebook//bershamebanz.