Séparation et désolidarisation de prêt immobilier : choses à savoir et pièges à éviter.

Par Réda Bey, Notaire.

29771 lectures 1re Parution: 27 commentaires 5  /5

Explorer : # désolidarisation de prêt # solidarité des emprunteurs # rachat de prêt # refus de désolidarisation

Un couple emprunte solidairement pour acheter un bien immobilier en indivision. Il peut s’agir d’époux mariés en séparation de biens, de partenaires pacsés ou encore de concubins vivant en union libre. En cas de séparation du couple et de partage du bien, se pose inévitablement la question du sort du prêt immobilier. Voici les principales choses à savoir et les pièges à éviter.

-

Qu’implique la solidarité des emprunteurs ?

La solidarité implique que la banque prêteuse peut choisir de réclamer le remboursement de la totalité du prêt à l’un ou l’autre des emprunteurs solidaires. Elle n’est pas tenue de respecter les pourcentages de propriété qui ont pu être prévus dans l’acte notarié d’acquisition. Elle n’a pas non plus à tenir compte d’un éventuel accord entre les emprunteurs sur la part de prêt supportée par chacun.

Dans un second temps, l’emprunteur qui a remboursé la totalité de la dette peut se retourner contre l’autre emprunteur pour lui réclamer le remboursement de sa part.

En pratique, il risque cependant de se heurter à l’insolvabilité de ce dernier et ne pas pouvoir être remboursé.

La « désolidarisation » des emprunteurs permet d’éviter ce risque.

Comment parvenir à la désolidarisation des emprunteurs ?

Dans tous les cas, l’acte notarié de partage doit prévoir que l’indivisaire qui reste seul propriétaire du bien immobilier, s’engage en contrepartie à supporter seul l’intégralité du solde du prêt. Il est question de « soulte par inégale répartition du passif ».

Cette clause est nécessaire mais non suffisante. Elle n’est pas opposable à la banque, ce qui signifie que cette dernière n’est pas obligée de l’appliquer. La clause ne s’impose qu’entre les emprunteurs.

Pour que l’emprunteur qui ne conserve pas le bien immobilier soit définitivement libéré de son engagement vis-à-vis de la banque, deux principales solutions existent :

  • Le « rachat » de prêt : l’emprunter qui conserve le bien immobilier contracte seul un nouveau prêt qui est utilisé pour rembourser l’ancien prêt par anticipation.

Cette solution peut même permettre de réaliser des économies lorsque les taux d’intérêts ont baissé depuis la souscription du premier prêt.

En revanche, elle implique le plus souvent de payer une indemnité de remboursement anticipé à la première banque (plafonnée à 6 mois d’intérêts et 3% du capital restant dû).

De plus, cette solution est désavantageuse en période d’augmentation des taux d’intérêts et elle présuppose dans tous les cas que l’indivisaire qui contracte le nouveau prêt ait des revenus suffisants pour pouvoir emprunter seul.

  • La libération du coemprunteur solidaire avec l’accord de la banque : quelle que soit la technique juridique employée (cession de dette, avenant, etc.), le résultat recherché est toujours le même, à savoir que la banque accepte de conserver l’un des coemprunteurs pour seul et unique débiteur du prêt et, corrélativement, d’en libérer l’autre emprunteur.

Cette libération prend la forme d’un accord écrit, sans réserve ni condition, ou d’un avenant au contrat de prêt signé par toutes les parties.

Là encore, la banque s’assurera que l’emprunteur restant dispose de revenus suffisants pour assumer seul le prêt.

Il faudra également revoir les conditions de l’assurance-emprunteur pour vérifier qu’elles correspondent bien à la nouvelle situation par exemple, si l’assurance garantissait chaque emprunteur à hauteur de 50% du prêt, il faudra la modifier ou la remplacer pour qu’elle garantisse l’emprunteur restant à 100%.

Que faire si la banque refuse la désolidarisation ?

Si la banque refuse la désolidarisation, il vaut peut-être mieux procéder à un rachat de prêt par une autre banque, même si le taux du nouveau prêt s’avère moins avantageux.

À défaut, si le rachat de prêt n’est pas possible, il faut peut-être se résoudre à vendre le bien, solder le prêt, et se partager le solde net du prix s’il en reste.

En dernier recours, si les coemprunteurs décident malgré tout de se passer de l’accord de la banque et de se contenter de l’engagement conclu entre eux dans l’acte de partage, ils doivent impérativement prêter attention aux points suivants :

  • Il faut s’assurer que le contrat de prêt ne prévoit pas une clause de déchéance en cas de partage du bien sans l’accord préalable de la banque. En effet, si tel et le cas, la banque sera en droit de réclamer immédiatement l’intégralité du solde du prêt en cas de signature d’un acte de partage sans son accord écrit et préalable.
  • Il est vivement conseillé de prendre une hypothèque sur le bien immobilier. Cela permettra à l’indivisaire qui ne conserve pas le bien d’être néanmoins informé si celui-ci venait à être vendu. Il sera alors sollicité pour donner son accord de mainlevée de l’hypothèque. Il pourra au préalable s’assurer que le prix est bien utilisé à due concurrence pour solder le prêt. Surtout, l’hypothèque, pourvue qu’elle soit en premier rang, lui permettra d’être prioritaire sur le bien s’il lui faut se retourner contre l’autre indivisaire après avoir été contraint de rembourser la banque.

Dans tous les cas, il faut bien avoir conscience qu’en l’absence de libération avec l’accord de la banque, l’indivisaire concerné s’expose à devoir payer le prêt sans garantie absolue de pouvoir être facilement remboursé par l’autre indivisaire.

Maître Réda Bey
Notaire
Les Artisans Notaires
http://an.notaires.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

18 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • Bonjour,

    Nous divorcons à l amiable au près du notaire. Pas de papier du juge pour le partage des biens.

    Mr souhaite avoir la maison et finir de payer le prêt . Je suis d accord. Je ne veux rien. Je ne suis pas sur que la banque acepte.

    Est qu un acte notarié obligerait la banque a acepter la desolidarisation ?

    Quel sont les procédure svp ?

    • par Me Bey , Le 28 février à 09:26

      Bonjour,
      Un acte notarié entre les indivisaires ne peut en aucun cas obliger la banque si elle n’est pas d’accord.
      Cordialement.

  • Bonjour, mon ex conjoint refuse de se désolidariser du prêt pour me coincer. Comment faire pour l’obliger à se désolidariser si je lui rachète sa soulte et si j’ai les capacités financières de reprendre le prêt (vu avec ma banque) ? Merci.

    • par Me Bey , Le 28 février à 09:31

      Bonjour,
      Avant même d’évoquer une éventuelle désolidarisation, pour racheter la part de votre ex conjoint, il faut qu’il soit d’accord.
      A défaut, la seule issue est judiciaire.
      Cordialement.

  • Dernière réponse : 22 janvier à 17:12
    par Boo. , Le 14 octobre 2024 à 11:24

    Bonjour,

    Que faire si mon ex épouse n’accepte pas de vouloir vendre notre bien commun car je souhaite m’en désolidarisé et que je n’ai pas les moyens d’assumer celui ci ?

    Merci par avance,

    Cordialement

    • par Me BEY , Le 22 janvier à 17:12

      Bonjour,

      Si vous n’arrivez absolument pas à vous entendre sur le sort du bien indivis, la seule solution qui reste est judiciaire. Notez que ça peut être très long et engendrer des frais.

      Cordialement.

  • Dernière réponse : 22 janvier à 17:18
    par Potureau , Le 15 juin 2024 à 18:55

    Bonjour
    Mes parents peuvent ils reprendre la part de crédit de mon conjoint lors du divorce de manière à ce que je puisse garder la maison ?

    • par Me BEY , Le 22 janvier à 17:18

      Bonjour,

      C’est possible juridiquement (par une cession de dette) mais je doute que la banque accepte. Il pourrait aussi être envisagé d’apporter le bien et l’emprunt à une SCI constituée avec vos parents. Mais il faudrait impérativement l’accord préalable de la banque, et cela engendrerait des frais de constitution de société et d’apport à titre onéreux.

      Une autre solution envisageable serait que vous restiez seul débiteur du prêt et que vos parents se portent caution personnelle. Là encore, il faudrait que la banque soit d’accord.

      En résumé, il existe plusieurs techniques juridiques pour parvenir au résultat souhaite mais toutes supposent que la banque soit d’accord.

      Cordialement.

  • Bonjour
    Est ce que les deux parties pourront voir le nouveau financement de la reprise du crédit par l un où l autre ?
    Est ce normal que la banque accepte la reprise du crédit avec un taux de 45 pour 100 d endettement ?
    Merci de votre réponse

    • par Me Réda BEY , Le 29 mai 2024 à 08:26

      Bonjour,
      Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a fixé certaines conditions que les banques doivent respecter pour consentir des prêts. Entre autres, le taux d’effort de l’emprunter ne doit pas excéder 35 %. Néanmoins, les banques peuvent déroger à cette condition dans 20 % des dossiers.
      Cdt

    • par Nam , Le 12 juin 2024 à 20:31

      bonsoir, que faire lors d une liquidation patrimoniale suite a la vente de la maison commune apres le prononcé du divorce, si un des conjoints refuse de rembourser le prêt avec cautionnement pour faire pression sur les modalités de liquidation (indemnite d occupation, valeur locative, % de rédaction,...) ?

    • par Me BEY , Le 22 janvier à 17:21

      Bonjour,

      Les contrats de prêt prévoient très souvent (pour ne pas dire systématiquement) que le solde du prêt devient immédiatement exigible en cas de vente du bien. Donc, si le bien a été vendu, il n’y pas le choix. Il faut rembourser la banque.

      Cordialement.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 550 membres, 28199 articles, 127 292 messages sur les forums, 2 600 annonces d'emploi et stage... et 1 500 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• 1er Guide synthétique des solutions IA pour les avocats.

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs