Prestation compensatoire, régime matrimonial et disparité de patrimoine des époux.

Par Barbara Régent, Avocate.

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Explorer : # prestation compensatoire # disparité de patrimoine # régime matrimonial # information préalable à l'union

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La durée du mariage est le principal critère pour déterminer la prestation compensatoire selon les juges. La disparité de patrimoines est jugée moins importante, notamment selon si elle était présente avant le mariage ou a augmenté durant l'union.
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En application des articles 270 et 271 du Code civil, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Pour déterminer le montant de cette prestation, le juge prend notamment en considération « le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ». Quelle est l’incidence du régime matrimonial sur l’appréciation in concreto de ce patrimoine ? Quelle est l’importance de prendre conseil avant l’union ?

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Comme je l’ai indiqué dans cet article Prestation compensatoire : durée du mariage et notion de disparité, la durée du mariage, citée en premier à l’article 271 du Code civil, est en pratique le critère le plus important pris en compte par les juges aux affaires familiales pour déterminer le montant de la prestation compensatoire. Ainsi, de nombreuses décisions soulignent que les juges prennent prioritairement en compte cette durée du mariage pour fixer le montant de cette prestation. Ainsi, une durée de mariage inférieure à 8 ans est jugée « courte » ou « très courte », étant précisé que dans les jugements accordant une prestation compensatoire, la durée moyenne du mariage est de 20 ans.

Qu’en est-il du critère tenant à la disparité de patrimoines (mobilier/immobilier) et de revenus entre les époux ? Ce critère paraît moins important que celui de la durée du mariage, l’estimation des patrimoines pouvait être réalisée de manière « sommaire » [1].

Cette disparité de patrimoines sera appréciée par les juridictions à l’aune de deux paramètres importants :

  • Premier paramètre : la disparité résulte-t-elle du divorce ou était-elle antérieure à l’union ? Cette question renvoie, dans une large mesure, à la durée du mariage. En effet quand la vie commune a été brève et que la différence de patrimoine était déjà présente au moment du mariage, il est fréquent que les juges considèrent que cette disparité ne suffit pas à entraîner, à elle seule, le versement d’une prestation compensatoire (ou alors de faible montant) puisque chaque époux ne fait que retrouver la situation antérieure qu’il avait dans un passé récent. En d’autres termes, la disparité n’est pas causée par la dissolution des liens du mariage ;
  • Second paramètre : si la disparité de patrimoine s’est creusée pendant la vie commune, les juridictions prennent en compte un choix important des époux : ces derniers ont-ils opté ou non pour un régime de séparation de biens ? En effet, le choix d’un tel régime démontre la volonté commune des époux de bien cloisonner leurs patrimoines. La prestation compensatoire n’a donc pas pour but de permettre à un époux de revenir, directement ou indirectement, sur ce choix essentiel. Ainsi, selon la Cour de cassation, « la prestation compensatoire n’a pas pour objet de corriger les effets de l’adoption, par les époux, du régime de séparation de bien » [2].

Les juridictions du fond font régulièrement application de cette jurisprudence, comme l’illustrent ces trois décisions :

  • « La prestation compensatoire n’a pas pour effet de corriger les effets du régime matrimonial choisi par les époux avant le mariage, la demande de Madame Y aboutissant à lui permettre de s’approprier son patrimoine, acquis avant le mariage ». [3] ;
  • « S’il n’est pas contesté qu’il existe une disparité de revenus conséquente entre les parties ainsi qu’une disparité de fortune, celle-ci étant liée aux effets du régime de séparation de biens adopté par les époux que la prestation compensatoire n’a pas pour objet de corriger, aucun élément n’établit que cette disparité au regard de la très courte durée de vie commune (…) résulte de la rupture du mariage. En conséquence, la décision rejetant la demande de prestation compensatoire de l’épouse, sera confirmée » [4] ;
  • « Au vu de ces éléments, s’il apparaît qu’il existe une disparité dans les situations respectives des époux, au détriment de l’épouse, il convient de constater que cette disparité n’est pas la conséquence de la rupture du mariage, dont la durée a été relativement brève, et qu’elle existait antérieurement à celui-ci compte tenu de la situation des époux lesquels ont d’ailleurs, en se mariant sous le régime de la séparation de biens, entendu maintenir cette disparité. En conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme Y de sa demande de prestation compensatoire » [5].

En outre, dans le cas où le divorce entraîne la dissolution d’une famille recomposée, les juridictions veillent à ne pas léser les enfants issus de la première union. Or, le versement d’une prestation compensatoire peut, dans certains cas, causer un préjudice financier aux enfants du parent débiteur, qui ont vocation à se voir transmettre son patrimoine, soit par des donations de son vivant soit lors de son décès. La jurisprudence protège ainsi, en pareil cas, les intérêts patrimoniaux des enfants issus de la première union, surtout lorsque le second mariage a été de courte durée : « Considérant qu’au regard de ces éléments et notamment de la durée très réduite de la vie commune, du choix opéré librement par les époux de contracter un régime de séparation des biens permettant notamment à H Y de préserver les intérêts de ses enfants (…) il convient de confirmer la décision du premier juge qui a refusé d’accorder à l’appelante une prestation compensatoire » [6].

Ces décisions illustrent la nécessité, avant de contracter un mariage, d’analyser tous les aspects financiers, présents et futurs, même si les époux ont, par définition, du mal à se placer dans une perspective de séparation…

Plus largement, le manque d’information préalable à l’installation d’un couple a aujourd’hui de nombreuses conséquences patrimoniales et parentales qui aggravent les conflits. Il apparait indispensable d’être éclairé par un professionnel du droit pour mieux choisir son système conjugal (concubinage, pacs, mariage), son régime matrimonial, voire anticiper certaines mesures financières, protectrices de l’un comme de l’autre, qui pourraient être prévues en cas de décès ou de séparation.

L’information préalable à l’union (IPU) est un exemple concret de ce que peuvent offrir les avocats en droit de la famille en matière de conseil et est insuffisamment connue du grand public.

Après avoir fait un bilan de leur situation, de leurs préoccupations et de leurs aspirations avec les deux conjoints sur les aspects patrimoniaux et parentaux de leur projet de couple, ils leur apportent des pistes pratiques et théoriques sur ce qui peut être mis en place dans leur cas précis à court, moyen et long terme. L’IPU est peu onéreuse (le prix d’une consultation) et permet d’éviter bien des désagréments par la suite.

Il serait d’ailleurs intéressant que cette information préalable à l’union devienne obligatoire dans le cadre d’un pacs ou d’un mariage et puisse donner lieu à un abattement fiscal comme outils de prévention des conflits conjugaux.

Barbara Régent,
Avocate au Barreau de Paris, co-fondatrice des associations Les Avocats de la Paix et Humanethic
https://www.regentavocat.fr/

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Notes de l'article:

[1Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 février 2018, 17-10.529.

[2Chambre civile 1, 8 juillet 2015, 14-20.480, Publié au bulletin.

[3TGI Nanterre, JAF, cab. 1a, 24 sept. 2007, n° 03/13809.

[4CA Colmar, 5 octobre 2021, 19/03581 ; durée du mariage de 5 ans et demi.

[5CA Nîmes, 3e ch. famille, 7 déc. 2016, n° 15/03930.

[6CA Versailles, 2e ch. 1re sect., 17 déc. 2015, n° 14/08693.

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