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Le concept de mauvais traitements par la CEDH et droits des migrants vulnérables. Par Fossar Badara Sall, Enseignant-Chercheur. retour à l'article
26 juin 2020, 09:00
En matière d’immigration, la question de l’interdiction des traitements prohibés par l’article 3 de la CEDH (comme par l’article 2 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984) se pose souvent lors du séjour, des interpellations, retenues, rétentions et des éloignements forcés du territoire [1]. Cet article, qui n’est applicable, selon la jurisprudence [2], que dans les cas de risque de mauvais traitement résultant des mesures (...)

[1Sudre Frédéric, « Le renouveau jurisprudentiel de la protection des étrangers par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme », in Les étrangers et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, (dir.) Fulchiron Hugues, Lyon, L.J.D.G, 1999, p.64.

[2CEDH, D. c/ Royaume-Uni, n°30240/96, 2 mai 1997, point 46 à 54. Dans cette affaire la Cour a affirmé que les mauvais traitements qui résultent des autorités du pays de destination ou d’organismes indépendants de cet Etat, ne sont pas les seuls cas de figure qui font jouer l’article 3 de la CEDH. Il peut être le fait de l’Etat accueillant. Selon la Cour, vu l’importance de cet article, une souplesse est nécessaire pour l’appliquer dans d’autres situations. Une restriction de son champ d’application revient à atténuer le caractère absolu. C’est cette raison qu’en l’espèce le juge a considéré que compte tenu des circonstances exceptionnelles (aggravation de son état de santé, conséquences de l’arrêt brutal des soins au Royaume-Uni, risque de conditions défavorables et absence de soutien moral et social, absence de preuve de disponibilité de lit d’hôpital etc. dans son pays d’origine, et du fait que l’étranger malade du SIDA est en phase terminal

[3Gayet C., « Renvoi d’étrangers dans leur pays d’origine et appréciation des risque de mauvais traitements encourus », CEDH, 22 septembre 2011, H.R. c./ France, n°64780/09, Dalloz Act. , 10 octobre 2011. Le juge retient l’existence d’un risque de mauvais traitements en cas de renvoi du fait des lourdes condamnations par les juridictions algériennes du requérant en raison de ses liens avec le terrorisme

[4Fleuriot Caroline, « Éloignement d’un étranger : établissement du risque de mauvais traitements », CEDH, 19 septembre 2013, R.J. c/ France, n° 10466/11, Dalloz Act. 26 septembre 2013. Le requérant ayant établi le risque de mauvais traitements dans son pays d’origine, le juge qu’il y aurait violation de l’article 3 de la CEDH en cas d’éloignement de l’étranger au Sri Lanka

[5La définition donnée par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, en son article 1, est la suivante : « le terme "torture" désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite »

[6Cette interdiction est prévue par l’article 3CEDH, article 7 PIDCP, article 2 Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984

[7Cour E.D.H, Irlande c/ Royaume-Uni, n°5310/71, 18 janvier 1975, Rec. CEDH, série A, n° 25, p. 65, point 162 ; Revue générale de droit international public, 1979, p.104, note P.-M Martin. Un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité pour qu’on puise appliquer l’article 3 de la CEDH.

[8Cour E.D.H, 7 juillet 1989, J.Soering c/ Royaume-Uni, n°14038/88, Rec. CEDH, série A, n°161, page 35, point 111 ; Auby Jean-Bernard (dir.), « Le droit des étrangers 10 ans de jurisprudence 1989-1999 », Juris-Classeur, Droit Administratif, hors-série, décembre 1999, pp.95-96.

[9Cour E.D.H, Tyrer, n°5856/72, 25 avril 1978, Rec. CEDH, série A, n° 26, pp. 14-15, point 29 à 30 ; JDI, 1980, p.457, obs. P. Rolland.

[10Ergec Rusen, Protection européenne et internationale des droits de l’homme, 2ème éd., Bruxelles, Précis de la Faculté de droit de l’Université Libre de Bruxelles, 2006, p.184.

[11Cour E.D.H, Cruz Varas c/ Suède, n°15576/86, 20 mars 1991, Rec. CEDH, série A, n°201, p.28, point 68 à 86. D’après le juge il n’y a pas de manquements aux exigences de l’article 3 de la CEDH ; RUDH, 1991, p.205, note G. Cohen-Jonathan.

[12Cour E.D.H, Chahal c/ Royaume-Uni, n°22414/93, 15 novembre 1996, Rec. CEDH, 1996-V, p. 1853, point 107. Selon le juge L’exécution de la mesure emporte la violation de l’article 3 de la CEDH ; JCP G, 1997, I, 4000, n°9, chron. Frédérique Sudre

[13Cour E.D.H, Ahmed c/ Autriche, n° 25964/94, 17 décembre 1996, Rec. CEDH, point 47. Il est retenu que l’expulsion vers le somali est synonyme de violation de l’article 3 de la CEDH.

[14Cour E.D.H, 28 juillet 1999, Selmouni c/ France, n°25803/94, Rec. CEDH, 1999-V point 99. L’usage de la force physique ne viole l’article 3 de la CEDH que si l’attitude la personne l’a rendu nécessaire.

[15Allain Emmanuelle, « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », AJ Pénal, 2012, p.615. L’auteur, en rapportant les propos de l’ex premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui disait que « Les droits de l’homme sont universels et quand ils sont méprisés, c’est à chaque être humain qui a le devoir de s’indigner……, le cœur parle, sans distinction de race, de sexe ou de religion », fustige l’image de la France sur le respect des droits de l’homme reconnus universels.

[16Portmann Anne, « Expulsion par la France vers l’Egypte : risque de traitement inhumain et dégradant », CEDH, 6 juillet 2013, M.E. c/ France, n°50094/10, Dalloz Act.8 juillet 2013. Voir aussi Devouèze Nelly, « Risque de torture : la CEDH s’oppose à l’expulsion par la France d’un tchadien », CEDH, 18 avril 2013, Mo. M. c/ France, n°18372/10, Dalloz Act. 23 mai 2013.

[17Labayle Henri, « L’éloignement des étrangers devant la Cour européenne des droits de l’homme », FRDA, 1997, p.977.

[18Cour E.D.H, 28 juillet 1999, Selmouni c/ France, n°25803/94, Rec. CEDH, 1999-V, point 95.

[19Cour E.D.H, 1 juin 2010, Gäfgen c/ Allemagne, n°22978/05, point 87 ; JCP G, 2010, act.701, G.Gonzalez

[20Cour E.D.H, Slimani c/ France, 27 juillet 2004, n°57671/00, JCP G, 2005, I, 103, n °2, obs. Fréderic Sudre.

[21Levinet Michel, « L’article 3 de la CEDH et l’excision », Note, RTDH, 1996, p.695.

[22Cour E.D.H, Tomasi c/ France, 27 août 1992, Revue de science criminelle, note Frédéric Sudre, 1993, p.33

[23Cour E.D.H, H.L.R. c/ France, n°24573/94, 29 avril 1997, Rec. CEDH, 1997-III, p. 758. Au point 40, le juge revient sur le caractère absolu du droit et marque une indifférence sur l’origine du risque de mauvais traitement. Peu importe qu’il vienne d’une autorité étatique ou d’un particulier.

[24Cour E.D.H, Pretty c/n Royaume-Uni, 29 avril 2002, n° 2346/02, Rec. 2002-III. Au point 50 de cette affaire, selon les termes du juge, l’obligation issue de l’article 3 de la CEDH impose « aux Etats une obligation essentiellement négative de s’abstenir d’infliger…… ».

[25Cour E.D.H, Algür c/ Turquie, 22 octobre 2002, n°32574/96. Le juge, au point 44 estime qu’« une application stricte,…, des garanties fondamentales telles que le droit de demander un examen par un médecin de son choix….., conduit à une détection et prévention des mauvais traitements.

[26Cour E.D.H, Tzekov c/ Bulgarie, n°45500/99, 23 février 2006, point 53. La protection de l’intégrité physique de la personne passe par la mise en place d’« un cadre juridique et administratif du recours à la force et de l’usage d’armes à feu par les représentants de l’ordre ».

[27Cour E.D.H, Al-Adsani c/ Royaume-Uni, n°35763/97, 21 novembre 2001, Rec. CEDH, 2001, XI. Au point 38, selon le juge, pèsent sur les Hautes parties contractantes des « obligations positives censées empêcher la torture et d’autres mauvaises formes de traitements… ».

[28Cour E.D.H, A. C. c/ Royaume-Uni, n°100/1997/884/1096, 23 septembre 1998, Rec. CEDH, 1998-VI, p.2699, point 22, paragraphe 2. Voir aussi Cour E.D.H, M. c. c/ Bulgarie, n°39272/98, 4 décembre 2003, Rec. CEDH, 2003, XII, point 149 ; Surrel Hélene « L’intégrité physique et morale de la personne », Revue de Droit Public (RDP), Chron., 2004, pp.803-306, Chron.. Voir également Cour E.D.H Mahmut Kaya c/ Turquie, n°22535/93, 28 mars 2000, Rec. CEDH, 2000 III, point 115.

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