[Spécial Semaine de la QVCT] Les outils numériques : une charge mentale en plus... ou moins de charge mentale ?

[Spécial Semaine de la QVCT] Les outils numériques : une charge mentale en plus... ou moins de charge mentale ?

Nathalie Hantz, Rédaction du Village de la Justice

Depuis que vous avez pris en main votre téléphone ce matin, c’est en non stop : une dizaine de mails, quelques SMS, des messages Whatsapp que vous ne comptez plus, les "notifs" des réseaux sociaux, etc. Et bientôt, c’est votre ordinateur que vous allumerez... Un quotidien qui a donné naissance aux concepts de "technostress" [1] et "d’infobésité" [2], liés à notre "hyperconnexion".
Pourtant, le numérique, c’est aussi la promesse d’efficacité, de rapidité et de rationalisation des tâches, bref de quoi alléger à l’inverse votre charge mentale...
Qu’en est-il réellement ? À l’occasion de la semaine de la QVCT, le Village de la Justice pèse le pour et le contre et a interrogé vos pairs sur leurs bonnes pratiques en la matière...

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Délais serrés et impératifs, informations complexes et nombreuses, volume de travail important : voilà comment on peut (froidement) décrire la tâche quotidienne du juriste (au sens large), qu’il l’exerce dans une entreprise ou en libéral... Les outils numériques sont-ils un remède efficace à la charge mentale qui en résulte ?

Moins de charge mentale grâce...

- à l’automatisation des tâches répétitives : rédaction d’actes standards, gestion des emails, classement de documents... Avant même de parler de celles développées avec l’IA générative, de nombreuses solutions permettent d’automatiser ces actions chronophages. Vous l’avez assez entendu, c’est ce qui permet au professionnel du droit "de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, nécessitant son expertise juridique."
Précisement concernant l’IA, les chiffres habituellement évoqués disent qu’elle permet de gagner 7h à 10H par semaine... mais est-ce un réel gain de temps ou une façon différente de travailler ?

- à l’accès simplifié à l’information et à la documentation : bases de données juridiques en ligne, plateformes de veille réglementaire, outils de recherche... L’accès instantané à une information fiable et exhaustive réduit le temps passé à la recherche et diminue le stress lié à la peur de manquer une information cruciale.

- à la collaboration facilitée et centralisation des données : les plateformes collaboratives et autres outils de gestion de projet permettent un partage d’informations fluide entre les équipes, une meilleure coordination et une vision d’ensemble des dossiers. Moins de mails, moins de fichiers éparpillés, et donc moins de charge mentale liée à l’organisation... C’est particulièrement précieux alors même que le télétravail se pérennise.

- à la réduction des déplacements et une flexibilité accrue : on pense ici à visioconférence, la signature électronique et les outils de travail à distance. Moins de temps perdu dans les transports, une meilleure conciliation vie professionnelle/vie personnelle, et potentiellement une diminution du stress lié aux contraintes logistiques... et donc aussi quelques bons points à gagner côté RSE !

Une charge mentale en plus à cause...

- de la surcharge d’informations et de l’hyperconnexion : si l’accès à l’information est facilité grâce au numérique, trop... c’est trop ! La quantité d’informations à traiter devient démente, et la nécessité de trier, filtrer et valider les données génère finalement une nouvelle forme de charge mentale.

- de la connexion permanente et de la porosité vie pro/vie perso : la facilité d’accès aux outils numériques peut créer une impression de disponibilité constante, de quoi repenser le rapport aux clients notamment, bien tentés de vous envoyer des messages à toute heure et sur tous les canaux possibles ! Les frontières entre vie professionnelle et vie privée s’estompent, et nous vivons dans un sentiment d’urgence permanent et une difficulté à "déconnecter" (On en reparle plus bas, avec des exemples de bonnes pratiques).

- de la course à l’adaptation permanente : parce que l’intégration de nouveaux outils nécessite un temps d’adaptation et de formation. Pour certains, moins à l’aise avec la technologie, ou peu intéressés par cela, l’arrivée d’un nouvel outil (et on pense ici fortement à l’IA) peut être une source de frustration, de stress et d’une charge mentale supplémentaire liée à l’apprentissage.

- de la dépendance technologique et les risques encourus : la dépendance aux outils numériques expose à des risques de panne, de cyberattaques ou de bugs informatiques, paralysant l’activité et générant un stress considérable. (Une des raisons pour laquelle nous avons créé une page spéciale #cybersécurité sur le Village ;)

- de la déshumanisation et la perte de sens : l’automatisation est bénéfique pour les tâches répétitives, une utilisation excessive des outils numériques peut parfois déshumaniser certaines interactions, voire donner le sentiment de perdre la main sur son travail, de quoi impacter la motivation et le bien-être (sans doute une piste pour améliorer la satisfaction des juristes et des avocats à leur travail.)

- du coût financier et inégalités : Et oui, l’acquisition et la maintenance de ces outils représentent un coût non négligeable, pouvant créer des inégalités entre les structures et les professionnels, générant une pression économique supplémentaire...

Alors... on fait quoi ?

"Il n’y a pas de mauvais outils, il n’y a que des mauvais ouvriers", dit la sagesse populaire. Un raisonnement qui pourrait s’appliquer aussi ici : le problème n’est pas votre téléphone, ou vos comptes sur les réseaux sociaux, mais la façon dont vous vous en servez. Vous êtes sans doute votre propre ennemi, et une partie de la solution réside pour vous à vous mettre des règles (et comme nous nous adressons à des juristes, cela devrait se faire sans problème) ! En voici des exemples !

Xavier Berjot, Avocat.

« Je perçois les outils numériques comme un levier de liberté : ils me permettent de travailler où je veux, quand je veux, avec une réactivité accrue.

Je ne crois pas à une séparation rigide entre vie professionnelle et vie personnelle : j’assume une certaine cohabitation, choisie et maîtrisée.
En revanche, je m’impose une règle claire : ne jamais consulter mes messages pendant les repas ou les moments partagés en famille.
C’est pour moi un équilibre personnel fondé sur l’intention, plus que sur la séparation stricte.
Le numérique peut peser sur la charge mentale mais, bien maîtrisé, il devient un outil de fluidité et de confort.
 »

Laurie David-Henric, Legal ops.

« Ce qui me pèse le plus, c’est le smartphone. Pour éviter de me sentir en permanence "d’astreinte", j’ai fait le choix – faute d’avoir deux téléphones – de désactiver toutes les notifications professionnelles sur mon téléphone personnel en dehors des heures de travail : cela m’a permis de recréer une vraie frontière entre vie pro et vie perso.

Sinon, j’utilise la technologie comme un levier d’efficacité, pour optimiser mon organisation et gagner un temps précieux. Je privilégie notamment le travail asynchrone : j’utilise les mentions (@) pour poser des questions ou valider des points avec mes équipes. Cela limite les réunions inutiles et permet à chacun de répondre à son rythme. Les réunions que nous maintenons sont ainsi bien plus productives, centrées sur la stratégie et les arbitrages, les aspects opérationnels ayant été traités en amont.
Aussi, je planifie également mes publications LinkedIn : je les rédige lorsque l’inspiration est là, puis je les programme pour une diffusion optimale selon les fuseaux horaires visés.

Enfin, sur un plan plus personnel, j’utilise l’IA générative pour alléger ma charge mentale : elle m’aide par exemple à établir mes menus hebdomadaires, avec la liste de courses et les recettes incluses ! ».

Mathilde Block, Avocate.

« La régulation de l’activité numérique de l’Avocat passe par l’organisation ;
- la mise en place de messages d’indisponibilité lorsque les audiences et expertises hebdomadaires ne permettent pas de traiter les mails immédiatement ;
- les consignes transmises au standard pour prendre les appels et y répondre ultérieurement sauf urgence ;
- la préservation de son numéro de portable personnel et surtout : la pratique régulière d’activités extraprofessionnelles/sportives idéalement en extérieur, indispensable pour ne pas se laisser déborder par l’hyperconnexion permanente !
. »

Quentin Ramaget, Legal ops et consultant.

« À l’heure où tout s’automatise, où les réunions deviennent des visios, et les collègues des chatbots, il devient difficile d’échapper à la pression du numérique. Même la cybersécurité nous y enferme : codes, SMS, reconnaissance faciale… Comment couper sans culpabiliser ? Pour garder la main, j’applique deux règles très simples :
- Garder contact avec le papier. Rien ne remplace un bon vieux livre ou code sur son bureau. J’ai toujours sous la main un code ou un livre. Feuilleter un ouvrage, c’est se reposer les yeux, ralentir, et parfois mieux comprendre. C’est aussi une manière de ne pas tout déléguer aux machines. Les directions juridiques devraient continuer à soutenir cet usage du papier, en laissant à chacun le choix de ses références physiques.
- Garder contact avec l’humain. Dès que possible, je privilégie les échanges en présentiel. Une visio ? Non, une réunion. Un café virtuel ? Non, un déjeuner. Un closing avec signature électronique ? Je préfère une salle, quelques collègues et des petits fours. Le digital est pratique, mais il efface la chaleur du lien humain. Je fais de belles rencontres via LinkedIn, mais je suggère une rencontre dès que l’occasion se présente.
Ces deux règles m’aident à garder l’équilibre. Pas anti-digital, mais pro-humain. »

Nathalie Hantz, Rédaction du Village de la Justice

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L'auteur déclare avoir en partie utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article (recherche d'idées, d'informations) mais avec relecture et validation finale humaine.

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Notes de l'article:

[1Défini comme un "un stress très spécifique lié à l’utilisation et à l’omniprésence des technologies de l’information et des communications (TIC)" par un des spécialistes du sujet, René Riedl. Source : https://www.revuegestion.ca/les-dan...

[2"Surabondance d’informations imputée aux chaînes d’information en continu, aux nouvelles technologies de la communication (Internet, téléphones portables, messageries, réseaux sociaux) et à la dépendance qu’elles créent chez l’utilisateur." nous dit la définition du Larousse.

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