L’investissement dans l’énergie photovoltaïque se développe de plus en plus et nombre d’investisseurs sont à la recherche soit de toitures soit de terrains pour y installer leurs équipements de production. D’autres, déjà propriétaires sont à la recherche de solutions pour augmenter la rentabilité financière de leurs projets.
Le propos de cet article n’est pas de s’intéresser aux flux financiers découlant de la production d’énergie proprement dite mais plutôt de réfléchir à la structuration de l’investissement immobilier préalable à l’implantation des installations techniques pour augmenter la rentabilité de l’ensemble.
Cet aspect de la question est rarement traité et finalement, que l’on soit déjà propriétaire d’un terrain ou non, les deux solutions qui sont proposées pour implanter une ferme solaire sont la location ou l’achat des terrains d’assise.
Pour optimiser les flux financiers, ne peut on aussi envisager de faire acheter par la société de production d’énergie un usufruit temporaire portant sur le terrain ?
Qu’il s’agisse de location, d’acquisition ou d’usufruit temporaire, la question est avant tout économique et pratique : quel avantage financier l’investisseur pourra t’il en retirer et quel en seront les avantages et inconvénients juridiques ?
1- La location des terrains :
Elle présente l’intérêt d’être une charge étalée dans le temps ne nécessitant pas de concours bancaire.
Elle parait parfaitement adaptée à des investissements d’un montant modérés, concernant par exemple une toiture d’usine.
Le loyer présente cependant pour l’exploitant l’inconvénient de croitre avec le temps, puisqu’il est indexé.
En outre, il ne m’apparaît pas que, sur des terrains d’une surface importante le fait de proposer un bail au propriétaire soit un argument décisif.
En effet, la contrepartie de l’immobilisation des terrains ne sera que le loyer, perçu de façon échelonnée chaque année.
2- L’achat des terrains :
Son inconvénient majeur réside dans l’immobilisation des capitaux et dans l’impossibilité d’en amortir la valeur, puisqu’au contraire celle-ci augmentera très certainement avec le temps.
3- L’ acquisition d’un usufruit temporaire :
acquisition par la société de production d’énergie :
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le démontrer en matière d’investissement d’immobilier d’entreprise (v .https://www.village-justice.com/articles/Financer-immobilier-entreprise,7239.html), l’acquisition d’un usufruit temporaire par une société d’exploitation est de loin l’option la plus rentable économiquement.
Une telle solution permet dans le cas de l’acquisition d’une ferme solaire de ne financer que la valeur de l’usufruit temporaire et non celle de la pleine propriété des terrains.
La valeur de cet usufruit temporaire se dépréciant avec le temps peut donc être amortie (puisqu’à l’arrivée de son terme l’usufruit s’éteint), améliorant ainsi la capacité d’autofinancement de la société de production d’électricité.
On pourra rétorquer que cet amortissement se comportera en terme de résultat de la même façon qu’un loyer, puisqu’il s’agit d’une charge d’exploitation.
A mon avis, il n’en est rien.
En effet, le loyer est une dépense qui croit avec le temps puisqu’il augmentera chaque année en fonction de son indice de référence.
Au contraire, l’amortissement de l’usufruit ne correspond pas à une sortie de trésorerie et il constitue surtout une charge linéaire...la différence, à terme, du point de vue de la trésorerie est considérable :
Exemple :
Un terrain sur lequel on souhaite implanter une ferme solaire d’une valeur de 100.000 euros.
La valeur locative est fixée à 10.000 euros.
Le taux d’accroissement annuel moyen du loyer sur 20 ans est de 2,52%,.
En conséquence, un loyer de 10.000 euros en année N sera de 17.310 euros en année N+20.
Autrement dit, le total des loyers versés sur 20 ans ne sera pas de 20 X 10.000 = 200.000 euros mais de 275.263 euros.
La valeur d’un usufruit temporaire de 20 sur ce terrain sera d’environ 83.000 euros.
La société de production devra emprunter pour financer l’acquisition de l’usufruit temporaire et devra donc supporter des frais financiers.
Sur 15 ans, ces frais peuvent être estimés à 35.000 euros.
Ainsi l’amortissement de l’usufruit temporaire et les frais financiers correspondants représentent une charge de 118.000 euros à étaler sur la durée d’utilisation de 20 ans.
Elle doit être comparer aux 275.263 euros que représentent le versement d’un loyer sur la même période….
Dans cet exemple et sur la période, l’économie de charges d’exploitation si l’on recourt à l’usufruit temporaire plutôt qu’à la location est de 157.263 euros, pour la société de production d’énergie !
Par ailleurs, si l’investisseur n’est pas propriétaire du terrain, et du stricte point de vue de la négociation, il me semble que l’acquisition d’un usufruit temporaire présente aussi un sérieux avantage.
Dans la mesure où il s’agit de geler un terrain pendant une vingtaine d’années, un propriétaire préfèrera, dans bien des cas, percevoir la valeur de l’usufruit temporaire au moment de la signature de l’acte de cession de cet usufruit, plutôt que de percevoir un loyer dont le versement sera étalé sur la période d’occupation :
dans notre exemple le propriétaire percevrait 83.000 euros qu’il pourrait placer ou utiliser comme il le souhaite, alors que dans le cas d’une location, il ne percevrait que le loyer.
Enfin, si l’investisseur est déjà propriétaire des terrains, le fait de céder l’usufruit temporaire de ceux-ci à la société de production d’énergie lui permettra d’en toucher le prix (la société de production empruntera pour payer).
Ainsi, il pourra réinvestir ce capital et augmentera d’autant la rentabilité financière de son patrimoine.
Un détail technique : attention à la valorisation de l’usufruit temporaire.
Il ne s’agit pas de se lancer dans une telle opération, qui aura des répercussions fiscales importantes, sans prendre garde aux méthodes retenues.
La sécurité est à ce prix.
Dans bien des cas, la valeur de l’usufruit temporaire et de la nue propriété sont calculées de façons pour le moins rustiques et approximatives.
Le seul calcul acceptable pour mettre en évidence un équilibre entre les valeurs et ainsi éviter une critique voir une remise en cause, consiste à fixer la valeur économique de la nue propriété séparément de la valeur économique de l’usufruit temporaire, puis de vérifier ensuite que la somme obtenue correspond à la valeur de la pleine propriété du terrain.
Le bon technicien veillera aussi à prendre en compte les risques d’erreurs dans ses prévisions et s’attachera à réduire les incertitudes mathématiques en découlant.
Pour conclure :
L’utilisation de la technique du démembrement de propriété avec constitution d’un usufruit temporaire fait ses preuves en matière d’investissement immobilier industriel ou commercial.
Elle est un excellent moyen d’accroitre la rentabilité d’un tel investissement quel qu’il soit.
Cette technique est toute aussi pertinente pour accroitre la rentabilité financière d’une ferme solaire, que l’on soit déjà propriétaire des terrains ou que l’on en soit utilisateur.
Christophe DUCELLIER
Avocat
c.ducellier chez ducellier-avocats.com