Les faits.
Après que la porte d’un immeuble a été cassée par un locataire, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, assigne en responsabilité le propriétaire bailleur. Le syndicat réclame 5 700 € en remboursement des frais de réparation. Le tribunal judiciaire déboute le syndicat des copropriétaires, mais le syndic ès-qualités fait appel.
Le principe : pas de responsabilité du propriétaire sans faute personnelle.
Une difficulté de l’affaire réside dans le fait que, si les plaintes déposées et les témoignages visaient tous un locataire habitant « dans l’appartement numéro 4 », rien n’avait permis d’identifier nominativement l’auteur des dégradations. Or, l’appartement en question était loué à deux personnes. De sorte que, dans l’impossibilité « d’imputer les dégradations commises de manière certaine » à l’un ou l’autre des locataires, la cour confirme le rejet des demandes dirigées contre eux.
Reste à savoir si le premier juge était fondé à rejeter les demandes dirigées contre le propriétaire.
Le syndicat des copropriétaires invoque ici le règlement de copropriété. Après certaines clauses rappelant divers cas de responsabilité de plein droit du fait d’autrui prévus par l’article 1242 du Code civil (responsabilité des parents du fait de leurs enfants, responsabilité des commettants du fait de leurs préposés), ce règlement prévoit, concernant les « locations », que les propriétaires « devront imposer aux locataires l’obligation de se conformer aux prescriptions du présent règlement de copropriété » et que « les copropriétaires resteront personnellement garants et responsables de l’exécution de cette obligation ».
Cependant, pour la Cour d’appel, quand bien même cette clause pourrait être interprétée comme édictant une responsabilité des propriétaires du fait de leurs locataires, « encore faut-il démontrer une faute du copropriétaire. En effet, sauf les cas ci-dessus prévus par la loi, il ne peut exister une responsabilité sans faute, automatique et de plein droit, pour les agissements dommageables d’autrui, fût-il un cocontractant ». Or, en l’espèce « aucune faute personnelle n’est (…) démontrée contre » le propriétaire bailleur.
On ne peut notamment pas lui reprocher de ne s’être pas soucié de l’incident. Au contraire, « dès l’annonce des désordres commis par M. [N] ou M. [E], il a été procédé avec diligence pour leur imposer de partir de la copropriété, puisque tous deux ont quitté les lieux très rapidement en décembre 2020 et janvier 2021 ».
La Cour confirme donc l’irresponsabilité du propriétaire [2].
Une exception en matière de troubles anormaux de voisinage.
La formule de la cour d’appel, suggérant qu’il n’existe pas de responsabilité sans faute du propriétaire du fait de son locataire, est séduisante. Peut-être, cependant, n’est-elle pas totalement vraie.
En matière de troubles anormaux de voisinage, en permettant à la victime de poursuivre aussi bien le locataire auteur de nuisances que son propriétaire, la jurisprudence semble bien retenir un cas de responsabilité du propriétaire du fait des agissements de son locataire (quitte à ce que le bailleur dispose ensuite d’un recours subrogatoire contre l’occupant). Ainsi, la Cour de cassation a cassé un arrêt par lequel avait été rejeté une demande de dommages et intérêts dirigée contre un bailleur en raison des nuisances sonores de son locataire commerçant, ceci au motif que le bail mettait les travaux d’isolation acoustique à la charge du locataire et que le bailleur, loin d’être resté inactif, avait mis en demeure son locataire de cesser ses nuisances.
En effet, « la victime d’un trouble de voisinage trouvant son origine dans l’immeuble donné en location, peut en demander réparation au propriétaire » [3]. Plus récemment, une cour d’appel a également confirmé la condamnation in solidum d’une société d’HLM et de son locataire pour des nuisances sonores répétées et durables, peu important le fait que la bailleresse ait tenté de faire cesser les nuisances (par des mises en demeure, en faisant intervenir le gardien, etc.). In fine, la cour suggère que la seule manière pour la société d’éviter une action pour troubles anormaux de voisinage aurait consisté à poursuivre la résiliation du bail du locataire auteur des troubles [4].
Reste à savoir si cette jurisprudence tient toujours après l’intégration de la théorie des troubles anormaux de voisinage, d’origine prétorienne, dans le Code civil.
Désormais, l’article 1253 du Code civil énonce que :
« le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte ».
Dans un certain sens, en pointant la responsabilité de la personne « qui est à l’origine » du trouble, ce texte pourrait remettre en cause les solutions précédentes.