L’article 2 définit les délits maritimes, prévus par la loi du 17 décembre 1926 ou par d’autres textes, constituant l’un des éléments de ce que le texte définit comme « infractions maritimes », c’est-à-dire appelant, dans le cadre des règles générales du code de procédure pénale, l’application de certaines règles spécifiques de mise en œuvre de l’action publique et la compétence exclusive des tribunaux maritimes.
Les crimes ne constituent jamais des infractions maritimes, l’élément criminel prévalant sur le caractère maritime de l’infraction.
Il n’est pas dérogé aux règles de procédure ou de compétence juridictionnelle particulières posées par le code de justice militaire ou l’ordonnance du 2 février 1945 relative aux infractions commises par des mineurs.
Egalement, certaines infractions relevant du code pénal, lorsqu’elles sont en lien avec la sécurité du navire et de la navigation, peuvent désormais relever de la compétence des tribunaux maritimes. Il en va ainsi, notamment, des infractions touchant à l’intégrité de la personne ou à la mise en danger d’autrui.
Ce même article définit les compétences, les règles particulières de fonctionnement et de composition du tribunal maritime.
Les tribunaux maritimes, placés auprès de tribunaux de grande instance, jouissent d’une compétence exclusive pour le jugement des délits constituant des infractions maritimes, prévenant ainsi les conflits de compétence entre les actuels tribunaux maritimes commerciaux et les juridictions de droit commun. La répression des contraventions constituant des infractions maritimes est désormais confiée aux juridictions de droit commun.
Le parquet, la juridiction d’instruction et le greffe sont ceux du tribunal de grande instance auprès duquel le tribunal maritime est placé.
La composition des tribunaux maritimes repose, comme pour les tribunaux maritimes commerciaux, sur le principe de l’échevinage : sous la présidence d’un magistrat, le tribunal maritime comprend, outre trois magistrats, deux assesseurs maritimes nommés en raison de leur expérience et de leur connaissance des réalités de la navigation maritime. Cette expérience pourra avoir été acquise tant dans les domaines de la marine marchande, de la pêche ou de la plaisance professionnelle que dans le domaine de la plaisance non professionnelle.
Leurs modalités de désignation, leur statut spécifique ― notamment la protection dont bénéficieront les assesseurs maritimes salariés qui seraient désignés, contre le licenciement ou le transfert d’une entreprise vers une autre par l’intervention de l’autorisation administrative préalable de l’inspection du travail ― permettront d’assurer leur indépendance, de même que les cas d’incapacité ou d’incompatibilité. Une procédure de récusation est également introduite.
Enfin, pour les contraventions maritimes des quatre premières classes, et si le procureur de la République n’exerce pas lui-même les poursuites, les fonctions du ministère public sont dévolues au directeur interrégional de la mer ou à un fonctionnaire qu’il désigne, à l’instar du rôle confié aux commissaires de police par le code de procédure pénale.
Les articles 5 à 7 du projet d’ordonnance redéfinissent les conditions dans lesquelles les infractions sont constatées, en harmonisant notamment la liste des agents verbalisateurs fixée par le code des transports, notamment par l’ajout des délégués à la mer et au littoral ainsi que des inspecteurs de l’environnement, récemment introduits dans le code de l’environnement. La transmission des informations et des procédures entre les différentes autorités de l’Etat, outre le procureur de la République, est réformée afin d’améliorer l’action de l’Etat en mer.
L’article 8 précise les domaines dans lesquels il sera désormais possible de prévoir des infractions ayant la qualité de contraventions maritimes. Le directeur interrégional de la mer devient destinataire, pour information, d’un exemplaire des procès-verbaux constatant des infractions maritimes.
Ce même article précise un certain nombre de règles en matière de procédure pénale pour les capitaines, les autorités consulaires ainsi que les commandants ou commandants en second des bâtiments de l’Etat et modernise la rédaction des dispositions relatives au transfèrement de personnes mises en cause pour crime ou délit.
L’article 9 complète les mesures existantes en matière de sanctions, afin de rendre plus efficace leur caractère dissuasif. Outre les navires soumis à l’obligation de détenir un rôle d’équipage, les bateaux pratiquant la navigation maritime, soumis à la détention d’un permis de circulation, d’une carte de circulation ou d’un titre de navigation intérieures seront également astreints aux mêmes obligations, par souci d’égalité de tous les justiciables devant la loi.
L’article 10 du projet d’ordonnance prévoit de renforcer les sanctions relatives au défaut de respect des instructions particulières émanant des autorités maritimes en matière de circulation des navires, qui jusqu’à présent n’étaient pas dissuasives. Cette réécriture des infractions existantes était, en outre, nécessaire du fait que la responsabilité pénale du capitaine n’est pas ou plus la seule en cause : l’exploitant, le représentant légal, le dirigeant de fait pour une personne morale, toute personne exerçant en droit ou en fait un pouvoir sur la conduite du navire, en réalité les « donneurs d’ordre », sont désormais pénalement responsables pour certaines infractions en matière de pollution, notamment, dès lors que leur responsabilité aura été établie dans la survenance de l’événement.
L’article 11 prévoit des sanctions pénales correspondant aux manquements à des dispositions du droit du travail dont les obligations sont définies dans le code des transports. Ces obligations étant spécifiques au secteur maritime, elles ne sont pas codifiées dans le code du travail, de même que les dispositions pénales : dès lors que, pour des obligations similaires, les peines sont prévues par le code du travail, il y est fait renvoi ; à défaut, ces peines ont été prévues avec le même niveau de sanction que dans le code du travail.
Le tribunal a désormais la possibilité de décider que les amendes prononcées à l’encontre de la personne exerçant le commandement du navire sont à la charge du propriétaire ou de l’exploitant de celui-ci, au vu des circonstances de l’affaire.
Ces dispositions ont vocation à responsabiliser pleinement les armateurs et à assurer aux capitaines des navires une meilleure prise en compte des situations.
Les articles 12 et 13 du projet d’ordonnance permettent au tribunal maritime de prononcer des peines à titre complémentaire ou principal, ce qui se traduira, pour le justiciable reconnu responsable pénalement d’infractions maritimes, soit par une interdiction de pratiquer toute navigation, soit par le retrait temporaire ou définitif des droits ou prérogatives qu’il tient de ses diplôme ou brevet s’il est marin, soit par une interdiction de pratiquer la navigation maritime dans les eaux françaises.
L’article 17 modifie également l’intitulé de la loi du 17 décembre 1926 : le code disciplinaire et pénal de la marine marchande ne concernant pas uniquement la marine marchande, il était désuet de ne désigner que ce seul secteur d’activité. D’autre part, ayant perdu ses caractères « disciplinaire et pénal », la loi sera désormais dénommée « loi relative à la répression en matière maritime ».
Un cas d’école de composition contraire au principe d’indépendance
Le tribunal maritime commercial est une juridiction échevinale, non permanente et répressive.
Par la décisions n°2010-10 du 2 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire aux droits et libertés constitutionnellement garantis l’article 90 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande dès lors que la composition du tribunal maritime commercial n’institue les garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d’indépendance.
Rappelons que l’article 90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande disposait :
« Le tribunal maritime commercial est composé de cinq membres, à savoir : Un magistrat du siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le tribunal maritime commercial, un administrateur des affaires maritimes qui n’a pas participé aux poursuites ou à l’instruction de l’affaire en cause, un agent des affaires maritimes choisi en fonction de ses compétences dans le domaine de la sécurité des navires ou de la sauvegarde de la vie humaine en mer parmi les corps d’officiers des affaires maritimes, ou de fonctionnaires ou de contractuels de catégorie A des affaires maritimes, un capitaine au long cours ou un capitaine de première classe de la navigation maritime de moins de soixante ans, en activité ou inactif depuis moins de cinq ans, ayant accompli au moins quatre ans de commandement. Suivant la qualité du prévenu, un quatrième juge choisi comme suit, si le prévenu est un marin breveté ou diplômé : un marin actif titulaire du même brevet ou diplôme, en activité ou inactif depuis moins de cinq ans ; Si le prévenu est un marin ni breveté ni diplômé : un maître ou une personne d’un grade équivalent à celui de maître, en activité ou inactif depuis moins de cinq ans, appartenant à la spécialité (pont, machine ou service général) du prévenu ; Si le prévenu n’est pas un marin : un agent des affaires maritimes choisi en fonction de ses compétences dans le domaine de la sécurité des navires ou de la sauvegarde de la vie humaine en mer parmi les corps d’officiers des affaires maritimes, ou de fonctionnaires ou de contractuels de catégorie A des affaires maritimes. Enfin, un contrôleur des affaires maritimes remplit les fonctions de greffier »
Or l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
En l’espèce, plusieurs juges siégeant aux tribunaux maritimes commerciaux ont la qualité soit d’officier de la marine nationale soit de fonctionnaire ou d’agent contractuel. Ils sont de fait placés sous l’autorité hiérarchique du Gouvernement. Par conséquent la séparation entre l’exécutif et le judiciaire s’en trouve fragilisée.
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 19 mai 2010 par la Cour de cassation de 9 QPC sur cette disposition de personnes condamnées par ce tribunal. Rappelant qu’en application de l’article 16 de la DDHC le principe d’indépendance « est indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles » , le Conseil constitutionnel censure pour manquement à ce principe, sans examiner les autres griefs, en constatant : « que parmi les cinq membres du tribunal maritime commercial, deux d’entre eux, voire trois si le prévenu n’est pas un marin, ont la qualité soit d’officier de la marine nationale soit de fonctionnaire ou d’agent contractuel de l’État, tous placés en position d’activité de service et, donc, soumis à l’autorité hiérarchique du Gouvernement ».
Par ailleurs, la possibilité de faire appel des jugements du tribunal semble être exclue implicitement par l’art. 93 Code disciplinaire et pénal de la marine marchande (CDPMM), aux termes duquel peut être formé un pourvoi en cassation contre ces jugements. Or l’art. 496 du Code de procédure pénale dispose « Les jugements rendus en matière correctionnelle peuvent être attaqués par la voie de l’appel », disposition qui n’est pas restreinte aux tribunaux correctionnels.
Le fait que l’art. 94 du Code disciplinaire et pénal de la marine marchande renvoie à un décret la détermination de la procédure est-il suffisant à conférer au décret une valeur législative qui le ferait primer sur les dispositions législatives contraires du CPP relatives à l’appel ? La question reste ouverte.
En conclusion, depuis le 2 juillet 2010, les tribunaux maritimes commerciaux doivent être composés :
d’un magistrat du siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le tribunal maritime commercial, président.
d’un magistrat du siège, assesseur,
d’un magistrat du siège, assesseur, ou d’un juge de proximité
Le tribunal est assisté d’un greffier, qui doit être membre du corps des contrôleurs des affaires maritimes. Ce fonctionnaire assiste le président dans la préparation et le suivi des audiences.
Les garanties au principe d’indépendance ne sont donc pas suffisantes même si la disposition contestée fait obstacle « à ce que l’administrateur des affaires maritimes désigné pour faire partie du tribunal ait participé aux poursuites ou à l’instruction de l’affaire en cause ». En application de l’article 62 de la Constitution, le Conseil estime que cette abrogation est applicable « à toutes les infractions non jugées définitivement au jour de la publication de la présente décision » et qu’à compter de cette date, pour exercer ces compétences les tribunaux maritimes commerciaux « siégeront dans la composition des juridictions pénales de droit commun ».