L’arbitrage entre compétence interne et compétence externe est crucial au sein des directions juridiques. Mais comment arbitrer ? Quels dossiers externaliser en fonction de leur valeur ajoutée et comment choisir ses conseils ? Pour cette deuxième table ronde, les intervenants issus de mondes très différents ont accepté de mettre carte sur table, en pleine transparence.
Pourquoi externaliser ?
Externaliser dans le Privé et dans les grandes administrations publiques : Arnaud Marchand, Avocat associé, Carakters, nous faisait part de son expérience passée en tant qu’administrateur public au sein du Ministère des finances.
Les motifs qui conduisent une administration comme Bercy, qui dispose d’une équipe juridique conséquente (250 personnes), sont finalement les mêmes que pour une entreprise privée : augmentation temporaire d’activité et nécessité de trouver une expertise spécifique dont on ne dispose pas en interne.
Externaliser « par le bas » : le legal Process outsourcing.
Nicolas Leroux, directeur général de Kalexius, première société de legal outsourcing (LPO) dédiée au marché francophone, propose des solutions d’externalisation de taches à faible valeur ajoutée pour libérer ainsi les juristes de tâches standardisées et chronophages (audits, due diligence en fusions acquisitions, reprise de données dans un outil de gestion de contrat ...).
Dans tous les cas, il répond à un fort besoin de réactivité. « Nos clients, qu’ils soient directeurs juridiques ou dirigeants de TPE/PME attendent de nous une expertise, une confidentialité des échanges mais également une grande réactivité » relève Corinne Champagner Katz, Avocat associé, CCK Avocats.
Optimiser le nombre de conseils pour un partenariat win win dans la durée
Jean-Marie Gauvain, directeur juridique de Suez Environnement, entend privilégier une relation de longue durée, avec un moins grand nombre de cabinets et une approche « win win » qui offre plus de dossiers aux conseils, mais permet également d’avoir des conseils plus pertinent et plus efficace en favorisant la baisse de la courbe d’apprentissage. Il nous a ainsi expliqué sa démarche :
Analyser quels sont les conseils qui travaillent pour l’entreprise, y compris ceux choisis par des non juristes, et relever précisément tous les honoraires qui ont été facturés.
Analyser la Valeur Ajoutée de chaque cabinet et se demander par exemple s’il est nécessaire d’avoir 5 conseils en droit pénal. Mettre en place un appel d’offres puis mener des interviews pour identifier les forces et les faiblesses de chacun (honoraires, conflits d’intérêt, éthique...)
Signer une convention d’engagement de 3 ans avec les cabinets retenus et organiser un rendez-vous annuel de suivi. Ce rendez-vous est essentiel pour comprendre les ressentis de part et d’autres et améliorer les relations de travail.
Au-delà des méthodes, la question de critères de sélection d’un cabinet a été soulevée. Dans le secteur public, lors des appels d’offres, le premier critère concerne la compétence technique (références, respect du code des marchés publics et les CV de l’équipe dédiée au projet ...). En 2ème position se trouve le prix. De plus, les administrations sont très sensibles à des garanties objectives d’impartialité.
Quels critères d’évaluation ?
S’il n’existe pas d’appels d’offres en France pour les missions de legal process outsourcing, c’est le quotidien sur le marché du droit anglo-saxon. Par contre les critères d’évaluation sont très stricts. Ainsi, Kalexius établit des service level Agreements (SLA) avec des indicateurs de performance associés (KPI) et des pénalités éventuelles en cas de non respect des délais établis.
Mesurer la valeur ajoutée du conseil... Maître Corinne Champagner Katz a relevé que les portefeuilles de marques étaient souvent trois fois plus grands qu’ils ne devraient l’être. Le critère d’évaluation en Propriété Intellectuelle ne devrait donc pas être seulement le nombre de marques déposées mais également les marques que l’on a évité de déposer sans réel besoin.
Réactivité, pragmatisme et qualité de service. Pour faire reconnaitre la fonction juridique les juristes internes doivent eux-mêmes être réactifs et pragmatique, ces critères sont donc essentiels vis-à-vis des conseils externes. La fin des consultations de 10 pages a sonné !
Des standards de qualités pour le cabinet... Arnaud Marchand a participé à la standardisation des méthodes au sein du cabinet Carakters, pour faire bénéficier les clients de standards de réactivité, de qualité, de format de réponse et établir un lien de confiance entre la structure elle-même et le client.
De la rémunération des prestations
Les participants ont mis en avant les difficultés persistantes à négocier en amont les budgets et à s’y cantonner. Au sein de Suez Environnement, la direction juridique a mis en place une politique de prise de risque conjointe avec le cabinet. Ainsi par exemple, la direction juridique négocie un budget en amont, si la deal se fait le cabinet touchera 105 à 110% du budget, s’il ne se réalise pas le cabinet ne touchera que 70% du budget initial. Par ailleurs, tout dépassement non signalé n’est pas payé au cabinet. Enfin, le temps passé à découvrir des cabinets est important, car il existe d’excellents cabinets de taille moyenne qui connaissent bien l’entreprise et qui n’ont pas les mêmes coûts de structures que certaines law firms.
Prochaine Journée du Management juridique le 24 juin 2014 à Paris.
A cette occasion seront à nouveau remis les Prix de l’innovation en management juridique.