La sous-traitance a été définie par l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance comme « l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage ».
Les marchés de constructions nécessitent souvent l’intervention de plusieurs acteurs pour leur réalisation, ce qui rend le recours à la sous-traitance de certains lots de constructions presque inévitable. Dans ce contexte, l’absence de lien contractuel entre le sous-traitant et le maître d’ouvrage et les divers intermédiaires risquent de rendre précaire la situation du sous-traitant pour recouvrer ses créances auprès de l’entrepreneur principal en cas de défaillance de ce dernier.
C’est dans ce contexte que la loi du 31 décembre 1975 a été adoptée afin de sécuriser les droits et intérêts financiers du sous-traitant. Cette loi met à la charge des intervenant dans le marché de construction un certain nombre de droits et d’obligations dont l’objectif final consiste à garantir au sous-traitant le paiement de toutes les prestations qu’il a effectuées dans le chantier.
Ces nombreux droits et obligations en faveur ou à la charge des parties respectives concernent la déclaration et l’agrément du sous-traitant, la fourniture d’une caution au sous-traitant, le paiement direct, l’action directe, la mise en demeure de l’entrepreneur principal, etc.
Ainsi, chacune des trois parties est débitrice d’un certain nombre d’actions nécessaires à la protection des intérêts financiers du sous-traitant. Il s’agit des obligations de l’entrepreneur principal dans la protection des intérêts financiers du sous-traitant (A), des obligations du maître d’ouvrage dans la protection des intérêts financiers du sous-traitant (B) et des actions du sous-traitant (C).
A - Les obligations de l’entrepreneur principal dans la protection des intérêts financiers du sous-traitant.
Dans l’objectif de sécuriser le paiement dû au sous-traitant, l’entrepreneur principal est débiteur de plusieurs obligations prévues par la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
1 - L’obligation de faire accepter le sous-traitant et d’agréer ses conditions de paiement.
La première obligation de l’entrepreneur principal est celle de faire accepter le sous-traitant et d’agréer ses conditions de paiement. Cette obligation découle de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance aux termes duquel :
« L’entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage ; l’entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l’ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.
Lorsque le sous-traitant n’aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, l’entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l’encontre du sous-traitant ».
Il résulte de cette disposition que l’entrepreneur principal a l’obligation de faire accepter le sous-traitant par le maître d’ouvrage et de faire agréer ses conditions de paiement. Le manquement de l’entrepreneur principal à cette obligation peut avoir deux conséquences juridiques. La première conséquence est relative à l’existence de possibles poursuites contre l’entrepreneur principal sur le fondement de l’article L8271-1-1 du Code du travail. Selon cette disposition, « Les infractions au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance sont constatées par les agents mentionnés à l’article L8271-1-2. Ces infractions sont punies d’une amende de 7 500 € ». Cette disposition sanctionne la méconnaissance, par l’entrepreneur principal, de ses obligations issues de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance [1].
La seconde conséquence concerne les relations entre l’entrepreneur principal et le sous-traitant. Dans son arrêt du 13 mars 1981, la Cour de cassation a jugé que « Si le maître d’ouvrage peut opposer au sous-traitant l’absence de l’acceptation et de l’agrément prévus par la loi, il n’en est de même ni de l’entrepreneur principal qui a manqué à son obligation de faire accepter le sous-traitant et agréer les conditions de paiement du contrat de sous-traitance, ni des créanciers de cet entrepreneur [2] ». L’entrepreneur principal ne peut donc pas opposer au sous-traitant sa défaillance à le faire accepter et d’agréer ses conditions de paiement auprès du maître d’ouvrage. La méconnaissance, par l’entrepreneur principal, de cette obligation peut également justifier une demande de résiliation du contrat de sous-traitance. Dans son arrêt du 24 avril 2003, la Cour de cassation a considéré que la sanction de la sous-traitance en violation de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 réside dans la faculté de résiliation unilatérale accordée au sous-traitant pendant toute la durée du contrat et qu’en l’absence de mise en œuvre de cette sanction par le sous-traitant, le contrat devrait recevoir application [3]. Dans son arrêt du 10 novembre 2021, la Cour de cassation a jugé que « si le sous-traitant n’use pas de la faculté de résiliation unilatérale qui lui est ouverte par l’article 3 de la loi précitée et n’invoque pas la nullité de celui-ci sur le fondement de l’article 14 de la même loi, le contrat doit recevoir application [4] ».
2 - L’obligation d’indiquer la nature et le montant des prestations sous traitées.
Cette obligation se trouve au titre II de la loi du 31 décembre 1975, lequel s’applique aux marchés passés par les entreprises publiques qui ne sont pas des acheteurs soumis au Code de la commande publique.
Aux termes de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1975, l’entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l’ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu’il souhaite sous-traiter, de même que les sous-traitants auxquels il envisage de faire appel. Cette disposition autorise également l’entrepreneur principal, en cours d’exécution du marché de travaux, à faire appel à de nouveaux sous-traitants à condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l’ouvrage.
Le non-respect par l’entrepreneur principal de cette obligation peut justifier la décision du maître d’ouvrage de résilier le marché. Dans son arrêt du 13 novembre 2018, la Cour administrative d’appel de Nancy a validé la décision du maître d’ouvrage de procéder à la résiliation du marché pour sanctionner la méconnaissance, par l’entrepreneur principal, de ses obligations issues de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1875 par son manquement à déclarer le sous-traitant au maître d’ouvrage [5]. De même, le non-respect de cette obligation par l’entrepreneur principal a été considéré par la Cour d’appel de Pau comme une négligence fautive pouvant justifier la résiliation du marché [6].
L’article 5 se trouve certes dans le titre II de la loi du 31 décembre sur la sous-traitance, lequel s’applique aux marchés passés par les entreprises publiques qui ne sont pas des acheteurs soumis au Code de la commande publique, mais il peut servir de fondement à la responsabilité du maître d’ouvrage prévue au titre III. En effet, l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 renvoie à l’article 5 sur les obligations du maître d’ouvrage vis-à-vis de l’entrepreneur principal dont le manquement peut engager sa responsabilité. Ainsi, il est possible par le biais de l’article 14-1 (titre III de la loi sur la sous-traitance), d’engager la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle du maître d’ouvrage pour n’avoir pas mis en demeure l’entrepreneur principal de se conformer à ses obligations issues de l’article 5 de la loi précitée [7].
3 - L’obligation de garantir le paiement par une caution personnelle et solidaire.
Cette obligation est prévue par l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975, lequel dispose que :
« A peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l’entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur d’un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n’aura pas lieu d’être fournie si l’entrepreneur délègue le maître de l’ouvrage au sous-traitant dans les termes de l’article 1338 du Code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant ».
L’entrepreneur principal a donc l’obligation de garantir au sous-traitant une caution personnelle et solidaire sous peine de nullité du contrat de sous-traitance. L’absence de fourniture de cette caution entraine la nullité du contrat de sous-traitance, peu importe que le sous-traitant ait reçu l’intégralité des sommes qui lui sont dues au titre de ce contrat de sous-traitance [8]. Cette obligation n’est valable que dans les rapports entre l’entrepreneur principal et son sous-traitant. Il n’est donc pas possible d’engager la responsabilité de l’entrepreneur principal pour n’avoir pas demandé à son sous-traitant de fournir au sous-traitant de second rang une caution, car l’article 14-1 ne crée d’obligations qu’à l’égard du maître de l’ouvrage [9].
Toutefois, l’article 14 précité prévoit une hypothèse d’exclusion de la nullité en l’absence de caution personnelle et solidaire de l’entrepreneur principal. Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle l’entrepreneur principal obtient auprès du maître d’ouvrage une délégation de paiement permettant le paiement direct au profit du sous-traitant. D’après la Cour d’appel de Paris, « la délégation de paiement est une alternative à la caution due au sous-traitant par l’entrepreneur principal en application de l’article 14 de la loi du 31décembre 1975. Elle consiste pour l’entrepreneur principal (délégant) à demander au maître de l’ouvrage (délégué) de payer directement au sous-traitant (délégataire) les sommes dues en exécution de ses prestations [10] ».
La délégation de paiement par laquelle le sous-traitant est payé directement par le maître d’ouvrage doit, pour être parfaite, faire l’objet d’un accord tripartite laissant apparaître l’accord du maitre d’ouvrage, de l’entrepreneur principal et du sous-traitant. Lorsque le maître d’ouvrage ne donne pas son accord pour la délégation de paiement, celle-ci est imparfaite et ne lui est pas opposable [11]. De même, la Cour de cassation a rappelé que « l’acceptation du sous-traitant et l’agrément des conditions de paiement du contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage n’impliquent pas l’existence d’une délégation de paiement [12] ».
La caution ainsi obtenue auprès d’une institution bancaire par l’entrepreneur principal au profit du sous-traitant pourra être mobilisée dès lors que l’entrepreneur principal est défaillant dans le paiement des prestations dues au sous-traitant. L’établissement ayant fourni la caution est tenu de procéder au paiement du sous-traitant des sommes dues lorsque ce dernier en fait la demande. La seule exception pouvant justifier l’absence de cette caution est l’existence d’une garantie de paiement du maître de l’ouvrage [13].
Toutefois, la caution ne prend pas en compte de façon automatique les travaux supplémentaires. Pour que les travaux supplémentaires soient pris en compte par la caution, il est nécessaire que les parties prévoient contractuellement cette extension. À défaut d’une telle extension, la caution ne pourra couvrir que le montant des travaux prévus au jour de sa prise d’effet [14]. Ce paiement de la caution au sous-traitant est dû même lorsque l’entrepreneur principal est en procédure collective. Dans son arrêt du 22 septembre 2022, la Cour d’appel de Paris a jugé que « en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire de l’entrepreneur, l’établissement de crédit qui s’est engagé en faveur du sous-traité ne peut refuser sa garantie à celui-ci au motif qu’il n’a pas adressé la déclaration de ses créances au représentant des créanciers [15] ».
B - Les obligations du maître d’ouvrage dans la protection des intérêts financiers du sous-traitant.
1 - Les obligations relatives à la connaissance de la présence d’un sous-traitant.
L’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 dispose, en son alinéa 1, que :
« Le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6, ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations. Ces dispositions s’appliquent aux marchés publics et privés ».
Il résulte de cette disposition que le maître d’ouvrage doit mettre en demeure l’entrepreneur principal de s’acquitter de ses obligations issues des articles 3, 5 et 6 de la loi du 31 décembre 1975. L’article 3 de ladite loi est relative à l’obligation de l’entrepreneur principal de faire accepter chaque sous-traitant et d’agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage. L’article 5 de la loi précitée met à la charge de l’entrepreneur principal l’obligation d’indiquer au maître de l’ouvrage, lors de la soumission, la nature et le montant de chacune des prestations qu’il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous- traitants auxquels il envisage de faire appel. L’article 6 fait référence au paiement direct du sous-traitant accepté et agréé par le maître d’ouvrage. Les obligations issues de ces articles impliquent une démarche de l’entrepreneur principal dans le sens de faire connaître au maître d’ouvrage toutes les informations relatives à la présence des sous-traitant ainsi que de leur acceptation par le maître d’ouvrage.
Ainsi, lorsque le maître d’ouvrage a connaissance de la présence, sur le chantier, d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies aux articles 3, 5 et 6 et qu’il manque à son obligation de mettre en demeure l’entrepreneur principal de se conformer à ses obligations, il engage sa responsabilité [16]. Il appartient dès lors au maître de l’ouvrage, qui a connaissance de l’intervention sur le chantier d’un sous-traitant, de mettre l’entrepreneur principal en demeure d’exécuter ses obligations [17]. Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain dans l’appréciation de la connaissance, par le maître d’ouvrage, de la présence du sous-traitant sur le chantier [18].
L’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, qui impose au maître d’ouvrage de mettre en demeure l’entrepreneur principal dès qu’il a connaissance de la présence d’un sous-traitant sur le chantier, ne comporte aucune indication sur la condition relative au moment de la connaissance de l’intervention du sous-traitant. Dès lors, viole l’article 14-1 de la loi précitée une Cour d’appel qui rejette la responsabilité du maître d’ouvrage au motif qu’il n’a eu la connaissance de la présence du sous-traitant qu’après l’achèvement des travaux [19]. La circonstance que le maître d’ouvrage n’a pas eu connaissance de la présence du sous-traitant au début de chantier ne saurait justifier le rejet de la demande de condamnation du maître d’ouvrage qui a intégralement payé l’entrepreneur principal postérieurement à la connaissance de la présence du sous-traitant [20]. De même, le maître de l’ouvrage est tenu des obligations issues de l’article 14-1 de la loi sur la sous-traitance dès qu’il a connaissance de l’existence du sous-traitant, malgré son absence sur le chantier et l’achèvement de ses travaux ou la fin du chantier [21].
Le maître d’ouvrage conteste souvent avoir eu connaissance de la présence d’un sous-traitant sur le chantier. C’est pourquoi la jurisprudence recourt à plusieurs modes d’établissement de la preuve de la connaissance, par le maître d’ouvrage, de la présence d’un sous-traitant. La preuve de la connaissance de la présence du sous-traitant peut résulter de la participation de ce dernier à une expertise lors de laquelle le maître d’ouvrage était présent ou par la présentation par le sous-traitant au maître d’ouvrage de la copie de sa lettre de réclamation adressée à l’entrepreneur principal [22]. Le maître d’ouvrage est également considéré comme ayant connaissance de la présence d’un sous-traitant lorsqu’il est établi que le chantier a été abandonné en raison de l’absence de versement par l’entrepreneur principal, aux entreprises intervenant sur le chantier, des sommes qui leur revenaient et que le maître d’ouvrage a, plus tard, conclu un accord avec l’entrepreneur principal dans le but de fixer sa dette à l’égard de l’entrepreneur et d’éviter une action directe des sous-traitants [23]. Est réputé avoir eu connaissance de la présence d’un sous-traitant un maître d’ouvrage qui reçoit un courrier du sous-traitant l’avisant de sa qualité de sous-traitant au chantier [24].
En revanche, le maître d’ouvrage ne peut être considéré comme ayant eu connaissance de la présence d’un sous-traitant lorsque ce dernier ne s’est manifesté, en qualité de sous-traitant, qu’après le redressement judiciaire de l’entrepreneur principal pour lui notifier son action directe, et que le maître d’ouvrage n’avait jamais eu connaissance de son existence avant cette date [25]. Il appartient également au sous-traitant de rapporter la preuve que le compte rendu de réunion de chantier a bien été communiqué au maître d’ouvrage lorsque ce dernier conteste sa présence lors de la réunion [26]. De même, l’existence d’une délégation de paiement du maître d’ouvrage au profit du sous-traitant pour de premiers travaux ne suffit pas à caractériser la connaissance par le maître d’ouvrage de la présence du même sous-traitant pour des travaux supplémentaires [27].
2 - L’obligation d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution pour les sous-traitants sous certaines conditions.
Cette obligation du maître d’ouvrage d’exiger de l’entrepreneur principal la fourniture d’une caution pour le sous-traitant est soumise aux conditions prévues par l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance. Aux termes de l’alinéa 2 de cette disposition,
« si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l’ouvrage doit exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution ».
Cette disposition fixe donc deux conditions pour l’opposabilité de cette obligation au maître d’ouvrage. D’une part, il faut que le maître d’ouvrage ait déjà accepté le sous-traitant et agréé ses conditions de paiement. D’autre part, il faut que le sous-traitant ne soit pas bénéficiaire d’une délégation de paiement devant permettre qu’il soit directement payé par le maître d’ouvrage. Ce n’est qu’une fois que ces deux conditions sont réunies que l’obligation d’exiger à l’entrepreneur de fournir une caution au sous-traitant s’impose au maître d’ouvrage.
Ainsi, lorsque le maître d’ouvrage décide de ne pas exiger de l’entrepreneur principal la fournir d’une caution, il doit s’assurer de l’existence d’une délégation de paiement parfaite sous peine d’engager sa responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle. Dans son arrêt du 12 juin 2013, la Cour de cassation a considéré que « le maître de l’ouvrage qui ne demande pas à l’entrepreneur principal de justifier la fourniture d’une caution, doit s’assurer que celui-ci a accepté la délégation de paiement au profit du sous-traitant [28] ». Dès lors, lorsque le maître d’ouvrage constate que le sous-traitant, qu’il a accepté et agréé, ne bénéficie pas d’une délégation de paiement, il doit exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni à ce sous-traitant la caution garantissant le paiement de toutes les sommes dues à ce dernier. En s’abstenant de mettre en demeure l’entrepreneur principal de fournir cette caution, le maître d’ouvrage manque à ses obligations et commet une faute engageant sa responsabilité délictuelle [29]. Cette obligation ne s’applique que pour un maître d’ouvrage ayant accepté un sous-traitant qui lui a été présenté. La Cour de cassation a rappelé, dans son arrêt du 9 mai 2012, que l’obligation de mettre en demeure l’entrepreneur principal de fournir une caution bancaire n’est prévue qu’en cas d’acceptation du sous-traitant [30].
Toutefois, pour être en règle avec ses obligations issues de l’article 14-1 de la loi sur la sous-traitance, le maître d’ouvrage ne peut pas se contenter seulement de mettre en demeure l’entrepreneur principal de justifier d’avoir fourni la caution au sous-traitant. Il doit également veiller à l’efficacité des mesures qu’il met en œuvre pour satisfaire aux obligations mises à sa charge par l’article 14-1 précitée [31]. Dans son arrêt du 18 juin 2023, la Cour de cassation a retenu que cette obligation faite au maître d’ouvrage « incluait la vérification non seulement de l’obtention par cet entrepreneur d’une caution bancaire, mais encore de la communication par lui au sous-traitant de l’identité de l’organisme de caution et des termes de cet engagement [32] ». A cet égard, le maître d’ouvrage doit mettre en œuvre des moyens pour contraindre l’entrepreneur principal à respecter ses obligations en matière de sous-traitance à défaut de quoi il engage sa responsabilité [33]. Engage sa responsabilité, le maitre d’ouvrage qui se contente seulement de mettre en demeure l’entrepreneur principal de fournir la caution au sous-traitant sans essayer de mettre en œuvre des moyens de contrainte à l’égard de ce dernier afin de l’amener à respecter ses obligations [34]. Lorsque le maître d’ouvrage met en demeure l’entrepreneur principal de fournir la caution au sous-traitant, il doit régulièrement renouveler sa mise en demeure afin de le contraindre à fournir la caution. Le défaut de renouvellement persistante de la mise en demeure pendant plusieurs mois a été considéré comme un manquement du maître d’ouvrage à ses obligations de nature à engager sa responsabilité [35].
Par contre, la responsabilité du maître d’ouvrage a été exclue lorsqu’il a mis en œuvre des moyens pour contraindre l’entrepreneur principal à se conformer à ses obligations. Ainsi, un maître d’ouvrage qui demande à l’entrepreneur principal de préciser le montant du marché sous-traité sans obtenir de réponse de sa part est en droit de refuser, sans engager sa responsabilité, un sous-traitant sur son chantier par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l’entrepreneur principal [36]. Dans sa décision du 6 juillet 2023, la Cour de cassation a jugé que « satisfait aux obligations prévues par ce texte le maître de l’ouvrage qui s’assure, à la date à laquelle il a connaissance d’un marché en sous-traitance, de la délivrance d’une caution au bénéfice du sous-traitant, peu important que celui-ci fasse le choix, plutôt que de mettre en œuvre la garantie de paiement qui lui bénéficie, de poursuivre la nullité du contrat, au motif que la caution n’a pas été obtenue préalablement ou concomitamment au sous-traité [37] ». De même, aucune faute n’a été relevée contre un maître d’ouvrage qui a mis en demeure l’entrepreneur principal de justifier de la caution bancaire prévue par l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, et subordonné l’agrément des conditions de paiement du sous-traitant à la production de cette garantie. En raison des documents imprécis produits par l’entrepreneur principal, le maître d’ouvrage a légalement justifié son refus d’agréer le sous-traitant et a rempli ses obligations légales [38].
3 - Le paiement direct des sous-traitants pour certaines entreprises publiques.
Cette obligation s’applique aux personnes publiques mentionnées à l’article 4 de la loi du 31 décembre 1975, donc au titre II. Cette disposition a subi plusieurs modifications, lesquelles ont eu pour conséquence de restreindre son champ d’application. Dans sa version applicable du 3 janvier 1976 au 1er avril 2016, l’article précisait que « Le présent titre s’applique aux marchés passés par l’Etat, les collectivités locales, les établissements et entreprises publics ». Dans sa version applicable du 1er avril 2016 au 1er avril 2019, l’article 4 disposait que « Le présent titre s’applique aux marchés publics passés en application de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et aux marchés passés par les entreprises publiques qui ne sont pas des acheteurs soumis à la même ordonnance ».
Depuis le 1er avril 2019, le champ d’application de l’article 4 a été considérable réduit : « Le présent titre s’applique aux marchés passés par les entreprises publiques qui ne sont pas des acheteurs soumis au Code de la commande publique ».
Ainsi, le paiement direct du sous-traitant par le maître d’ouvrage pour les marchés passés par les entreprises publiques est régi par l’article 6 de la loi du 31 décembre 1975 aux termes duquel :
« Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l’exécution.
Toutefois les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas lorsque le montant du contrat de sous-traitance est inférieur à un seuil qui, pour l’ensemble des marchés prévus au présent titre, est fixé à 600 euros ; ce seuil peut être relevé par décret en Conseil d’Etat en fonction des variations des circonstances économiques. En-deçà de ce seuil, les dispositions du titre III de la présente loi sont applicables.
Ce paiement est obligatoire même si l’entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.
Le sous-traitant qui confie à un autre sous-traitant l’exécution d’une partie du marché dont il est chargé est tenu de lui délivrer une caution ou une délégation de paiement dans les conditions définies à l’article 14 ».
Dans son arrêt du 1er octobre 1990, le Conseil d’État a précisé que « le paiement direct du sous-traitant par le maître de l’ouvrage, pour la part du marché dont il assure l’exécution, est subordonné à la double condition que, sur la demande de l’entrepreneur principal, le sous-traitant ait été "accepté" par le maître de l’ouvrage et que les conditions de paiement du contrat de sous-traitance aient été "agréées" par lui [39] ».
Il résulte de cette jurisprudence que le paiement direct n’est dû au sous-traitant que lorsqu’il a été accepté par le maître d’ouvrage et que ses conditions de paiement ont été agréées. A défaut d’agrément expresse du maître d’ouvrage, le sous-traitant n’est pas en droit de prétendre au paiement direct [40]. Dans son arrêt du 2 mai 2007, la Cour administrative d’appel de Versailles a jugé que lorsque « l’entrepreneur principal ne présente un sous-traitant au maître de l’ouvrage, en vue de son agrément, qu’en cours d’exécution du marché, le sous-traitant n’est en droit de prétendre au paiement direct que pour les seules prestations exécutées postérieurement à cet agrément [41] ».
Cependant, le droit au paiement direct n’empêche pas que le sous-traitant puisse saisir directement l’entrepreneur principal pour le paiement des travaux exécutés. La Cour de cassation ainsi jugé que « l’institution dans les marchés publics d’un paiement direct du sous-traitant par le maître de l’ouvrage ne fait pas disparaître le contrat de sous-traitance et laisse au sous-traitant la faculté d’agir en paiement contre l’entrepreneur principal ou de solliciter la fixation de sa créance, sans être contraint d’épuiser auparavant les voies de recours contre le maître de l’ouvrage [42] ». Le droit au paiement direct dont bénéficie le sous-traitant agréé fait obstacle au paiement à l’entrepreneur principal de l’intégralité des prestations effectuées en exécution du marché [43]. Le Conseil d’État a également ajouté que « l’obligation de payer les prestations réalisées par un sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées incombe au maître d’ouvrage. En cas de désaccord sur les sommes dues, le sous-traitant peut engager, devant le juge administratif si le contrat principal est administratif, une action en paiement direct, dont l’objet n’est pas de poursuivre sa responsabilité quasi-délictuelle, mais d’obtenir le paiement des sommes qu’il estime lui être dues [44] ».
Lorsque le sous-traitant dispose d’un droit au paiement direct, il doit adresser des justificatifs à l’entrepreneur principal par lettre recommandée avec accusé de réception. L’article 8 de la loi du 31 décembre 1975 précise que « L’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d’acceptation. Passé ce délai, l’entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu’il n’a pas expressément acceptées ou refusées ». Dans son arrêt du 17 octobre 2023, le Conseil d’État a expliqué la procédure et retenu que « pour obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage de tout ou partie des prestations qu’il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l’entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s’il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l’issue de cette procédure, le maître d’ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s’il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d’exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s’opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir, auprès du maître d’ouvrage, d’un droit à ce paiement. Le refus motivé du titulaire du marché d’accepter la demande de paiement direct du sous-traitant, notifié dans le délai de quinze jours à compter de sa réception, fait également obstacle à ce que le sous-traitant puisse se prévaloir, auprès du maître d’ouvrage, d’un droit à ce paiement [45] »
Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé, dans son arrêt du 15 janvier 1992, que « la procédure de paiement direct ne faisait pas disparaître le contrat de sous-traitance et laissait au sous-traitant la faculté d’agir contre l’entrepreneur principal, sans être contraint d’épuiser auparavant les voies de recours contre le maître de l’ouvrage [46] ».
C - Les actions du sous-traitant.
Le sous-traitant peut recourir à trois actions pour obtenir le paiement correspondant aux travaux qu’il a effectués pour le compte du maître d’ouvrage : l’action directe (1), l’action en responsabilité extracontractuelle (2) et d’une action en nullité (3).
1 - L’action directe du sous-traitant.
1-1 - Champ d’application de l’action directe.
Aux termes de l’article 11, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1975, l’action directe s’applique à tous les contrats de sous-traitance qui n’entrent pas dans le champ d’application du titre II. Autrement dit, l’action directe ne s’applique pas aux marchés de travaux faisant l’objet d’un paiement direct prévu à l’article 6 de la loi précitée. Dans son arrêt du 14 novembre 1984, le Conseil d’État a jugé que les champs d’application des titres II et III de la loi du 31 décembre 1975 sont donc exclusifs l’un de l’autre [47]. La Cour de cassation a également précisé le champ d’application de l’action directe en estimant que la loi du 31 décembre 1975 a institué deux procédures distinctes qui sont exclusives l’une de l’autre et conclut que le titre III, instituant l’action directe, ne s’applique qu’aux contrats de sous-traitance qui n’entrent pas dans le champ d’application du titre II [48].
Par ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 11 précité précise que l’action directe ne s’applique pas aux marchés publics soumis à la deuxième partie du Code de la commande publique à l’exception, d’une part, des marchés publics relevant de ses livres Ier à III dont le montant est inférieur au seuil fixé en application du 2° de l’article L2193-10 et, d’autre part, des marchés publics relevant de son livre V.
Toutefois, elle s’applique aux marchés visés dans le titre III de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance. Elle s’applique également, aux termes de l’article 6, à certains marchés visés au titre II de la loi sur la sous-traitance, c’est-à-dire aux marchés passés par les entreprises publiques qui ne sont pas des acheteurs soumis au Code de la commande publique, lorsque le montant du contrat de sous-traitance est inférieur à 600 euros. Dans son arrêt du 19 juillet 1982, la Cour de cassation a jugé que l’action directe ne s’applique pas lorsque le montant du marché visé à l’article 4 de la loi du 31 décembre 1975 dépasse le seul fixé [49]. Le Conseil d’État a retenu le même principe en excluant du champ d’application de l’action directe les marchés passés par l’État, les collectivités locales, les établissements et entreprises publics lorsque le montant est supérieur à 600 euros (4.000 francs à l’époque) [50]. L’existence d’une clause de paiement direct ne suffit pas à écarter l’action directe du sous-traitant. Dans son arrêt du 15 octobre 1990, la Cour de cassation a jugé que « la stipulation d’une clause de paiement direct dans un contrat de sous-traitance, lorsque le maître de l’ouvrage n’appartient pas à l’une des catégories définies par l’article 4 de la loi du 31 décembre 1975, n’a pas pour effet de soumettre la convention au titre II de ce texte et, partant, de priver le sous-traitant de l’exercice de l’action directe prévue au titre III de la loi [51] ».
1-2 - Les sous-traitants éligibles à l’action directe.
Pour qu’un sous-traitant soit éligible à l’action directe, il doit remplir plusieurs critères. Premièrement, il doit être un sous-traitant accepté par le maître d’ouvrage de manière certaine. Cette acceptation doit d’abord passer par l’entrepreneur principal qui a l’obligation de faire accepter le sous-traitant par le maître d’ouvrage. La seule circonstance que le maître d’ouvrage soit au courant de l’existence du sous-traitant ne suffit pas à prouver qu’il a accepté ce dernier. L’acceptation du sous-traitant suppose un acte du maître d’ouvrage manifestant sans équivoque sa volonté d’accepter les sous-traitants [52]. Deuxièmement, les conditions de paiement du sous-traitant doivent obligatoirement être agréées par le maître d’ouvrage. Dans son arrêt du 13 mars 1981, la Cour de cassation a estimé que les sous-traitants ne disposent d’une action directe contre le maître de l’ouvrage que si ce dernier a accepté chaque sous-traitant et agréé les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance et que maître de l’ouvrage peut opposer au sous-traitant l’absence de l’acceptation et de l’agrément prévus par la loi [53]. Troisièmement, il doit s’agir d’un sous-traitant dont l’entrepreneur principal est défaillant, c’est-à-dire dans une situation financière l’empêchant de s’acquitter de ses dettes de travaux vis-à-vis du sous-traitant [54]. Quatrièmement, l’action direct peut être exercée aussi bien par le sous-traitant de l’entrepreneur principal que par les sous-traitants de second rang, c’est-à-dire les sous-traitants d’un autre sous-traitant. Dans son arrêt du 29 mai 1980, la Cour de cassation a jugé que « l’action directe doit être accordée aux sous-traitants du sous-traitant, de la même manière et sans distinction selon leur rang, à l’encontre du maitre de x... qui reste toujours le même quelle que soit la succession des sous-traitants [55] ». Dans une décision du 26 octobre 2011, elle a retenu que « les sous-traitants, quel que soit leur rang, n’ont une action directe que contre celui pour le compte de qui la construction est réalisée et qui conserve la qualité de maître de l’ouvrage [56] ».
1-3 - La mise en œuvre de l’action directe.
Lorsque le sous-traitant compte exercer l’action directe à l’égard du maître d’ouvrage, il doit respecter les conditions d’opposabilité de cette action directe. Aux termes de l’article 12, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1975,
« Le sous-traitant a une action directe contre le maître de l’ouvrage si l’entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l’ouvrage ».
Le respect de cette formalité de mise en demeure préalable de l’entrepreneur principal est obligatoire pour la recevabilité de l’action directe et à condition de l’exercer dans le délai d’un mois après la mise en demeure [57]. Lorsque la condition de la mise en demeure préalable de l’entrepreneur principal fait défaut, l’action directe risque d’être déclarée irrecevable par le tribunal [58].
Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 12 de la loi du 31 décembre 1975, « Cette action directe subsiste même si l’entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites ». Ainsi, lorsque l’entrepreneur principal est en situation de procédure collective, le sous-traitant doit, pour exercer l’action directe, adresser au maître d’ouvrage une copie de sa production au passif, laquelle tient lieu de mise en demeure de l’entrepreneur principal [59]. Dans son arrêt du 13 juillet 2023, la Cour de cassation a estimé qu’à défaut de mise en demeure préalable adressée à la liquidation judiciaire, seule la déclaration de créance vaut mise en demeure de l’entrepreneur principal [60].
1-4 - Travaux concernés par l’action directe du sous-traitant.
Les travaux concernés par l’action directe sont précisés par l’article 13 de la loi du 31 décembre 1975 qui dispose que « L’action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance et dont le maître de l’ouvrage est effectivement bénéficiaire.
Les obligations du maître de l’ouvrage sont limitées à ce qu’il doit encore à l’entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure prévue à l’article précédent ».
Il résulte de cette disposition que le sous-traitant doit être créancier de l’entrepreneur principal au titre de travaux issus du marché de sous-traitance et ayant été exécutés. Ce qui lui donne le droit d’être payé au titre des travaux exécutés. Ceci exclut les sommes dues à l’entrepreneur principal au titre d’autres travaux. La Cour de cassation a jugé que l’assiette de cette action ne s’étend pas aux sommes susceptibles d’être dues par le maître de l’ouvrage au même entrepreneur au titre d’autres marchés [61]. L’article 13 de la loi du 31 décembre 1975 précise que l’action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance et dont le maître de l’ouvrage est effectivement bénéficiaire et que les obligations du maître de l’ouvrage sont limitées à ce qu’il doit encore à l’entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure. Ainsi, les travaux supplémentaires ne peuvent être incluses dans l’action direct que s’ils ont été autorisés par le maître d’ouvrage. L’absence d’accord écrit du maître d’ouvrage rend les sommes issues des travaux supplémentaires inopposables au maître d’ouvrage [62]. De même, lorsque l’entrepreneur principal a été intégralement payé par le maître d’ouvrage des sommes dues au titre des travaux, l’action directe ne peut plus être exercée [63].
En cas d’action directe du sous-traitant, le maître de l’ouvrage n’est tenu qu’au paiement des sommes qu’il doit encore à l’entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure [64]. La Cour de cassation considère que l’article 13 n’établit aucune distinction suivant l’origine des prestations fournies au titre du marché principal de sorte qu’un maître d’ouvrage ne peut pas se prévaloir de la circonstance que l’action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance [65].
1-5 - Les exceptions susceptibles d’être opposées par le maître d’ouvrage.
Le maître d’ouvrage peut opposer plusieurs exceptions au sous-traitant afin de ne pas lui payer les sommes réclamées ou d’en réduire le montant. Ces exceptions sont relatives au défaut ou à la mauvaise exécution des travaux, l’application des pénalités de retard et à la retenue de garantie.
Concernant la réparation des malfaçons, elle peut justifier une demande de compensation du maître d’ouvrage à hauteur du montant nécessaire pour la réparation des désordres constatés sur les travaux. Lorsque la somme réclamée lors de l’action directe correspond aux prestations nécessaires à l’achèvement du chantier, le refus du paiement est justifié [66]. Le juge ne peut donc écarter la demande de compensation au motif que l’une d’entre elles ne réunit pas les conditions de liquidité et d’exigibilité [67]. De même, la somme représentant le montant des reprises de malfaçons doit être exigible au moment de la réception, par le maître de l’ouvrage, de la copie de la mise en demeure adressée par le sous-traitant à l’entrepreneur principal [68].
Le maître d’ouvrage peut également opposer au sous-traitant l’application de pénalités de retard à l’entrepreneur principal afin de justifier son refus de paiement. Dans son arrêt du 10 juillet 1996, la Cour de cassation a jugé que les créances de pénalités de retard et de réparation de malfaçons invoquées par le maître d’ouvrage ont seulement besoin d’être certaines à la date de réception de la copie de la mise en demeure qui lui est adressée [69].
Par ailleurs, l’application de la retenue de garantie aux sommes dues à l’entrepreneur principal peut entrainer le refus de paiement du sous-traitant lorsqu’à la date de réception de la copie de la mise en demeure le maître d’ouvrage n’est plus débiteur de l’entrepreneur principal [70].
2 - L’action en responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle du sous-traitant contre le maître d’ouvrage.
Il peut arriver que le sous-traitant ne puisse pas activer l’option de l’action directe pour le paiement des travaux exécutés en raison de l’absence des conditions d’opposabilité de l’action directe. En effet, pour que l’action directe du sous-traitant à l’égard du maître d’ouvrage puisse fonctionner, il est obligatoire que le sous-traitant soit accepté par ce dernier et que ses conditions de paiement soient agréées [71]. A défaut de cette acceptation et de cet agréement de ses conditions de paiement, le sous-traitant ne dispose pas d’un droit à une action directe contre le maître d’ouvrage.
Il lui reste donc l’alternative de l’action en responsabilité extracontractuelle contre le maître d’ouvrage. Cette action extracontractuelle tire son fondement de l’article 1240 du code civil qui dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cette action peut être intentée lorsque le maître d’ouvrage manque à ses obligations issues de la loi du 31 décembre 1975. En effet, l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 fait obligation au maître d’ouvrage, d’une part, en cas de connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations prévues aux article 3, 5 et 6 de mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations et, d’autre part, lorsque le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées ne bénéficie pas de la délégation de paiement d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution. Le non-respect de ces obligations entraine la responsabilité extracontractuelle du maître d’ouvrage. Dans son arrêt du 17 novembre 2021, la Cour de cassation a retenu la faute délictuelle du maître d’ouvrage pour n’avoir pas pris des mesures afin de contraindre l’entrepreneur principal à fournir la caution du au sous-traitant [72]. De même, la responsabilité délictuelle du maître d’ouvrage a été retenue par la Cour de cassation après avoir constaté que le maître d’ouvrage avait connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier et a manqué à son obligation de mettre en demeure l’entrepreneur de s’acquitter de ses obligations envers le sous-traitant [73].
L’action en responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle permet donc au sous-traitant de pouvoir obtenir le paiement des travaux qu’il a effectués. L’indemnisation du sous-traitant, dans ce cas, consiste au paiement de dommages-intérêts équivalents au juste coût des travaux exécutés et au préjudice causé par le défaut de paiement [74]. Elle permet également de réparer le préjudice correspondant au solde du prix des travaux qui aurait dû être payé grâce à l’action directe du sous-traitant [75]. Dans son arrêt du 7 mars 2024, la Cour de cassation a considéré que « l’indemnisation accordée à un sous-traitant agréé et accepté mais ne bénéficiant pas d’une garantie de paiement est déterminée par rapport aux sommes restant dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant, peu important que les travaux aient été acceptés par le maître de l’ouvrage dès lors qu’ils avaient été confiés au sous-traitant pour l’exécution du marché principal [76] ». De même, le « sous-traitant dont le contrat n’est pas annulé ne peut prétendre, pour l’indemnisation du coût de ses travaux, à d’autres sommes que celles prévues par le sous-traité [77] ».
Toutefois, lorsque le sous-traitant ne parvient pas à démontrer que le maître d’ouvrage avait connaissance de sa présence sur le chantier, la Cour de cassation écarte la condamnation du maître d’ouvrage pour absence de faute établie [78].
3 - L’action en nullité du contrat de sous-traitance.
Cette action en nullité, prévue par l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975, résulte d’une violation, par l’entrepreneur principal, de son obligation de garantir les sommes dues au sous-traitant par une caution personnelle et solidaire obtenue d’un établissement qualifié, lorsque le sous-traitant ne bénéficie pas d’une délégation de paiement auprès du maître d’ouvrage.
Ainsi, en l’absence de délégation de paiement, l’entrepreneur principal est tenu de fournir une caution au sous-traitant. La fourniture d’un cautionnement par l’entrepreneur principal doit être effectuée avant la signature du contrat de sous-traitance. Lorsque le cautionnement bancaire est intervenu postérieurement à la signature du contrat de sous-traitance, la Cour de cassation considère que le sous-traité est nul [79]. La circonstance que la caution ait été obtenu après mise en demeure effectuée par le sous-traitant à l’entrepreneur principal ne saurait faire obstacle à la nullité du contrat de sous-traitance [80]. L’obligation de fournir une caution au sous-traitant est d’ordre public de sorte que sont considérés comme nuls et de nul effet les clauses, stipulations et arrangements qui auraient eu pour effet de faire échec à cette obligation issue de l’article 14 précité [81]. Il en résulte que le sous-traitant ne peut pas renoncer aux droits qui lui sont conférés par l’article 14 de la loi sur la sous-traitance en matière de cautionnement [82]. De même, seul le sous-traitant est habilité à invoquer la nullité du contrat de sous-traitance pour défaut de cautionnement [83].
Cependant, la nullité de contrat de sous-traitant en raison de l’absence de cautionnement peut être exclue en cas de confirmation du sous-traité sur le fondement de l’article 1182 du Code civil. Lorsque le sous-traitant exécute volontairement le contrat de sous-traitance en connaissance de la cause de nullité du contrat tenant à l’absence de délivrance de la caution, la Cour de cassation considère que ce dernier a confirmé le contrat et ne peut plus se prévaloir de la nullité. Ainsi, dans son arrêt du 23 novembre 2023, la Cour a considéré que :
« La violation des formalités de l’article 14, alinéa 1, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l’article 1182 du Code civil.
La confirmation de l’acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d’une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l’affectant [84] ».
De même, la nullité du sous-traité est exclue lorsque le document justifiant de l’engagement de caution était disponible mais que seul le refus du sous-traitant de signer les documents avait empêché l’entrepreneur principal de justifier du cautionnement imposé par l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 [85]. Par ailleurs, la nullité a également été exclue lorsque les clauses du contrat de sous-traitance ont prévu que celui ne prendra effet qu’à compter de la date à laquelle le sous-traitant sera agréé par le maître de l’ouvrage et ses conditions de paiement par lui acceptées. A cet égard, la Cour de cassation a jugé que « l’existence d’une délégation de paiement du maître de l’ouvrage au bénéfice du sous-traitant ou la délivrance par l’entrepreneur principal d’un engagement de caution à son profit à la date de l’agrément du sous-traitant et de l’acceptation de ses conditions de paiement par le maître de l’ouvrage est exclusive de la nullité du sous-traité, sauf commencement des travaux du sous-traitant antérieur à l’obtention de ces garanties [86] ».
La nullité du contrat de sous-traitance pour motif de défaut d’un cautionnement n’empêche pas le paiement du sous-traitant pour les travaux déjà réalisés. La Cour de cassation a jugé que « le sous-traitant était en droit de solliciter le paiement de la contre-valeur des travaux qu’il avait réalisés [87] ». Dès lors, en l’absence de possibilité d’action directe, de faire jouer la caution ou la garantie de paiement, le sous-traitant peut se faire payer les travaux exécutés par le biais de l’action en nullité du sous-traité, laquelle donne le droit au paiement des travaux exécutés.