Précisions sur la définition du harcèlement sexuel
Selon l’article 222-33 du Code pénal :
« I. Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
III. Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis : 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions (…) ».
Une des stratégies des agresseurs sexuelles en Justice est d’invoquer le malentendu : l’agresseur n’aurait pas compris qu’elle ne voulait pas. Ils évoquent une judiciarisation de la séduction, des rapports hommes/femmes.
A cet égard, la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt rendu le 18 novembre 2015 les contours de l’infraction.
En l’espèce, deux salariées d’un magasin d’alimentation Super U, en contrat à durée déterminée, ont déposé plainte contre leur chef de rayon.
Ce dernier, dès leur arrivée, avait adopté une attitude pressante, insistante avec ces deux salariées, renouvelant des invitations en dépit des refus sans cesse opposés de ces dernières, une attitude ironique et lourde de sous-entendus à connotation sexuelle, des tentatives de contact physique, des prétextes pour se retrouver seul avec elles, des tentatives d’intimidation rendant l’ambiance de travail particulièrement malsaine et oppressante pour les parties civiles. Leur supérieur hiérarchique, lorsque ces dernières lui ont notamment demandé de cesser l’envoi de SMS, leur indiquait, en guise de mesure de rétorsion, qu’elles étaient sur la sellette et « qu’au moindre faux pas, elles seraient sanctionnées ».
Ces dernières avaient alerté leur employeur et l’inspection du travail et avaient produit des certificats médicaux faisant état de syndrome anxio-dépressif.
Le harceleur a été condamné et a exercé un recours en reconnaissant avoir formulé des propositions à connotation sexuelle à destination des deux salariés, en revanche, il affirmait ne pas avoir eu conscience d’imposer ces actes, ce qui, selon lui, empêchait de rendre le délit constitué.
La Cour de cassation ne l’a pas suivi, considérant :
« que le prévenu a, en connaissance de cause, même s’il a mésestimé la portée de ses agissements, imposé aux parties civiles, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle les ayant placées dans une situation intimidante, hostile ou offensante objectivement constatée ».
Il avait tout de même continué en dépit des refus réitérés des victimes…
Que peut faire la victime de harcèlement sexuel ?
1) Conserver toutes preuves laissant présumer le harcèlement (échanges de mails, SMS, lettres, certificats médicaux, arrêts de travail, témoignages…).
2) Alerter l’employeur, par écrit de préférence.
Soulignons que le salarié est protégé contre un licenciement en cas de dénonciation de faits de harcèlement sexuel.
Aux termes de l’article L. 1152-2 du Code du travail, « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ».
Il a ainsi été jugé qu’un licenciement motivé par le fait d’avoir accusé son employeur de harcèlement est nul (Cass soc 10 juin 2015).
L’obligation de sécurité résultat de l’employeur (C. trav., art. L. 4121-1 ; C. trav., art. L. 1153-5)
L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il a été jugé qu’il manquait à cette obligation lorsqu’un salarié est victime, sur son lieu de travail, de violences physiques ou morales exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de concilier les parties. (Cass. soc., 29 juin 2011, deux affaires)
- Lorsqu’un fait de harcèlement a lieu entre salariés d’une même entreprise, l’employeur doit agir.
Dans la première décision, l’employeur soutenait que « ne constitue pas un fait de harcèlement le différend qui a opposé deux médecins d’un centre médical, dès lors que l’employeur y était parfaitement étranger et a tenté de concilier, même en vain, les parties ». La Cour considère que ce n’est pas suffisant en présence d’un « harcèlement ». - La seconde décision fournit la méthode : au moindre soupçon de harcèlement, l’employeur doit diligenter (ou faire diligenter) une enquête.
Ensuite, il doit licencier le salarié à l’origine du harcèlement, le cas échéant sur le fondement de la faute grave (arrêt du 18 février 2014)
Il ne doit pas tarder ; son abstention pourrait être considérée comme fautive, l’essentiel étant d’éloigner la victime de son agresseur et de mettre un terme à l’infraction même si une procédure en justice est en cours.
3) La victime peut alerter l’inspection du travail (qui a également un pouvoir d’enquête), la médecine du travail, les représentants du personnel,…
4) Enfin, si le maintien dans l’entreprise est devenu impossible, le salarié peut adresser une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur et demander la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse aux torts exclusifs de l’employeur devant le conseil de prud’hommes (Cass soc 11 mars 2015).
Il peut obtenir les indemnités de fin de contrat, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les dommages et intérêts pour harcèlement (on a déjà obtenu 30.00 euros pour ce seul poste).
Rester au contact quotidiennement de son agresseur ou harceleur est une véritable souffrance et si l’employeur n’y met pas un terme, il est nécessaire de faire cesser ces agissements.
Ces actions sont possibles également en cas d’agression sexuelle ou de viol sur le lieu de travail. La plainte pénale peut s’imposer dès lors.
5) Déposer plainte au pénal :
En effet, le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles et le viol sont des infractions pénales graves, des délits ou des crimes. La victime peut déposer plainte au pénal pour faire punir l’agresseur, voir reconnaître ces violences, obtenir des indemnités et qu’il ne recommence pas.
Il peut être conseillé de cumuler toutes ces actions pour les renforcer.