Contrat d’artiste et relevés de royalties : la transparence sur le calcul des revenus s’impose au producteur phonographique.

Par Thomas Ascione, Avocat.

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Ce que vous allez lire ici :

Dans l'affaire présentée dans cet article, un artiste a obtenu du tribunal judiciaire que son producteur lui communique des justificatifs concernant ses redevances après janvier 2019. Malgré la clause de prescription de 12 mois, le tribunal a affirmé que le droit à l'information prime, renforçant ainsi la transparence dans les relations entre artistes et producteurs.
Description rédigée par l'IA du Village

Une décision du Tribunal judiciaire de Paris du 30 octobre 2024 apporte des précisions importantes sur l’étendue du droit à l’information des artistes-interprètes concernant leurs rémunérations. Cette ordonnance de référé clarifie notamment la portée des clauses contractuelles limitant dans le temps la contestation des relevés de redevances.

Cette décision s’inscrit dans un contexte où la complexification des modes d’exploitation des phonogrammes (streaming, synchronisation, exploitations dérivées) rend cruciale la question de la traçabilité des revenus générés.

Tribunal judiciaire de Paris, ordonnance de référé, 30 octobre 2024, n° 24/52703.

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Le contexte du litige.

Dans cette affaire [1], un artiste-interprète demandait à son producteur phonographique, la société X-Ray Production, la communication de justificatifs relatifs au calcul de ses redevances pour la période postérieure à janvier 2019.

Le producteur invoquait une clause du contrat d’artiste stipulant que "les décomptes de redevances seront réputés approuvés et acceptés définitivement par l’artiste à moins qu’il ne les conteste par écrit dans un délai de 12 mois à compter de leur réception".

Face à ce refus, l’artiste a saisi le juge des référés.

Le cadre juridique applicable.

Le tribunal fonde sa décision sur l’article L212-15 du Code de la propriété intellectuelle qui impose au producteur de phonogrammes une obligation de reddition des comptes "de façon explicite et transparente" lorsque le contrat prévoit une rémunération proportionnelle.

Ce texte précise également qu’à la demande de l’artiste-interprète, le producteur doit fournir à un expert-comptable mandaté toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes.

Les demandes de l’artiste.

L’étendue des informations sollicitées.

L’artiste demandait la communication des justificatifs des montants reportés dans les "statements", ainsi que la liste exhaustive des plateformes et supports d’exploitation. Il réclamait également les documents et données chiffrées échangés avec les organismes de gestion collective, les "fichiers d’origine" provenant des distributeurs numériques, ainsi que l’ensemble des autorisations d’exploitation concédées à des tiers.

La position du producteur.

Le producteur s’opposait à ces demandes en invoquant la prescription contractuelle de 12 mois et l’existence d’une clause d’audit qu’il estimait suffisante à garantir les droits de l’artiste. Il soulignait également le caractère disproportionné de certaines demandes.

Une interprétation favorable à la transparence.

Sur la portée de la clause de prescription.

Le tribunal opère une distinction fondamentale entre deux prérogatives distinctes. D’une part, le droit de contester les montants des redevances, qui peut être encadré contractuellement. D’autre part, le droit d’obtenir des justifications sur le calcul de ces redevances, qui découle directement de la loi.

Cette distinction conduit le tribunal à écarter l’application de la clause de prescription de 12 mois aux demandes de justificatifs. Les magistrats considèrent qu’une telle stipulation ne saurait priver l’artiste de tout motif légitime, au sens de l’article 145 du Code de procédure civile, à obtenir les communications sollicitées dans le cadre du droit à la preuve.

Le tribunal relève que l’artiste avait reçu régulièrement des "statements" entre 2019 et 2023, mais considère que cela ne suffit pas à satisfaire l’obligation de transparence du producteur. L’absence de justificatifs des montants reportés constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

Une délimitation précise des obligations du producteur.

Le tribunal délimite avec précision l’étendue des obligations de communication du producteur. Il ordonne ainsi la communication des justificatifs des montants reportés dans les "statements", mais rejette certaines demandes jugées disproportionnées.

Ainsi, la communication de la liste des plateformes de diffusion n’est pas ordonnée, le tribunal considérant que ces informations figurent déjà dans les relevés de compte.

De même, la demande de communication des documents échangés avec les sociétés de gestion collective est écartée, l’artiste ne justifiant pas de la nécessité de ces documents pour la compréhension des redditions de compte.

L’encadrement des modalités de communication.

Le périmètre temporel.

Le tribunal ordonne la communication des justificatifs pour la période postérieure au 1ᵉʳ janvier 2019, sans limitation liée à la clause de prescription contractuelle. Cette décision affirme ainsi la primauté du droit à l’information sur les stipulations contractuelles limitatives.

Les modalités de communication.

Le tribunal confirme que la communication doit s’effectuer par l’intermédiaire d’un expert-comptable ou de toute personne tenue au secret professionnel, conformément aux dispositions de l’article L.212-15 du CPI. Cette exigence permet de concilier le droit à l’information de l’artiste avec la protection des informations commerciales sensibles du producteur.

L’astreinte prononcée.

La décision est assortie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard, courant après un délai de 45 jours à compter de la signification de l’ordonnance. Cette mesure coercitive témoigne de l’importance accordée par le tribunal à l’effectivité du droit à l’information

Les implications pratiques de la décision.

Cette décision rappelle que l’obligation de transparence ne se résume pas à la simple communication périodique de relevés de redevances. Le producteur doit être en mesure de justifier les montants versés, et ce droit à justification n’est pas enfermé dans les délais de contestation contractuels.

Pour les producteurs phonographiques, cela implique la nécessité de conserver et d’organiser la documentation justificative des revenus générés par l’exploitation des enregistrements. Pour les artistes, cette décision confirme leur droit d’accès aux justificatifs, tout en encadrant ce droit dans des modalités respectueuses des intérêts légitimes du producteur.

Conclusion.

Cette ordonnance de référé constitue une contribution importante à la construction d’un cadre juridique équilibré dans les relations entre artistes et producteurs. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de renforcement de la transparence dans l’industrie musicale, particulièrement nécessaire à l’heure du streaming et de la multiplication des sources de revenus.

Thomas Ascione
Avocat chez Influxio Avocats
Barreau de Paris
Cabinet en propriété intellectuelle et droit du numérique
www.influxio-avocat.com

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Notes de l'article:

[1Tribunal judiciaire de Paris, ordonnance de référé, 30 octobre 2024, n° 24/52703

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