Une action juridique rapide et efficace.
Dans cette affaire [1], la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP) avait identifié plusieurs sites internet, notamment "9xbuddy", "convert2mp3", "www-mp3juices" et "mp3-juices", qui permettaient le téléchargement non autorisé de phonogrammes protégés.
Face à cette situation, la SCPP a opté pour la procédure accélérée au fond, un choix procédural qui s’est révélé particulièrement judicieux pour obtenir rapidement des mesures concrètes.
Le fondement juridique de cette action repose sur l’article L336-2 du Code de la propriété intellectuelle (Article L336-2 du Code de la propriété intellectuelle), qui transpose en droit français l’article 8§3 de la directive européenne 2001/29/CE (Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information). Ce texte offre aux titulaires de droits la possibilité de solliciter des mesures de blocage auprès des intermédiaires techniques, notamment les fournisseurs d’accès à internet. Cette base légale constitue un outil précieux dans l’arsenal juridique de protection des droits sur internet.
Une décision aux apports significatifs.
Le tribunal a particulièrement retenu dans son analyse deux éléments révélateurs du caractère manifestement illicite des sites en cause. D’une part, l’absence des mentions légales obligatoires prévues par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), et d’autre part, l’anonymisation volontaire et systématique des sites via différents prestataires. Ces constatations ont permis au tribunal de caractériser la connaissance du caractère illicite des contenus par les responsables des plateformes.
La décision se distingue par l’ampleur des mesures ordonnées.
Le tribunal a en effet prescrit un blocage géographique particulièrement étendu, couvrant non seulement la France métropolitaine, mais également l’ensemble des territoires ultra-marins, y compris les départements et régions d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer et les Terres australes et antarctiques françaises. Cette approche territoriale exhaustive garantit une protection efficace sur l’ensemble du territoire national.
Les modalités pratiques de mise en œuvre ont été précisément encadrées par le tribunal. Les fournisseurs d’accès disposent d’un délai de quinze jours pour mettre en place le blocage, celui-ci devant être maintenu pendant dix-huit mois. Le tribunal a également prévu la possibilité d’une actualisation des mesures en cas d’évolution du litige, anticipant ainsi les potentielles tentatives de contournement. Point crucial pour l’efficacité du dispositif : les frais de blocage sont mis à la charge des fournisseurs d’accès.
Une protection dynamique et adaptée aux enjeux numériques.
La décision démontre l’importance d’une documentation rigoureuse des atteintes aux droits. Dans cette affaire, la SCPP avait fait établir des constats d’huissier détaillés, permettant d’établir sans ambiguïté la réalité des téléchargements illicites. Cette préparation minutieuse du dossier, combinée au choix pertinent de la procédure accélérée au fond et à l’assignation de l’ensemble des principaux fournisseurs d’accès à internet, a contribué au succès de l’action.
Le tribunal a su trouver un équilibre délicat entre la protection nécessaire des droits de propriété intellectuelle et le respect des libertés fondamentales, notamment la liberté d’entreprise des fournisseurs d’accès et la liberté de communication des internautes.
Cette approche équilibrée renforce la légitimité et la portée de la décision.
Cette jurisprudence s’inscrit dans un mouvement plus large de renforcement de la protection des droits sur internet. La rapidité remarquable de la procédure - moins de trois mois entre l’assignation et la décision - et le caractère immédiatement exécutoire des mesures ordonnées constituent des atouts majeurs pour les titulaires de droits confrontés à des atteintes en ligne.
Il est d’autant plus important de saluer une telle décision, que selon un nouveau rapport du cabinet d’études Muso [2], il y a eu plus de 17 milliards de visites sur des sites de piratage de musique dans le monde en 2023, soit une augmentation de 13% par rapport à l’année précédente.
Cette décision démontre que le système juridique français, lorsqu’il est mobilisé avec pertinence, dispose d’outils performants et adaptés aux défis de la protection des droits dans l’environnement numérique.