70% des décideurs Achats jugent insatisfaisantes les relations avec la Direction Juridique !

70% des décideurs Achats jugent insatisfaisantes les relations avec la Direction Juridique !

Rédaction du village

Le Cabinet Kurt Salmon [1] et le cabinet +Avocats ont sondé une centaine de décideurs achats, principalement issus de grands groupes français. Leurs réponses dressent un état des lieux critique des relations entre Direction Achats et Direction Juridiques.

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Les relations entre acheteurs et juristes restent un sujet sensible… En effet, entre la rigidité ressentie des modèles de contrats et l’impression de manque de disponibilité des juristes, les acheteurs disent peiner à construire une relation efficace.

Voici les chiffres clés de l’enquête et quelques éléments d’analyse.

Plus de 70% des décideurs achats s’accordent à dire que leur relation avec la Direction Juridique n’est pas optimale.

Alors même que les Directions juridiques souhaitent se positionner en "business partner" depuis plusieurs années, le ressenti des acheteurs est très différent...

3 raisons principales sont citées :

"Pour quelles raisons estimez-vous que la relation entre Direction des Achats et Direction Juridique n’est pas optimale ?" (plusieurs réponses possibles)


- La collaboration avec les juristes est "rendue difficile par leur manque de disponibilité et intervient de facto trop tard dans le processus d’achat."
- La moitié des décideurs achats considère que "les priorités des deux Directions divergent et qualifie la fonction juridique d’« éloignée du business ».
- Pour un tiers des Directions Achats, l’absence ou l’inadéquation des outils (contrathèque, gestion des contrats types, etc.) à disposition des acheteurs et des juristes constituent un frein à leur bonne collaboration.

Des contrats jugés mal adaptées aux achats.

Plus d’un tiers des Directeurs Achats considère que les modèles de contrats proposés par les juristes ne sont pas adaptés à leurs pratiques en matière d’achats et de négociation.

La principale raison évoquée est la "lourdeur juridique" ainsi que le "manque de flexibilité des contrats types qui sont déconnectés de la réalité économique et peuvent être des freins à la relation fournisseur."

Des services achats en difficulté pour gérer les risques RSE, pénaux et les litiges fournisseurs...

54% des interrogés considèrent que leur organisation n’est pas apte à gérer correctement les risques sociaux, environnementaux, et sociétaux... et se sentent mal épaulés !

Viennent ensuite les risques pénaux sur lesquels près d’un tiers des décideurs Achats ne se sentent pas correctement couverts.

Les litiges fournisseurs enfin représentent un réel risque financier (d’ailleurs dans plus de 10% des cas ils ont coûté plus d’un demi-million d’euros sur les 36 derniers mois) : 20% des décideurs achats déclarent ne pas pouvoir mesurer l’impact financier des litiges fournisseurs.

"Dans le cadre de vos relations avec vos fournisseurs, considérez-vous votre organisation apte à gérer les risques suivants ?"

Autre enjeu de taille, plus de 70% des Directions Achats déclarent ne jamais avoir évalué l’impact de l’absence ou du défaut de gestion de leurs contrats (négociation, suivi exécution, vie des contrats). Mais sur les 30% restants, certains estiment que les impacts financiers ont pu dépasser les 10 millions d’euros par an... L’enjeu est donc de taille.

Que faire ?

La complexité du lien Acheteurs – Juristes est bien connue puisque 71% des décideurs achats déclarent que leur management est sensibilisé au sujet. Plusieurs pistes d’amélioration de la gestion des risques juridiques sont explorées par les décisionnaires achats.

L’une d’entre elles est de favoriser la proximité et le dialogue entre acheteurs et juristes en positionnant la Direction juridique comme un réel « business partner  » : former des binômes, réaliser des négociations fournisseurs en présence de juristes, voire intégrer des juristes dans les équipes d’acheteurs...

D’autres optent pour la formation : 63% des organisations ont déjà dispensé des formations spécifiques sur un thème juridique aux acheteurs (néanmoins, moins de 10% des organisations interrogées estiment que c’est aux acheteurs de monter en compétence juridique afin de gérer les négociations contractuelles de bout en bout et en toute autonomie).

Les grands enjeux à venir se divisent en deux catégories. Les 1ers sont de permettre à ces Directions de travailler ensemble et d’avoir une vision commune. Cela passe nécessairement par une meilleure communication, une simplification et une fluidification des process et des échanges... autant d’éléments dont sont clairement conscientes les directions juridiques, par exemple celles candidates chaque année au Prix de l’innovation en management Juridique, pour lesquelles c’est un sujet de recherche récurrent.

Ensuite, la fonction achats exprime des besoins clairs d’optimisation de la maîtrise de ses risques règlementaires, RSE et pénaux. En plus d’une professionnalisation et d’une montée en maturité des acheteurs sur le sujet, les Directions Juridiques doivent donc se positionner en partenaires clés pour gérer ces risques.

Commentaire :

Interview de Thierry Mercier, Associé Kurt Salmon, département "Conseil achat".

Village de la Justice : Les chiffres sont presque incroyables, alors que depuis de nombreuses années les Directions juridiques ont opéré un début de transformation et de rapprochement vers le "client interne"...

D’un point de vue théorique, il y a une vraie tendance à transformer la Direction juridique en business partner, mais il faudra du temps pour que ce soit une réalité vécue et partagée (un phénomène identique à d’autres directions, comme celle du développement durable par exemple).
Pour atteindre vraiment ce but, il y a pour les juristes un travail d’apprentissage et de sensibilisation à faire : par exemple il n’y a pas assez souvent de juristes dans les processus de négociation des achats, c’est la réalité. Le prisme de vue des juristes n’est pas encore le même que celui des directions achats.

La bonne nouvelle est que tous veulent la même chose. Il y a une volonté très forte d’anticiper les risques.

Village de la Justice : Comment alors avancer sur ce sujet ?

Les souhaits d’action concrète en directions des achats existent vraiment. Par exemple il y a une vraie demande de créer des "boites à outils" pour que les acheteurs délégués (NDLR : dans d’autres directions) puissent être autonomes sur la question des risques et celle des contrats. Il faut donc que acheteurs et juristes se mettent d’accord sur cette boite à outils, les formations à effectuer, la communication et l’animation à faire, etc. Et ça se fait de plus en plus.

Ce que nous dit aussi l’enquête, c’est que les acheteurs ne veulent pas devenir juristes, mais cherchent une répartition différente et anticipatrice des rôles, par exemple par l’intégration directe de juristes dans les directions achats (comme c’est déjà le cas des Responsables Qualité ou des Contrôleurs de gestion).

L’émergence des risques, de la nécessité d’un pilotage, des sujets de délais de paiement, de la dépendance avec les fournisseurs... sont des sujets qui sont de plus en plus importants pour les acheteurs, nous sommes vraiment sur le terrain des risques. Le juriste y a toute sa place.

On sait aussi que l’on peut progresser, car dans les pays anglosaxons par exemple la manière de définir les achats est différente (le périmètre de la fonction Achats est assez particulier en France). Les anglosaxons sont par exemple plus exigeants que les français et sécurisent bien plus leurs contrats...

Source et graphes : Cabinet Kurt Salmon.

Rédaction du village

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Notes de l'article:

[1Cabinet de conseil en transformation des entreprises.

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Discussions en cours :

  • par IncentAct-avocat , Le 25 février 2016 à 13:56

    Un juriste n’est pas un acheteur et un acheteur n’est pas juriste. A chaque fois qu’un juriste se transforme en acheteur, il perd ses réflexes de juriste.
    Pour que la coopération fonctionne entre les deux, le juriste doit apprendre à rédiger des clauses opérationnelles, techniques et financières, l’objectif étant que l’entreprise puisse disposer d’outils contractuels permettant à l’acheteur de négocier avec le sous-traitant en phase de réclamation.
    Et il faut rédiger des conditions générales, de sorte à ce que chacun puisse faire son travail en comprenant les problématiques de l’autre.
    Le fait qu’un sous-traitant soit en retard n’est pas un problème juridique mais opérationnel et cela peut avoir des conséquences sur des dates jalons ou des dates de réception avec un client final. En revanche, si aucune clause ne vient préciser les sanctions ou ne prévoit des moyens de contraindre la société sous-traitante, ou ne prévoit les cas de modification du contrat, cela signifie que le contrat n’est pas suffisamment armé pour gérer des contraintes opérationnelles.
    Le juriste a toute sa place pour rédiger les clauses opérationnelles.

  • par Rédaction du Village , Le 23 février 2016 à 17:02

    On trouve justement ce type de postes "Juriste achats" sur la rubrique Emploi du Village : http://bit.ly/1QAGuHt

  • par Julie , Le 23 février 2016 à 10:41

    Cela est souvent du, dans beaucoup d’entreprises à un service juridique en sous effectif en raison de contraintes budgétaires !
    Le service juridique étant encore beaucoup vu par les dirigeants comme un service engendrant des coûts mais pas de bénéfice financier directs et concrets ...
    Un juriste débordé ne peut pas accompagner correctement un acheteur !
    De plus, il est encore difficile de faire changer le regard des opérationnels envers le juriste, qui est vu comme une personne qui va ralentir un projet. De ce fait, le juriste est souvent appelé en bout de chaine quand le problème est déjà la !

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