Cependant, les choses se compliquent lorsqu’il y a plusieurs associés. Certains souhaitent imposer leur point de vue sur la gestion de la société, d’autres désirent davantage de dividendes. Logiquement, celui ou celle qui détient la majorité des droits de vote sort victorieux de ce jeu. Heureusement, la réalité est différente. L’associé majoritaire ne peut pas décider de tout ; en effet, l’abus de majorité demeure une arme dont disposent les minoritaires en cas d’arbitraire.
Mais alors, comment l’acquisition de parts sociales d’un époux constitue-t-elle une protection contre l’abus de majorité ?
L’associé majoritaire ne peut pas décider de tout ; en effet, l’abus de majorité demeure une arme dont disposent les minoritaires en cas d’arbitraire. Concrètement, lorsque l’associé majoritaire commet un abus de majorité, la décision entachée de cet abus sera nulle et le majoritaire sera tenu de réparer les éventuels préjudices qu’il aurait causés aux minoritaires.
Dans quelles conditions l’abus de majorité peut-il être reconnu ?
L’abus de majorité se définit comme le fait de prendre une décision sociale contraire à l’intérêt général de la société, et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité des associés au détriment de la minorité [1]. En clair, il faut que le ou les majoritaires prennent une décision contraire à l’intérêt social, dans le seul but de favoriser leur intérêt au grand désarroi des associés minoritaires (ils se la jouent perso).
Exemple d’abus de majorité :
Rémunération excessive du dirigeant : Cela se produit lorsque les membres majoritaires de l’entreprise accordent une rémunération excessive au dirigeant, même si cela n’est pas justifié par la performance ou les résultats de l’entreprise [2] ;
Mise en réserve et non-distribution des dividendes : en principe, la constitution de réserves et le refus de distribuer les dividendes ne constituent pas un abus de majorité. Cela relève de la prudence et d’une gestion légitime du dirigeant, privilégiant l’investissement dans la société [3].
Toutefois, cela s’apprécie au cas par cas, et le choix de non-distribution des dividendes doit se justifier et être cohérent avec les autres choix de gestion. Ainsi, l’abus de majorité a été caractérisé en cas de non-distribution de dividende lorsque le dirigeant avait augmenté sa rémunération [4].
Mais alors, comment l’acquisition de parts sociales d’un époux constitue-t-elle une protection contre l’abus de majorité ?
Tout d’abord, en vertu de l’article 1832-2 du Code civil, lorsqu’un époux sous le régime de la communauté légales acquiert des droits sociaux non négociables (SNC, SARL, etc.) avec des biens communs, l’autre époux(se) peut revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des droits sociaux acquis avec les biens communs.
Pour simplifier, si vous êtes mariés et que vous décidez d’acquérir des parts dans une société avec des biens que vous possédez en commun avec votre époux(se), celui/celle-ci pourra être associé(e) tout comme vous pour la moitié des droits que vous avez acquis.
Schématiquement, si vous acquérez 50 parts dans une SARL composée de 100 parts avec deux autres associés dont l’un possède 30 parts et l’autre les 20 parts restantes, à ce stade, vous êtes majoritaire dans la SARL. Cependant, si votre époux(se) décide de revendiquer la moitié des parts que vous avez acquises en application de l’article 1832-2 du Code civil, il/elle détiendra 25 parts et vous en aurez également 25.
L’associé disposant de 30 parts devient désormais majoritaire. Or, la première condition exigée pour l’application de la théorie de l’abus de majorité est de disposer de la majorité.
En conclusion, il n’est pas possible que vous soyez inquiet face à l’abus de majorité.
Attention, l’abus de majorité peut tout de même être reconnu lorsque plusieurs personnes s’entendent afin de voter dans un sens contraire à l’intérêt social, mais favorable à leur intérêt égoïste. Si la théorie tient la route, dans la pratique, il est très difficile de prouver cette entente lorsqu’il s’agit d’associés lambda ; il serait donc titanesque de prouver une telle entente entre deux époux, puisque généralement « le linge sale se lave en famille ».
En somme, l’acquisition de parts sociales par un époux peut offrir une protection contre l’abus de majorité du fait que l’autre époux(se) revendique la qualité d’associé pour la moitié des droits sociaux acquis avec les biens communs, réduisant ainsi la part détenue par le premier époux et minimisant les risques d’abus de majorité.