La compétence pour l'évaluation de la valeur des titres sociaux : entre l'expert et le juge. Par Peyman Dadras, Avocat.

La compétence pour l’évaluation de la valeur des titres sociaux : entre l’expert et le juge.

Par Peyman Dadras, Avocat.

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Explorer : # droit des contrats # évaluation des titres sociaux # interprétation des conventions # méthodes comptables

Ce que vous allez lire ici :

La Cour de cassation a statué sur un litige entre Quiris, G2SI Ouest et des cédants concernant l’évaluation des titres sociaux. L'expert peut proposer plusieurs évaluations, mais le juge doit déterminer l’intention commune des parties pour fixer le prix de cession. La décision des sociétés a été rejetée.
Description rédigée par l'IA du Village

L’objet central du commentaire de l’arrêt de la Cour de cassation - chambre commerciale - du 17 janvier 2024 - 22-15.897, réside dans le fait que l’expert est tenu d’appliquer les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par toute convention liant les parties, et que le juge doit interpréter la commune intention des parties à la convention, si nécessaire. En conséquence, l’expert peut retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention revendiquées par les parties, et c’est au juge d’appliquer l’évaluation correspondante après avoir recherché la commune intention des parties.

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En effet, la Cour de cassation (Cour de cassation - chambre commerciale - 17 janvier 2024 - 22-15.897) a examiné le litige entre les sociétés Quiris et G2SI Ouest et les consorts [H] concernant la cession des titres des sociétés Esole, Chayoli et Eclade. La cour a déterminé que l’expert peut retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention revendiquées respectivement par les parties, et il incombe au juge d’appliquer l’évaluation correspondante après avoir recherché la commune intention des parties.

La cour a constaté que la commune intention des parties avait été de ne pas modifier les principes appliqués de façon permanente lors de la comptabilisation des produits constatés d’avance par ces sociétés pour calculer la variation du prix de cession. Par conséquent, elle a décidé que les cessionnaires devaient payer aux cédants le complément de prix fixé par l’expert en application de la méthode comptable correspondante.

Les sociétés Quiris et G2SI Ouest ont contesté cette décision, arguant que l’expert n’est pas lié par les modalités d’évaluation du prix de cession de titres fixées par les parties si celles-ci ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur. Elles ont également soutenu que le principe de permanence des méthodes comptables d’un exercice à l’autre ne justifie pas que l’expert soit lié par une méthode comptable contraire à la loi.

Cependant, la cour a retenu qu’il n’est pas justifié que l’administration fiscale soit intervenue pour reprocher aux sociétés cédées la méthode appliquée de manière permanente pour comptabiliser les produits constatés d’avance. Elle a ajouté qu’un changement de méthode comptable pour calculer la variation de prix aurait conduit à modifier les bases sur lesquelles les parties s’étaient entendues sur le prix, et aurait été à l’encontre du principe de permanence des méthodes comptables d’un exercice à l’autre.

En effet, la cour a précisé que la méthode de comptabilisation des produits constatés d’avance s’applique aux revenus déjà perçus mais qui ne correspondent pas encore à des prestations de services effectuées ou à des biens livrés. Par conséquent, le moyen soulevé ne saurait être retenu comme fondé en droit [1]. En conclusion, la cour a rejeté le pourvoi, condamné les sociétés Quiris et G2SI Ouest aux dépens, et rejeté la demande formée par ces sociétés.

Cet arrêt pose deux questions de droit à savoir : d’une part, l’interprétation de la convention par l’expert et le juge. En l’espèce, la question est de savoir si l’expert peut retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties, et est-ce que le juge est tenu d’appliquer l’évaluation correspondante après avoir recherché la commune intention des parties. D’autre part, la conformité de la méthode comptable avec la réglementation en vigueur. Dans ce cas, il faut déterminer si l’expert est lié par les modalités d’évaluation du prix de cession de titres fixées par les parties si celles-ci ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur. De plus, le principe de permanence des méthodes comptables d’un exercice à l’autre justifie-t-il que l’expert soit lié par une méthode comptable contraire à la loi ?

Cet arrêt de la Cour de cassation a une portée significative en matière de droit des contrats et de comptabilité. Il clarifie également deux points importants en matière d’interprétation des conventions contractuelles et de conformité des méthodes comptables.

En somme, cet arrêt contribue à la jurisprudence en matière de droit des contrats et de comptabilité et pourrait influencer la manière dont les futurs contrats de cession de titres sont rédigés et exécutés. Il pourrait également avoir un impact sur la manière dont les experts et les juges abordent l’évaluation des prix de cession de titres dans le cadre de ces contrats.

Dans le but de clarifier le sujet, nous procéderons, en premier lieu, à l’analyse du rôle élargi de l’expert en cas de désaccord entre les parties. Ensuite, nous examinerons le pouvoir correctif du juge de première instance dans l’interprétation de l’intention commune des parties.

A- Le rôle étendu de l’expert.

Selon l’article 1843-4 du Code civil, l’expert est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par toute convention liant les parties. Cependant, cet arrêt de la Cour de cassation montre que l’expert a un rôle plus étendu. Il peut retenir différentes évaluations correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties. Cela donne à l’expert une certaine latitude pour proposer plusieurs options d’évaluation, en fonction de sa compréhension de la convention et des arguments des parties.

Dans le cas d’espèce, l’article 1843-4 du Code civil joue un rôle crucial. Cet article dispose que si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le prix de cession des parts sociales, un expert peut être désigné pour déterminer la valeur de ces parts. L’expert est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par toute convention liant les parties.

Dans le contexte de cette affaire, les parties (les sociétés Quiris et G2SI Ouest et les consorts [H]) n’ont pas réussi à s’entendre sur le prix de cession des titres des sociétés Esole, Chayoli et Eclade. Par conséquent, un expert a été désigné conformément à l’article 1843-4 du Code civil.

L’expert a alors proposé différentes options d’évaluation correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties. Cela a permis à l’expert de prendre en compte les différentes perspectives des parties et de proposer plusieurs options d’évaluation qui reflètent ces perspectives.

Cependant, l’expert n’a pas exprimé de préférence pour une option d’évaluation particulière. Il a simplement indiqué la méthode comptable qu’il aurait préconisée lors de l’établissement, par les sociétés concernées, de leurs comptes annuels.

Ensuite, le juge a été chargé d’interpréter la convention et de déterminer la commune intention des parties. Sur la base de cette interprétation, le juge a choisi l’évaluation correspondante parmi les options proposées par l’expert.

Dans ce cas, la cour a constaté que la commune intention des parties avait été de ne pas modifier les principes appliqués de façon permanente lors de la comptabilisation des produits constatés d’avance par ces sociétés pour calculer la variation du prix de cession. Par conséquent, elle a décidé que les cessionnaires devaient payer aux cédants le complément de prix fixé par l’expert en application de la méthode comptable correspondante.

Cela démontre le rôle étendu de l’expert selon l’article 1843-4 du Code civil. Même si l’expert est tenu d’appliquer les règles et modalités de détermination de la valeur des droits sociaux prévues par la convention, il a la latitude de proposer plusieurs options d’évaluation et de laisser le juge choisir l’option qui reflète le mieux l’intention commune des parties. Cela souligne l’importance de l’expert dans le processus d’évaluation et de détermination du prix de cession des parts sociales.

Malgré l’étendue des prérogatives conférées à l’expert en matière de détermination du prix, il convient de rappeler que le pouvoir souverain du juge, en ce qu’il consiste à interpréter l’intention commune des parties, prévaut.

B- Le pouvoir correctif du juge dans l’interprétation de la commune intention des parties.

Le juge de fond joue un rôle crucial dans l’interprétation de la convention. Après que l’expert ait proposé différentes options d’évaluation, il incombe au juge de rechercher la commune intention des parties et d’appliquer l’évaluation correspondante. Cela signifie que le juge a le pouvoir de déterminer quelle interprétation de la convention est la plus conforme à l’intention commune des parties [2]. C’est un aspect important de l’arrêt, car il souligne le rôle actif du juge dans l’interprétation des conventions contractuelles.

Dans ce cas d’espèce, le juge de fond a joué un rôle crucial dans l’interprétation de la convention et la détermination de l’intention commune des parties.

Après que l’expert ait proposé différentes options d’évaluation correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties, le juge de fond a été chargé de rechercher la commune intention des parties et d’appliquer l’évaluation correspondante. Cela signifie que le juge a le pouvoir de déterminer quelle interprétation de la convention est la plus conforme à l’intention commune des parties.

Dans ce cas précis, la cour a constaté que la commune intention des parties avait été de ne pas modifier les principes appliqués de façon permanente lors de la comptabilisation des produits constatés d’avance par ces sociétés pour calculer la variation du prix de cession [3]. Cette constatation a été faite sur la base de l’interprétation de la convention par le juge de fond.

Par conséquent, le juge a décidé que les cessionnaires devaient payer aux cédants le complément de prix fixé par l’expert en application de la méthode comptable correspondante. Cette décision reflète l’interprétation de la convention par le juge de fond et sa compréhension de l’intention commune des parties.

Cela démontre le pouvoir du juge de fond dans l’interprétation de l’intention commune des parties et de la convention. Le juge de fond a non seulement le pouvoir de choisir parmi les options d’évaluation proposées par l’expert, mais aussi le pouvoir de déterminer l’intention commune des parties sur la base de son interprétation de la convention. Cela souligne l’importance du rôle du juge de fond dans la détermination du prix de cession des parts sociales.

Concernant de ce sujet, une décision du Conseil d’état du 9 juin 2020, inédite au recueil Lebon, a marqué une victoire pour la société Cofiroute dans son litige avec l’administration fiscale concernant le traitement des intérêts intercalaires dans le calcul de l’impôt sur les sociétés pour les exercices 2007, 2008 et 2009. Cette décision a mis en lumière l’importance de l’interprétation des conventions contractuelles, en espèce contrat de concession, dans la résolution des litiges [4].

Ces deux décisions mettent en évidence l’importance de l’interprétation des conventions contractuelles dans la résolution des litiges. Elles soulignent également le rôle crucial des experts et des juges dans ce processus. Les experts sont chargés d’appliquer les règles et modalités prévues par les conventions, tandis que les juges ont le pouvoir d’interpréter la commune intention des parties et de choisir l’évaluation qui reflète le mieux cette intention.

La problématique à examiner concerne la nécessité d’établir une distinction claire entre le rôle de l’expert et celui du juge, de manière à garantir une solution cohérente et conforme aux intérêts des parties impliquées.

C- L’harmonisation entre les propositions de l’expert et le pouvoir du juge pour déterminer le prix.

En ce qui concerne la détermination du prix, l’arrêt montre que le juge peut s’appuyer sur l’évaluation proposée par l’expert qui correspond le mieux à l’intention commune des parties. Cela signifie que le juge n’est pas lié par une seule évaluation, mais peut choisir parmi les options proposées par l’expert [5]. Cela donne au juge une certaine flexibilité pour déterminer le prix qui reflète le mieux l’intention commune des parties.

Dans ce cas d’espèce, la détermination du prix a été un point clé de la décision. Bien que l’expert ait été désigné pour évaluer le prix de cession des parts sociales conformément à l’article 1843-4 du Code civil, la décision finale concernant le prix a été prise par le juge de fond et non par l’expert.

L’expert a proposé différentes options d’évaluation correspondant aux interprétations de la convention respectivement revendiquées par les parties. Cependant, il n’a pas exprimé de préférence pour une option d’évaluation particulière. Il a simplement indiqué la méthode comptable qu’il aurait préconisée lors de l’établissement, par les sociétés concernées, de leurs comptes annuels.

Le rôle du juge de fond a été de rechercher la commune intention des parties et d’appliquer l’évaluation correspondante. Cela signifie que le juge a eu le pouvoir de déterminer quelle interprétation de la convention était la plus conforme à l’intention commune des parties.

Dans ce cas précis, la cour a constaté que la commune intention des parties avait été de ne pas modifier les principes appliqués de façon permanente lors de la comptabilisation des produits constatés d’avance par ces sociétés pour calculer la variation du prix de cession. Sur la base de cette constatation, le juge a décidé que les cessionnaires devaient payer aux cédants le complément de prix fixé par l’expert en application de la méthode comptable correspondante.

Cela démontre que, bien que l’expert joue un rôle important dans la proposition d’options d’évaluation, la décision finale concernant le prix est prise par le juge. Le juge s’appuie sur l’évaluation proposée par l’expert qui correspond le mieux à l’intention commune des parties pour déterminer le prix final. Cela souligne l’importance du rôle du juge dans la détermination du prix de cession des parts sociales.

En conclusion.

Cet arrêt met en évidence le rôle étendu de l’expert et le pouvoir du juge dans l’interprétation des conventions contractuelles et la détermination du prix dans le cadre des options proposées par l’expert. Il souligne également l’importance de l’intention commune des parties dans ces processus.

Peyman Dadras
Avocat au Barreau de Paris
Docteur en droit privé
Chargé des travaux dirigés en droit des sociétés à UPEC

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Notes de l'article:

[1Isabelle Prodhomme, Margaux Deuchler « Si l’expert de l’article 1843-4 du Code civil peut suggérer plusieurs prix, le juge doit trancher ». page 2, Gazette du Palais - numéro 20, 11.06.2024.

[2Arnaud Reygrobellet, « L’expert de l’article1843-4, II du Code civil peut déterminer deux prix… mais le juge doit choisir », page 3 numéro 13. Bulletin Joly Sociétés numéro 3, 01.03.2024.

[3Claire, Laveile, « Evaluation des droit sociaux : précisions sur les obligations respectives de l’expert et du juge », page 1,Lexis Veilles jurisprudence, F-B JuisData numéro 2024-000142.

[4Perine Cathalo, « Contestation de la valeur des droits sociaux : prise en compte des changements de méthode comptable », page 3, Lexbase, F-B numéro Lexbase : A 35492E8, page 2, 25.01.2024.

[5Sandrine Tisseyre, « Cession de titres sociaux et expertise : la méthode de calcul s’impose, si elle est claire ! »,Essentie droit des contrat s- n°4 - page 7, 07/04/2024.

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