Origine et contexte.
La loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (ci-après « SREN ») s’inspire de plusieurs travaux antérieurs. Elle s’appuie notamment sur les règlements européens DSA (Digital Services Act) et DMA (Digital Markets Act) adoptés en 2022, qui visent à mettre fin aux pratiques abusives des géants du numérique et font partie du « paquet numérique » européen.
La loi intègre également les résultats des travaux parlementaires concernant l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques [1] et les conclusions du rapport sur la souveraineté numérique [2]. Les consultations menées au sein du Conseil national de la refondation ont également influencé sa rédaction.
Le projet de loi avait été présenté au Conseil des ministres du 10 mai 2023 par Bruno Le Maire et par Jean-Noël Barrot, qui étaient respectivement à l’époque ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et ministre délégué chargé du numérique. Le texte a été définitivement adopté le 10 avril 2024 par l’Assemblée nationale, après l’accord atteint en commission mixte paritaire le 26 mars 2024 sur la version finale du projet de loi.
Les principales dispositions de la loi.
Une protection renforcée des mineurs.
La loi SREN introduit des mesures significatives pour protéger les mineurs des contenus pornographiques. En effet, 2 millions d’enfants [3] sont exposés chaque mois aux contenus pornographiques en ligne en France.
Pour que les contenus pornographiques mis à disposition au public en ligne ne puissent plus être accessibles aux mineurs, l’article 1er de la loi prévoit que les éditeurs de services de communication en ligne devront désormais mettre en place des dispositifs conforme à un référentiel de vérification d’âge, établi et publié par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), pour vérifier l’âge des utilisateurs et interdire l’accès aux mineurs. Aucun contenu pornographique ne pourra être affiché sur l’écran du site, tant que le contrôle de l’âge de l’utilisateur ne sera pas vérifié.
L’intervention du juge judiciaire ne sera plus nécessaire. En cas de non-conformité, les sanctions peuvent atteindre 150 000 euros ou 2% du chiffre d’affaires mondial hors taxes, voir le blocage du site ou le déréférencement sous 48 heures.
Pour renforcer encore la protection des mineurs, les hébergeurs ne supprimant pas les contenus pédopornographiques signalés par les autorités dans un délai de 24 heures s’exposent à une peine d’un an d’emprisonnement et à une amende de 250 000 euros (articles 4, 5 et 6). Cette exigence vise à renforcer la réactivité et l’efficacité des plateformes dans la lutte contre les contenus illégaux.
Une lutte contre le cyberharcèlement.
Le harcèlement par internet est appelé cyberharcèlement. Il s’agit d’un délit. Le cyberharcèlement (Voir l’article La répression du cyberharcèlement) consiste en des agissements malveillants répétés, dans un cadre public ou restreint, qui peuvent prendre différentes formes : intimidations, insultes, menaces, rumeurs, publication de photos ou vidéos compromettantes, etc.
Au regard de l’aggravation du risque de harcèlement causée par la facilitation de la communication qu’offre internet, des [mesures spécifiques sont nécessaires [4].
Une des innovations notables est la création d’une peine complémentaire de bannissement ou de suspension des réseaux sociaux pour les auteurs d’infractions de cyberharcèlement ou de « haine en ligne » (article 131-35-1 du Code pénal). Cette suspension peut aller jusqu’à six mois, avec une possibilité d’extension à un an en cas de récidive. De plus, le réseau social qui ne bloquerait pas le compte suspendu encourra une amende de 75 000 euros.
Autres mesures clés : retrait de contenus, deepfakes, et protection contre les arnaques en ligne.
La loi SREN introduit plusieurs mesures cruciales visant à renforcer la sécurité et l’intégrité de l’espace numérique en abordant diverses problématiques.
L’article 14 impose aux éditeurs de services en ligne, le retrait, dans un délai de 72 heures, des contenus diffusés par des individus soumis à des sanctions européennes. Cette mesure vise à limiter la propagation de la propagande nuisible.
De plus, la loi crée une nouvelle infraction pénale concernant les deepfakes. Ces contenus manipulés, générés par des algorithmes sans le consentement des personnes concernées, seront punis de peines allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement.
Pour lutter contre les arnaques en ligne et notamment les tentatives d’accès frauduleux aux coordonnées personnelles ou bancaires, un « filtre anti-arnaque » est instauré. Cette mesure oblige les fournisseurs de navigateurs à signaler les sites suspects, permettant ainsi aux autorités de prendre des mesures appropriées pour contrer les pratiques frauduleuses.
Enfin, la réglementation des jeux à objets numériques monétisables (JONUM) est renforcée afin de garantir leur intégrité et de protéger les joueurs. Ces dispositions assurent une approche globale pour un environnement numérique plus sûr et équitable.
La répartition des pouvoirs de contrôle.
La loi SREN clarifie les responsabilités des autorités françaises.
La CNIL est chargée de superviser les organisations en matière de données. L’ARCOM pourra, pour une période de deux ans et à titre expérimental, ordonner le retrait de contenus en ligne montrant des actes de barbarie, tout en informant les fournisseurs d’accès à Internet. Parallèlement, l’Autorité de la concurrence, le ministre de l’Économie et la DGCCRF seront responsables de l’application du Digital Markets Act.
La loi instaure un réseau national de coordination de la régulation des services numériques composé de l’ensemble des autorités administratives compétentes comme la CNIL et l’ARCOM…
Les défis dans la mise en œuvre de la loi SREN.
La mise en œuvre de la loi du 21 mai 2024 comporte plusieurs défis majeurs.
La complexité technique des nouvelles exigences, la nécessité de coopération internationale pour réguler les acteurs mondiaux, et les ressources nécessaires pour un suivi rigoureux sont des aspects cruciaux. Les entreprises devront adapter en profondeur leurs pratiques et systèmes, ce qui pourrait engendrer des coûts importants mais nécessaires pour assurer une meilleure sécurité et transparence.
Pour les utilisateurs, cette loi offre la promesse d’un environnement numérique plus sécurisé et respectueux de la vie privée, avec des protections renforcées visant à améliorer l’expérience en ligne et à diminuer les risques de désinformation et d’abus.