Modification du barème d’honoraires : vers un assouplissement inédit.

Par Fanny Quilan, Juriste.

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Explorer : # assouplissement des honoraires # barème des honoraires # mandataire immobilier # concurrence et prix

C’est dans un contexte tout à fait inattendu que l’arrêté du 26 janvier 2022, modifiant l’arrêté du 10 janvier 2017, a été publié au JO du 4 février 2022.
Les nouvelles mesures dont il fait écho seront applicables à partir du 1er avril 2022.

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Contexte : Rappel de problématique.

- En exposé il convient de rappeler qu’un agent commercial agit en qualité de Mandataire. Cela signifie, notamment, qu’un Mandant titulaire d’une carte professionnelle (un « agent immobilier ») donne a un Mandataire, qui l’accepte, mandat de le représenter prospecter, négocier, ou s’entremettre, au nom et pour son compte, dans la limite des textes législatifs (art.134-1 à 134-17 c. commerce) et réglementaires applicables, des dispositions du contrat de négociateur immobilier indépendant, ainsi que des mentions portées sur l’attestation d’habilitation délivrée par la C.C.I.

- A la seule exception des honoraires qui lui seront directement versés par le Mandant, le Mandataire n’est, à aucun moment et d’aucune manière, habilité à recevoir ou détenir des sommes d’argent, biens, effets ou valeurs, quelle qu’en soit la provenance, sous quelque forme et pour quelque raison que ce soit, non plus qu’à en disposer (1° de l’art.4 loi Hoguet). Ainsi qu’il est dit, le Mandataire ne peut recevoir de rémunération directement de la part du client avec lequel il n’est, en réalité (et malgré les apparences), pas lié contractuellement (CA Aix-en-Provence, 7 mai 2019 n°17/12723).

- Ainsi, seul le Mandant détenant le mandat, y compris lorsqu’il est obtenu par l’intermédiaire du Mandataire, est habilité à réaliser la transaction et percevoir une commission (conformément à l’art.72 décret d’application de la loi Hoguet).

- C’est précisément pour cette raison qu’un Mandataire est tenu de respecter le barème appliqué par son Mandant, ce dernier étant le seul lié contractuellement au client.

- Le barème ’unique’ suivant le titulaire de la carte professionnelle, les agents commerciaux ne peuvent proposer de barème d’honoraires distincts de ceux appliqués par le Mandant.

- Cette contrainte pose une véritable difficulté lorsque la dynamique du marché est différente selon le secteur couvert par le Mandataire.

A/ La DGCCRF : Précurseur d’un assouplissement à la condition de respecter l’obligation générale d’information précontractuelle du consommateur.

La DGCCRF étant régulièrement confrontée à ce cas de figure - la difficulté de faire application du barème du Mandant en raison de la dynamique de marché et des situations géographiques différentes des Mandataires - elle a admis une tolérance en ce que le Mandant pouvait proposer différents barèmes aux Mandataires à la condition que ces barèmes soient fondés sur des critères objectifs, telle que la localisation du bien ou encore le type de bien mis en vente (précision : il ne s’agit pas de barèmes multiples).

Ces barèmes avec critères objectifs, dès lors qu’ils sont affichés, répondent à l’objectif de l’arrêté du 10 janvier 2017 relatif à l’information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière imposant, plus particulièrement, que les tarifs appliqués soient affichés visiblement toutes taxes comprises, dans toutes les publicités et dans les agences, comme sur les mandats de vente, de façon à respecter l’obligation générale d’information précontractuelle du consommateur.

Cette tolérance fut d’autant mieux accueillie par les réseaux contrôlés, puisque la loi Hoguet datant de 1970, il était nécessaire d’adapter son esprit au paysage contemporain de l’immobilier, ainsi qu’à l’essor de nombreux réseaux de Mandataires (près de 50.000 agents Mandataires).

L’intérêt du consommateur était d’ailleurs préservé, voir défendu, grâce à la possibilité d’adapter les tarifs selon des critères objectifs.

C’est sans doute dans cet esprit et pour insister davantage sur le libre jeu de la concurrence et des prix, si favorable aux consommateurs, qu’un arrêté inédit a été publié (B).

B/ Inédit : Le ministre de l’économie, des finances et de la relance confirme cet assouplissement en publiant l’arrêté du 26 janvier 2022.

C’est dans un contexte tout à fait inattendu, en raison de l’arrêt du 24 janvier 2022 du Tribunal de Commerce de Paris contre le réseau i@d, que l’arrêté du 26 janvier 2022, modifiant l’arrêté du 10 janvier 2017, a été publié au JO du 4 février 2022.

Les nouvelles mesures inédites dont il fait écho seront applicables à partir du 1er avril 2022.

Cet arrêté est inédit, en ce qu’il modifie les articles 2 et 4 de l’arrêté du 10 janvier 2017 dans le sens d’un véritable assouplissement.

En effet, l’honoraire affiché au barème des honoraires du Mandant ne sera plus un honoraire « effectivement pratiqué » (s’entend ‘fixe’), mais un honoraire maximum de ses prestations afin de permettre aux consommateurs qui le souhaitent de négocier à la baisse le prix des prestations du professionnel titulaire de la carte professionnelle.

L’article 2 de l’arrêté du 10 janvier 2017 sera ainsi modifié (en gras les modifications applicables dès le 1er avril 2022) :
- « I. Les professionnels visés à l’article 1er sont tenus d’afficher les prix maximums pratiqués des prestations qu’ils assurent, notamment celles liées à la vente, à la location de biens et à la gestion immobilière, en indiquant pour chacune de ces prestations à qui incombe le paiement de cette rémunération » ;
« II. Les prix maximums des prestations doivent être indiqués toutes taxes comprises » ;
- « III. Lorsque ces prix maximums sont fixés en fonction de la valeur du bien vendu ou du montant du loyer, l’affichage prescrit au I du présent article doit indiquer le ou les montants prélevés, en précisant, le cas échéant, les tranches de prix maximums correspondantes, et faire apparaître tous les éléments permettant de calculer les prix maximums. Le cas échéant, une mention intelligible et figurant en caractère très apparents précise le caractère cumulatif des tranches entre elles ».

Je rappelle que cet arrêté ne revient pas sur les règles générales d’affichage du barème, ni même sur le principe selon lequel le Mandataire doit s’appliquer le barème d’honoraires du Mandant (le barème affiché est celui du titulaire de la carte professionnelle).

Toutefois cet arrêté fait état d’une ‘petite révolution’ puisqu’à compter du 1er avril 2022, les barèmes n’auront plus à correspondre aux honoraires « effectivement pratiqués », bien au contraire, ils correspondront désormais aux honoraires «  maximums  » que vous pourrez demander pour chaque type de prestations.

Pour le dire autrement, un Mandataire sera désormais libre d’accorder à ses clients des remises sur la part des commissions qui lui reviendra.

Exemple.

- Sur une tranche de prix De 150.001 euros à 250.000 euros le barème affiche un honoraire de 7% TTC :
- Le Mandataire n’aura plus l’obligation de prendre 7%,
- Bien au contraire il pourra prendre jusqu’à 7%, mais ne pourra prendre davantage sur cette tranche de prix,
- Sur cette tranche de prix le Mandataire pourra prendre l’honoraire qu’il souhaite, la limite maximum de sa rémunération étant de 7%.

Le Mandataire pourra donc négocier/fixer à la baisse sa commission au profit de l’acquéreur ou du vendeur, sans avoir à respecter d’autre condition que celle de ne jamais dépasser l’honoraire maximum indiqué.

Désormais, et à compter du 1er avril 2022, le professionnel dont la responsabilité aurait pu être mise en cause par des agents concurrents pour une telle pratique, n’encourra plus de risque de sanction de ce chef.

Au regard de ce qui précède on comprend que la remise par un agent commercial sur les commissions qui lui sont propres, sera bien autorisée à compter du 1er avril 2022 !

A savoir : Cet arrêté ne fait pas l’unanimité dans la profession en raison de l’idée qu’il propose : une liberté de commerce plus absolue que moins, puisqu’il offrira la possibilité de fixer des honoraires librement par le libre jeu de la concurrence (sans jamais dépasser l’honoraire maximum).

La déviance étant susceptible de se concrétiser par une pratique massive de réduction des honoraires, voir de négociations systématiques (risque de commissions au rabais...!)

Il sera donc intéressant de suivre sa mise en œuvre, son évolution, et probablement son ajustement dans le paysage immobilier contemporain, avant d’affirmer qu’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise disposition.

Affaire à suivre..

Fanny Quilan
Responsable juridique du réseau immobilier AXO

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Discussions en cours :

  • Bonjour et merci pour votre article.
    Je me pose une question, même si la réponse peut sembler évidente :
    Doit-on respecter le barème à la prise de mandat ? Puisqu’il s’agit d’un barème "maximum" je pense que l’on peut couper de 50% les honoraires à la prise du mandat.
    Car avant cet arrêté, nous étions censé respecter le barème à la prise de mandat et la baisse d’honoraire était tolérée uniquement à la négociation.
    Merci à vous

    • par QUILAN Fanny , Le 4 avril 2022 à 14:10

      Vous l’avez compris, vous pourrez prendre 30%, 50%, comme 100% de l’honoraire maximum indiqué sur votre barème pour une tranche de prix renseignée.
      Je déconseille les honoraires au rabais, mais encore une fois aucune règle ne vous l’interdira..

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