Dans cette affaire, la société pétitionnaire avait déposé une demande de permis de construire portant sur la réalisation de deux immeubles d’habitation. Alors que sa demande était en cours d’instruction, la société avait déposé, de façon spontanée, de nouvelles pièces qui modifiaient la demande initiale en portant, d’une part, sur l’implantation d’un ouvrage d’art et, d’autre part, sur l’insertion paysagère du parking.
La mairie a refusé d’accorder le permis de construire.
La société requérante soutenait toutefois être bénéficiaire d’un permis tacite, les pièces produites de façon spontanée ne devant pas, selon elle, être vues comme ayant prolongé le délai d’instruction.
Le Tribunal administratif de Nice puis la Cour administrative de Marseille ont suivi ce raisonnement et annulé la décision de refus de permis de construire comme devant être analysée comme une décision de retrait de permis tacite, soumise donc à une procédure contradictoire préalable.
La commune a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Le Conseil d’État censure la solution retenue par les juridictions du fond.
Selon lui, en l’absence de dispositions expresses du Code de l’urbanisme y faisant obstacle, il est loisible à l’auteur d’une demande de permis de construire d’apporter à son projet, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite, des modifications qui n’en changent pas la nature, en adressant une demande en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié.
Cette demande est en principe sans incidence sur la date de naissance d’un permis tacite.
Toutefois, lorsque du fait de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, leur examen ne peut être mené à bien dans le délai d’instruction, compte tenu notamment des nouvelles vérifications ou consultations qu’elles impliquent, l’autorité compétente en informe par tout moyen le pétitionnaire avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, en lui indiquant la date à compter de laquelle, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée.
L’administration est alors regardée comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception par l’autorité compétente des pièces nouvelles et intégrant les modifications introduites par le pétitionnaire.
Il appartient le cas échéant à l’administration d’indiquer au demandeur, dans le délai d’un mois prévu par l’article R423-38 du Code de l’urbanisme, les pièces manquantes nécessaire à l’examen du projet ainsi modifié.
Autrement dit, lorsque le pétitionnaire dépose des pièces nouvelles en cours d’instruction du permis, il appartient à la mairie d’apprécier l’ampleur des modifications apportées au projet.
Si les modifications sont de nature à changer la nature de la demande initiale, elles ne peuvent faire l’objet d’une demande en cours d’instruction. Le pétitionnaire devra dans cette hypothèse déposer un dossier complet de demande.
Si les modifications sont mineures, le délai d’instruction opposé lors du dépôt de la demande initiale demeure en vigueur et un permis tacite pourra donc intervenir à son expiration.
En revanche, si les modifications sont majeures, le service instructeur devra se comporter comme ayant réceptionné une nouvelle demande : il devra en avertir le pétitionnaire avant la fin du délai initial et disposera d’un nouveau délai d’un mois pour solliciter des pièces complémentaires.
Pour apprécier l’ampleur des modifications apportées au projet, le service instructeur devra se fonder, selon le Conseil d’État, sur leur objet, leur importance ou la date à laquelle les modifications ont été présentées, compte tenu notamment (mais pas exclusivement) des nouvelles vérifications ou consultations qu’elles impliquent.
En l’espèce, le Conseil d’État estime que les pièces présentées spontanément par la société pétitionnaire devaient conduire la commune à rechercher si ces modifications, compte tenu de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle elles avaient été présentées, pouvaient être prises en compte dans le délai qui lui était imparti pour se prononcer sur la demande initiale ou, à défaut, d’informer le pétitionnaire qu’elles avaient pour effet d’ouvrir un nouveau délai d’instruction de la demande ainsi modifiée.
Bien que cet arrêt semble davantage consacrer une pratique administrative existante que constituer une véritable révolution jurisprudentielle, il n’en demeure pas moins que ce mode d’emploi permet de clarifier l’attitude de l’administration, qui s’en sort avec un important pouvoir d’appréciation pour faire durer - ou non - l’instruction d’une demande de permis de construire.
Discussion en cours :
Bonjour Maître,
Je vous remercie pour cet article.
Je pense que c’est la cour administrative de Marseille qui s’est prononcée sur l’appel du TA de Nice.
Pourriez-vous en outre rajouter les références de la décision, s’il-vous-plaît ?
Bien à vous,
KO