Les travaux réalisés sur le terrain voisin me causent des préjudices : que puis-je faire ?

Par Emma Verdier-Villet, Avocat.

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Explorer : # recours contre le permis de construire # troubles anormaux de voisinage # indemnisation # urbanisme

"C’était un petit jardin ; qui sentait bon le Métropolitain. De grâce, de grâce, monsieur le promoteur ; de grâce, de grâce, ne coupez pas mes fleurs ..." [1].
Le panneau d’affichage installé sur la voie publique vous apprend qu’une nouvelle construction va être bâtie sur le terrain voisin de votre propriété. Ce nouveau bâtiment vous causera nécessairement des préjudices importants : perte d’ensoleillement, perte d’intimité, création de vues, dépréciation de la valeur vénale de votre bien… Quels sont vos moyens d’action contre cette construction ?

-

I.- Recours contre le permis de construire (ou la déclaration préalable) autorisant la construction.

Il est d’abord envisageable de contester l’autorisation d’urbanisme accordée au voisin.

Seules les personnes disposant d’un intérêt à agir peuvent critiquer l’autorisation : c’est le cas lorsque le projet autorisé est de nature à « affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien que ces personnes occupent ».

Il faut ensuite critiquer le permis de construire ou la déclaration préalable au regard des règles d’urbanisme, la plupart du temps contenues dans le plan local d’urbanisme de la commune. Les règles de droit privé (servitudes, préjudices privés…) ne sont pas prises en compte à ce stade.

La critique de l’autorisation d’urbanisme peut prendre deux formes.

Le recours gracieux est un courrier adressé au maire demandant le retrait de l’autorisation tandis que le recours contentieux consiste à saisir directement le Tribunal administratif.

Pour être recevables, ces recours doivent être formés dans un délai de deux mois à compter du premier jour d’affichage de l’autorisation sur le terrain qui supporte les travaux et doivent être notifiés au bénéficiaire du permis de construire ou de la déclaration préalable.

L’objectif est d’obtenir l’annulation du permis de construire ou de la déclaration préalable. En revanche, le juge du Tribunal administratif n’est pas compétent pour vous indemniser du fait des atteintes que vous devez subir en raison de la construction, les droits des tiers relevant de la compétence du Tribunal judiciaire.

II.- Action en indemnisation fondée sur les troubles anormaux de voisinage.

La théorie des troubles anormaux de voisinage est une création prétorienne qui repose sur le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ». En application de cette théorie, le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est limité par l’obligation qu’il a de ne pas causer à autrui un dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Concrètement, les tribunaux estiment que les préjudices causés par la construction (perte de temps d’ensoleillement, dépréciation de la valeur vénale, perte d’intimité….) peuvent être indemnisés dès lors qu’ils causent un trouble anormal, quand bien même l’autorisation d’urbanisme serait légale.

Il convient toutefois de démontrer que le préjudice subi excède les « inconvénients normaux, habituels et ordinaires » inhérents au voisinage. Ce caractère excessif est apprécié selon les circonstances de temps et de lieu. Ainsi, un trouble peut être anormal dans un espace préservé de l’urbanisation et ne pas être indemnisé lorsqu’il prend place dans une zone dense.

Il est conseillé de réaliser une analyse de l’opportunité d’un recours fondé sur cette théorie avant la saisine du tribunal judiciaire.

Emma Verdier-Villet
AGN Avocats
Avocat au barreau de Paris

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[1J. Dutronc.

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 18 avril 2023 à 16:29
    par Monique Souilhat , Le 18 avril 2023 à 11:38

    Maitre, Comme vous l’indiquez l’a declation de travaux est examinée par les services municipaux d’Urbanisme, et une éventuelle contestation releve de la compétence du Maire. Cependant un coloti ayant intente une action devant la juridiction civile en invoquant Le non-respect du cahier des charges inclus dans les actes notariés d’achat des parcelles, ( lequel comportait le plan des constructions autorisées, l’interdiction de division des parcelles à titre perpetuel et d’autres dispositions relevant du droit civil), les autres colotis, - ayant construit sans grande publicité envers les autres (" ils l’ont fait pourquoi pas moi ?) - ont demandé l’annulation du lotissement sans concertation des opposante (2)afin de se mettre à l’abri de toute éventuelle action. Remplissant lescondions de recevabilite edictees par le code l’Urbanisme, sans toutefois avoir fait l’objetd’une enquete, leur demande à ete acceptee. N’ont-ils pas oublié que les disposions d’ordre civil ne peuvent être annulées par le maire, lequel commettrait alors un exces de pouvoir relevant de la juridiction administrative,et que seule l’unanimité des colotis permettrait cette annulation ? POURRIEZ-vous me faire connaitre, aux fins de simple information votre avis sur ce point ?
    Avec mes remerciements je vous prie d’agrée, Maitre, mon respectueux souvenir.

    .

    • par Emma Verdier-Villet , Le 18 avril 2023 à 16:29

      Bonjour Madame,
      Le lotissement obéit à une règlementation particulière. Pour vous répondre de façon complète, il faudrait que je puisse analyser les documents que vous citez.
      N’hésitez pas à prendre rendez-vous en ligne, nous pouvons en discuter par téléphone ou en visio (choisissez Paris 8 - Haussmann - Droit administratif : https://www.agn-avocats.fr/avocats-particuliers/avocat-droit-administratif-pour-les-particuliers/).
      Bien cordialement,

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