La cour relève à cet égard que l’ensemble des éléments fournis par Celine :
- « Démontrent que les modèles précités sont des produits phares de la société Celine, bénéficient d’une certaine notoriété et constituent ainsi des valeurs économiques individualisées, ce quand bien même la société Celine ne fournit pas les chiffres des ventes pour chacun d’entre eux »
- « Si les comparaisons des modèles en cause opérées ci-avant, font que ces reprises, prises individuellement, ne sont pas en soi fautives, les modèles Mango sont toutefois très inspirés des modèles commercialisés par la société Celine et sont pour la plupart commercialisés peu après leur présentation lors d’un défilé (cuissardes, boucles d’oreilles Reef, lunettes Edge, sac Big Bag) ou peu après leur lancement et mises en avant dans la presse à cette occasion (sacs 16 notamment) »
- « Enfin, les modèles repris par les sociétés appelantes sont pour la plupart issus d’une même collection... caractérisant ainsi un effet de gamme ... »
- « Ces reprises répétées par les sociétés Punto Fa et Mango France de produits à succès de la société Celine ne peuvent être considérées comme fortuites, celles-ci tendent à générer une évocation des produits de la société Celine dans l’esprit de leur clientèle, et ainsi à profiter sans bourse délier des investissements et de la notoriété des articles de la société Celine pour vendre leurs propres produits, les circonstances que les produits portent la marque Mango ou n’aient pas rencontré une réussite commerciale étant indifférentes à écarter les actes fautifs ».
Outre le montant conséquent des dommages et intérêts, cet arrêt comporte plusieurs enseignements pratiques intéressants :
1. Le Tribunal de commerce de Paris saisi en première instance n’a pas été déclaré incompétent au profit du Tribunal judiciaire de Paris alors que les articles invoqués étaient sans doute protégeables par des droits d’auteur, voire de modèles. Pourtant, pour mémoire, cette question de compétence matérielle est assez délicate, la Cour de cassation ayant notamment déjà jugé que seul le tribunal judiciaire était compétent, même si seuls des faits de concurrence déloyale et parasitaire étaient invoqués, dès lors que comme en l’espèce « le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est incriminée n’est pas une condition de son bien-fondé, mais un facteur susceptible d’être pertinent pour l’examen d’un risque de confusion » [2]. Toutefois, il semble qu’en l’espèce Mango n’ait pas soulevé cette exception d’incompétence.
2. La cour d’appel retient que la juridiction française est compétente non seulement pour statuer sur les faits commis en France par la société Mango France et la holding espagnole Punto FA (solution classique), mais encore qu’elle l’est également pour statuer sur l’intégralité du préjudice résultant des actes de parasitisme commis par Punto FA sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne (ce qui est surprenant en l’absence de titre européen comme une marque ou un modèle communautaire), et ce au motif suivant : « en l’absence d’harmonisation de la concurrence déloyale et parasitaire au sein de l’Union, il existe un risque de décisions inconciliables si les demandes étaient jugées séparément. En conséquence, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la juridiction française saisie est compétente pour connaître de l’entier litige et partant pour statuer sur l’intégralité du préjudice résultant des actes de parasitisme y compris ceux commis dans l’Union européenne comme sollicité par la société Celine ».
3. Celine invoquait de nouveaux modèles en cause d’appel, sortis par Mango en cours de procédure, et Mango demandait à ce que ces derniers soient écartés des débats comme étant des prétentions nouvelles. La cour admet la recevabilité de ces nouveaux modèles au motif que ces derniers constituent seulement « de nouveaux moyens de preuve proposés devant la cour pour justifier les prétentions au titre des actes de parasitismes présentés aux premiers juges ce quand bien même la société Celine sollicite l’allocation de dommages et intérêts plus importants que ceux demandés en première instance ».