Extrait du Dossier JO

Paris 2024 : des propriétés olympiques à toute épreuve.

Par Philippe Rodhain, Conseil en propriété industrielle et Agathe Tropée, Juriste en propriété intellectuelle.

1504 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # propriétés olympiques # protection juridique # marketing sauvage

Le compte à rebours pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 est enclenché et la France, pays hôte, s’affaire à l’organisation de cet évènement mondial, célébrant l’esprit de compétition et d’unité des nations. Au-delà des exploits sportifs, des enjeux juridiques majeurs émergent, tout particulièrement, en matière de protection et d’exploitation des propriétés olympiques (anneaux, de la devise, du drapeau, des termes « olympique », « olympiens »…).

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En effet, cette édition 2024 est une véritable aubaine économique pour la France, ainsi que pour les entreprises nationales qui espèrent bénéficier des retombées lucratives et de la visibilité mondiale offertes par cet évènement.

Dans un contexte économique dynamique et concurrentiel, certains opérateurs capitalisent, d’ores et déjà, sur l’aura des Jeux Olympiques et Paralympiques, à coups de publications sur les réseaux sociaux, de campagnes publicitaires ou d’événements promotionnels. Toutefois, si certains jouissent du statut de partenaires officiels des Jeux Olympiques et Paralympiques, d’autres commettent en réalité des actes de « marketing sauvage ».

L’organisation de ces jeux repose sur le financement d’entreprises privées, lesquelles sont, en contrepartie, contractuellement autorisées à faire usage des propriétés olympiques dans le cadre de leur activité. Afin de garantir l’exclusivité accordée aux partenaires officiels, le Comité International Olympique (Ci-après « CIO ») et le Comité National Olympique et Sportif Français (Ci-après « CNOSF ») se doivent de veiller à protéger l’ensemble des propriétés olympiques contre tous les agissements non autorisés.

Les boucliers légaux des propriétés olympiques.

La protection des propriétés olympiques est assurée par plusieurs dispositifs légaux.

La Charte Olympique [1] codifie les principes fondamentaux de l’olympisme et présente notamment, en son article 7, les Propriétés olympiques : « le symbole, le drapeau, la devise, l’hymne, les identifications (y compris, mais sans s’y restreindre,"Jeux Olympiques" et "Jeux de l’Olympiade"), les désignations, les emblèmes, la flamme et les flambeaux (ou les torches) olympiques ».

En France, les Jeux Olympiques et Paralympiques font l’objet d’une disposition légale spécifique. En effet, l’article 141-5 du Code du sport énonce que la propriété des emblèmes olympiques nationaux appartient au CNOSF et qu’à ce titre, il est dépositaire notamment du symbole olympique, du millésime des éditions “ville + année”, des termes “jeux Olympiques”, “olympisme” et “olympiade” ou encore, du sigle “JO”.

Cet article ajoute que :

« le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d’imiter, d’apposer, de supprimer ou de modifier les éléments et les termes mentionnés au I ou leurs traductions, sans l’autorisation du Comité national olympique et sportif français, est puni des peines prévues aux articles L716-9 à L716-13 du code de la propriété intellectuelle ».

Bien que les sanctions relèvent du Code de la propriété intellectuelle, leur application ne nécessite ni titre de propriété industrielle, ni démonstration d’un risque de confusion entre la Propriété Olympique invoquée et le signe litigieux. La protection des Propriétés Olympiques, accordée par cet article, apparaît absolue.

Cette disposition spécifique ne peut toutefois être invoquée auprès de l’INPI, les dispositions du Code de la propriété intellectuelle demeurant le seul fondement possible.

Le CIO et le CNOSF sont titulaires, notamment sur les territoires français et de l’Union européenne, de nombreuses marques, couvrant une large gamme de produits et services et de plusieurs dessins et modèles enregistrés.

Quelques exemples :

La défense active des propriétés olympiques.

Avec leurs atouts légaux en poche, le CIO et le CNOSF sont pleinement actifs dans la défense des Propriété Olympiques. En effet, les décisions rendues, notamment par l’EUIPO et l’INPI, sont particulièrement fournies.

Il en ressort que la reprise de la séquence verbale d’attaque OLYMP au sein d’une demande de marque emporte régulièrement son rejet par l’Office des marques.

À titre illustratif, l’existence d’un risque de confusion entre la demande contestée Olymp Events et la marque antérieure OLYMPIC a été retenue par l’INPI, dans la mesure où, elles étaient composées de la séquence d’attaque OLYMP, emportant des ressemblances visuelles et phonétiques, et faisaient pareillement référence aux Jeux Olympiques [2].

Les décisions d’opposition relevant de la protection des Anneaux olympiques sont, quant à elles, plus contrastées. L’EUIPO a pu retenir l’absence de risque de confusion entre les Anneaux Olympiques et la demande contestée "Link Heats By Love" au motif, notamment, que le positionnement de formes différentes ne peut conduire à une similitude des signes en cause [3].

Toutefois, dans des occurrences semblables, L’EUIPO et l’INPI ont respectivement rejeté les demandes de marques de l’Union européenne World Edu [4] et française Olympack [5], compte tenu notamment du risque de confusion avec les Anneaux Olympiques.
Ces décisions favorables sont également un argument de poids pour transiger amiablement.

Au-delà des actions menées à l’encontre des dépôts de marques contrefaisants, le CIO et le CNOSF sont également particulièrement actifs vis-à-vis d’agissements frauduleux sur internet.

Dans le cadre d’actions judiciaires en France, le CNOSF invoque, ensemble, l’article L. 141-5 du Code du sport (i), les dispositions du Code de la propriété intellectuelle – particulièrement l’article L711-3 portant notamment sur les marques notoires (ii) et enfin, l’article 1240 du Code civil tenant au parasitisme (iii). C’est une défense des Propriétés Olympiques imparable.

Ainsi, le loueur de voiture Sixt a été assigné, devant le Tribunal judiciaire, par le CNOSF suite au jeu concours posté sur ses réseaux sociaux et associé à la phrase : « C’est parti pour les #JeuxOlympiques ! #JeuxOlympiques #JO2018 @Jeuxolympiques ».
Les juges judiciaires ont reconnu que Sixt avait porté « atteinte aux expression JO et Jeux Olympiques, tant sur le fondement de l’article L141-5 du Code du sport que de celui de la protection due aux marques notoires » et avait commis des « actes de parasitisme en ce que l’utilisation de référence aux symboles olympiques et à l’univers des jeux pour des opérations de communication commerciale est autorisé par le CNOSF en contrepartie d’investissement consentis par les opérateurs économiques, dans le cadre de partenariats onéreux leur assurant une exclusivité » [6].

Enfin, si le droit à l’information a pu être invoqué, il est important de rappeler qu’il bénéficie aux médias. Ces derniers peuvent ainsi exploiter les Propriétés olympiques dans le cadre de leur activité de diffusion de cet évènement mondial.

À titre illustratif, la société bancaire CIC, qui avait posté sur ses réseaux sociaux le message : « En route pour les JO d’hiver #PyeongChang2018 ! », n’a pu se prévaloir du droit à l’information en défense de l’action initiée par le CNOSF.
En effet, le Tribunal de Grande Instance a précisé dans son jugement que :

« si les Jeux Olympiques constituent […] un événement mondial à caractère exceptionnel auquel il peut être fait référence dans le cadre de la liberté d’expression et d’information, il y a lieu de considérer que le CIC, qui exerce une activité commerciale de services bancaires et d’assurances, n’a pas vocation à communiquer sur l’actualité générale ou dans un but d’intérêt général sur ses comptes Twitter et Facebook qui sont destinés à assurer sa visibilité sur les réseaux sociaux » [7].

Finalement, l’opérateur qui dépose à titre de marque ou fait usage d’un signe reprenant ou approchant une Propriété Olympique, à des fins commerciales ou promotionnelles, sans jouir de la qualité de Partenaire officiel, commet un agissement non autorisé susceptible d’être condamné. Il s’expose alors à une réaction des CIO et CNOSF, particulièrement actifs dans la défense de leurs droits, et manquera a priori d’arguments face à la multiplicité des fondements juridiques dont disposent ces comités.

Dès lors, avant de surfer sur cet évènement mondial, il importe de vous assurer de l’absence d’atteinte aux Propriétés olympiques. Les Comités Olympiques veillent !

Philippe Rodhain, Conseil en propriété industrielle
Agathe Tropée, Juriste en propriété intellectuelle
IP Sphere

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Notes de l'article:

[2INPI, décision d’opposition n°OPP22-0855 du 2 septembre 2022

[3EUIPO, décision d’opposition n°B3157322 du 14 janvier 2023

[4EUIPO, décision d’opposition n°B3102190, du 5 mai 2021.

[5INPI, décision d’opposition n° OPP 06-1302 du 25 octobre 2006

[6Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 2ème section, décision n°18-14115 du 29 mai 2020.

[7Tribunal de Grande Instance, 3ème chambre 3ème section, décision n° RG 18/08940 du 25 octobre 2019.

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