Le dépôt de plainte s’est, à l’heure du Numérique, de l’univers, dématérialisé qu’inévitablement, il impacte notre société au point de bouleverser nos modes de vie.
Pour rappel, deux décrets sont intervenus sur la question : d’une part, le décret n°2024-139 du 23 février 2024 relatif au dépôt de plainte par voie de télécommunication audiovisuelle que nous avions commenté pour cette revue (La visioplainte fait son entrée dans le Code de procédure pénale) et d’autre part, le décret n° 2024-478 du 27 mai 2024 portant autorisation d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « plainte en ligne » (PEL).
Le décret n° 2024-563 du 18 juin 2024 relatif au champ infractionnel des plaintes adressées par voie électronique et aux modalités du recours à un outil de traduction automatique dans le traitement des plaintes adressées par voie électronique a été publié au Journal Officiel du jeudi 20 juin 2024. Il complète les deux autres textes précédents.
Ce texte liste les infractions pour lesquelles il est possible d’adresser une plainte par voie électronique.
Il définit en outre les modalités de mise en œuvre, pour les officiers et agents de police judiciaire du ministère de l’Intérieur, d’une traduction automatique des champs libres rédigés en langue étrangère par une victime déposant plainte via un téléservice.
I - Les infractions visées.
L’article 1 du décret modifie l’article D8-2-1 du Code de procédure pénale en listant les infractions pour lesquelles les victimes peuvent déposer par voie électronique par le biais des services « plainte en ligne ».
Il vise trois types de délits et un type de contraventions.
- En premier lieu, les délits d’appropriations frauduleuses prévus et réprimés aux articles 311-1 à 314-13 du Code pénal.
Par contre, sont expressément exclues de ce champ les infractions suivantes :
Celles prévues et réprimées à l’article 311-4-2 du Code pénal : il s’agit du vol puni de 7 ans de prison et de 100 000 euros d’amende lorsqu’il porte sur un objet mobilier classé, une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement ou d’un bien culturel qui relève du domaine public mobilier ou qui est exposé, conservé ou déposé, même de façon temporaire, soit dans un musée de France, une bibliothèque, une médiathèque ou un service d’archives, soit dans un lieu dépendant d’une personne publique ou d’une personne privée assurant une mission d’intérêt général, soit dans un édifice affecté au culte.
Celles prévues et réprimées à l’article 313-6 du Code pénal : il sanctionne de 6 mois d’emprisonnement et de 22 500 euros d’amende le fait, dans une adjudication publique, par dons, promesses, ententes ou tout autre moyen frauduleux, d’écarter un enchérisseur ou de limiter les enchères ou les soumissions, est puni. Est puni des mêmes peines le fait d’accepter de tels dons ou promesses, le fait, dans une adjudication publique, d’entraver ou de troubler la liberté des enchères ou des soumissions, par violences, voies de fait ou menaces et le fait de procéder ou de participer, après une adjudication publique, à une remise aux enchères sans le concours de l’officier ministériel ou du courtier de marchandises assermenté compétent ou d’un opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques déclaré.
Celles prévues et réprimées à l’article 313-6-1 du Code pénal : il punit de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, le fait de mettre à disposition d’un tiers, en vue qu’il y établisse son habitation moyennant le versement d’une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l’autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage de ce bien.
Celles prévues et réprimées à l’article 314-5 du Code pénal : il réprime de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende le fait par un débiteur, un emprunteur ou un tiers donneur de gage, de détruire ou de détourner l’objet constitué en gage.
Celles prévues et réprimées à l’article 314-6 du Code pénal : il punit de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende le fait, par le saisi, de détruire ou de détourner un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d’un créancier et confié à sa garde ou à celle d’un tiers
Celles prévues et réprimées à l’article 314-7 du Code pénal : il réprime et punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, le fait, par un débiteur, même avant la décision judiciaire constatant sa dette, d’organiser ou d’aggraver son insolvabilité soit en augmentant le passif ou en diminuant l’actif de son patrimoine, soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de ses biens, en vue de se soustraire à l’exécution d’une condamnation de nature patrimoniale prononcée par une juridiction répressive ou, en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d’aliments, prononcée par une juridiction civile.
Celles prévues et réprimées à l’article 314-8 du Code pénal qui permet à la juridiction de décider que la personne condamnée comme complice de l’infraction définie à l’article 314-7 du Code pénal précitée soit tenue solidairement, dans la limite des fonds ou de la valeur vénale des biens reçus à titre gratuit ou onéreux, aux obligations pécuniaires résultant de la condamnation à l’exécution de laquelle l’auteur de l’infraction a voulu se soustraire.
Celles prévues à l’article 314-9 du Code pénal qui pour l’application de l’article 314-7 précité, prévoient que les décisions judiciaires et les conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage sont assimilées aux condamnations au paiement d’aliments.
- En deuxième lieu, les délits de destructions, dégradations et détériorations prévus et réprimées aux articles 322-1 à 322-18 du Code pénal.
Par contre, sont expressément exclues de ce champ les infractions suivantes :
Celles prévues au 3° de l’article 322-3 du Code pénal : il s’agit de faits de destruction, de dégradation ou de détérioration d’un bien lorsqu’elle est commise au préjudice d’un magistrat, d’un juré, d’un avocat, d’un officier public ou ministériel, d’un militaire de la gendarmerie, d’un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’administration pénitentiaire ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, en vue d’influencer son comportement dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.
Celles prévues à l’article 322-3-1 du Code pénal : il punit de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende lorsque les faits de destruction, de dégradation ou de détérioration porte sur un immeuble ou objet mobilier classé ou inscrit en application des dispositions du Code du patrimoine ou un document d’archives privées classé en application des dispositions du même code, un patrimoine archéologique, un bien culturel qui relève du domaine public mobilier ou qui est exposé, conservé ou déposé, même de façon temporaire, soit dans un musée de France, une bibliothèque, une médiathèque ou un service d’archives, soit dans un lieu dépendant d’une personne publique ou d’une personne privée assurant une mission d’intérêt général, soit dans un édifice affecté au culte ou un édifice affecté au culte.
Celles prévues à l’article 322-3-2 du Code pénal : il réprime de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait d’importer, d’exporter, de faire transiter, de transporter, de détenir, de vendre, d’acquérir ou d’échanger un bien culturel présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique en sachant que ce bien a été soustrait d’un territoire qui constituait, au moment de la soustraction, un théâtre d’opérations de groupements terroristes et sans pouvoir justifier la licéité de l’origine de ce bien.
Celles prévues à l’article 322-14 du Code pénal : il punit de 2 ans d’emprisonnement et de 200 000 euros d’amende, le fait de communiquer ou de divulguer une fausse information dans le but de faire croire qu’une destruction, une dégradation ou une détérioration dangereuse pour les personnes va être ou a été commise.
- En troisième lieu, le délit de fuite et réprimé à l’article 434-10 du Code pénal.
- Enfin en quatrième lieu, les contraventions contre les biens prévues et réprimées par les cinq articles suivants :
Article R631-1 du Code pénal : fait de menace de commettre une destruction, une dégradation ou une détérioration n’entraînant qu’un dommage léger, lorsqu’elle est soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet.
Article R632-1 du Code pénal : fait de déposer, dans des conteneurs, poubelles ou bennes adaptés aux déchets ou aux emplacements désignés à cet effet pour ce type de déchets par l’autorité administrative compétente, des ordures, déchets, matériaux ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, en vue de leur enlèvement par le service de collecte, sans respecter les conditions fixées par cette autorité, notamment en matière d’adaptation du contenant à leur enlèvement, de jours et d’horaires de collecte, ou de tri des ordures.
Article R634-1 du Code pénal : menace de commettre une destruction, une dégradation ou une détérioration ne présentant pas de danger pour les personnes, lorsqu’elle est soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet.
Article R635-1 du Code pénal : destruction, dégradation ou détérioration volontaires d’un bien appartenant à autrui dont il n’est résulté qu’un dommage léger, R635-2 (fait d’adresser à une personne, sans demande préalable de celle-ci, un objet quelconque accompagné d’une correspondance indiquant que cet objet peut être accepté contre versement d’un prix fixé ou renvoyé à son expéditeur, même si ce renvoi peut être fait sans frais pour le destinataire).
Article R635-8 du Code pénal : fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l’exception des emplacements désignés à cet effet par l’autorité administrative compétente, soit une épave de véhicule, soit des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, lorsque ceux-ci ont été transportés avec l’aide d’un véhicule, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation.
II - Le droit à la compréhension de la langue française.
L’article 2 du décret ajoute des dispositions nouvelles après le dernier paragraphe de l’article D8-2-2 du Code de procédure pénale qui institue pour la voie d’une plainte dématérialisée un droit à la compréhension au profit de la victime qui ne comprend pas le français.
Il prévoit ainsi que si la victime indique ne pas comprendre la langue française, elle est informée qu’elle a le droit d’être assistée d’un interprète.
Si elle souhaite exercer ce droit, elle doit être orientée vers un service de police ou une unité de gendarmerie afin que sa plainte soit reçue.
Par contre, si la victime renonce à ce droit, elle a accès à une interface lui permettant de réaliser sa démarche dans une des langues proposées par le téléservice utilisé.
Elle reçoit à cet effet les informations indispensables à l’exercice de ses droits dans la langue choisie au moment de la validation de sa déclaration.
Dans cette optique, les officiers ou agents de police judiciaire sont autorisés à recourir à l’outil de traduction automatique mis en œuvre par le téléservice utilisé.
Nous relevons présentement que ces procédés de traduction vont recourir de plus à plus à l’Intelligence Artificielle dans les procédures d’audition.
Il doit être fait mention dans le procès-verbal de recueil de plainte des éléments résultant du recours à l’outil de traduction automatique.
Les éléments rédigés par la victime dans la langue choisie doivent être annexés au procès-verbal.
Par ailleurs, il est prévu, sans préjudice des dispositions de l’article D594-6 et D594-13, la possibilité pour le procureur de la République, la juridiction d’instruction ou la juridiction de jugement saisie la possibilité d’ordonner d’office, à la demande de la partie civile ou d’une personne mise en cause, la traduction en langue française des pièces de procédure contenant des informations considérées comme essentielles au bon déroulement de la procédure, à l’exercice des droits de la partie civile ou d’une personne mise en cause par une personne désignée dans les conditions prévues à l’article D594-16 du Code de procédure pénale (conditions dans lesquelles sont désignés les interprètes ou traducteurs).
Les dispositions de ce décret entrent en vigueur à compter du vendredi 21 juin 2024.