Scrutin européen : entre réalités territoriales françaises et place de l’Europe dans le monde ?

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La loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 a créé une circonscription unique pour les élections européennes en France. Cependant, en 2003, la loi n° 2003-327 a créé huit circonscriptions territoriales pour rapprocher les députés européens de leurs électeurs. Le législateur est ensuite revenu à une circonscription unique pour les élections européennes. L'article souligne également l'importance et le poids de l'Union européenne sur la scène mondiale, tant en termes de population que de PIB. Cependant, les défis mondiaux actuels, tels que l'intelligence artificielle, mettent en évidence le retard de l'Europe par rapport aux États-Unis et à la Chine.
Description rédigée par l'IA du Village

Les élections européennes se dérouleront en deux phases à 24 heures de différence sur le territoire français. Elles se tiendront ainsi le samedi 8 juin 2024 pour la Polynésie française, la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon et le dimanche 9 juin 2024 pour la France hexagonale, la Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna. C’est la conséquence lorsque l’on est le pays ayant le grand nombre de fuseaux horaires au monde, soit 23 heures. Cette élection se fait sur un mode de scrutin dont la circonscription a varié.

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I - Représentation territoriale/nationale.

La loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen avait créé une circonscription unique. Ce mode de scrutin a été appliqué à cinq reprises pour les élections européennes qui se sont déroulées en 1979, 1984, 1989, 1994 et 1999.

Cependant, ce mode de scrutin sur la base d’une unique circonscription a été modifié par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques qui a créé huit circonscriptions :

1. Celle du Nord-Ouest comprenant les territoires de Basse-Normandie, de Haute-Normandie, du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie.

2. Celle de l’Ouest comprenant les territoires de Bretagne, du Pays de la Loire, de Poitou-Charentes.

3. Celle de l’Est comprenant les territoires d’Alsace, de Bourgogne, de Champagne-Ardenne, de Franche-Comté et de Lorraine.

4. Celle du Massif central - Centre comprenant les territoires d’Auvergne, du Centre et du Limousin.

5. Celle du Sud-Ouest comprenant les territoires d’Aquitaine, de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées.

6. Celle du Sud-Est comprenant les territoires de Corse, de la Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Rhône-Alpes.

7. Celle de l’Île-de-France comprenant les territoires d’Île-de-France et les Français de l’étranger.

8. Celle des Outre-Mer qui est depuis 2007 répartie en trois sections : la Section Atlantique, la Section Océan Indien et la Section Pacifique.

La réforme opérée par le législateur en 2003 poursuivait quatre objectifs :

  • Le premier visait à réduire le taux d’abstention observé lors des élections européennes, qui était passé de 39,3% en 1979 à 53,2% en 1999. C’est une erreur selon nous de penser que le mode de scrutin explique le peu d’intérêt à une élection. L’électrice et l’électeur constatent que le politique a peu d’influence sur son quotidien et qu’il se trouve dicté par des normes sur lesquelles il n’a aucune prise. Il faut rappeler qu’en en 2009 le taux d’abstention était de 59,37%, en 2014, il était de 57,57% et en 2019 de 49,88%. 2024 annonce un taux d’abstention supérieur à tous ces chiffres d’abstention, sur de révoltes et malaises sociétaux qui ne touchent pas que la France.
  • Le deuxième était de « territorialiser » le scrutin pour rapprocher les députés européens de leurs électeurs. En arrimant les candidats à une circonscription territoriale on créé nécessairement un lien plus local avec le corps électoral concerné.
  • Le troisième visait à mieux prendre en compte la diversité géographique de la France, les formations politiques se souciant peu dans un scrutin national de choisir des candidats représentant l’originalité territoriale plurielle française. Malheureusement, les huit circonscriptions n’aient pas été bâties sur des circonscriptions électorales existantes et parlantes pour les électrices et les électeurs, la lisibilité de leur bassin de vie avec des candidats territorialisés était peu perceptible.
  • Le quatrième était d’éviter que les élections européennes ne servent à exprimer un vote portant sur la politique du Gouvernement en place. C’est un objectif raté car les Etats membres sont devenus des transcripteurs de la norme européenne. Il est difficile pour le citoyen de faire la distinction entre ce qui relève de la politique nationale et ce qui relève de l’Europe qui finit toujours à terme à s’imposer à un Etat.

Cependant, considérant que les huit circonscriptions n’avaient pas permis d’endiguer le fort taux d’abstention qui a continuité à augmenter malgré cette réforme, le législateur est donc revenu avec la loi n° 2018-509 du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen à une circonscription unique dans laquelle sont élus au suffrage universel direct à un tour pour cinq ans les candidats figurant sur une liste nationale selon les règles de la représentation proportionnelle à scrutin de liste à la plus forte moyenne, seules les listes ayant obtenu plus de 5% de suffrages exprimés ayant droit à la répartition de sièges proportionnellement à leur nombre de voix obtenues.

Par une décision du Conseil européen du 13 septembre 2023, le nombre de sièges pour la prochaine mandature a été porté de 705 à 720 députés avec une augmentation de sièges pour 12 Etats européens, dont la France avec 81 députés européens, soit deux sièges supplémentaires.

Il convient de rappeler que lors des élections européennes de 2019 où 79 sièges étaient à pourvoir pour la France, les résultats ont été les suivants : liste du Rassemblement national 23 députés ; liste Renaissance 23 sièges ; liste Les écologistes EELV 13 sièges ; liste Les républicains 8 sièges ; liste La France insoumise 6 et la liste Parti socialiste 6 sièges.

Les résultats des élections européennes démontrent que le mode de scrutin français n’est pas la cause première de l’abstention. Nous pensons que cette abstention chronique, à l’instar des scrutins nationaux, serait due au fait que les citoyennes et les citoyens constatent une incapacité chronique du pouvoir politique qu’ils élisent à apporter des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent.

Il ressort d’une étude de l’INSEE que 16% des électeurs inscrits ont boudé et n’ont participé à aucune élection qui s’est tenue en 2022. Cela représente ni plus ni moins sur 48 millions à peu près d’électeurs 7 680 000 millions d’électrices et d’électeurs qui ont fait le choix de renoncer à ce droit privilégié qu’est le droit de vote et de ne pas participer au débat sociétal.

Les élections européennes n’ont jamais attiré l’électrice et l’électeur français. Cependant, ce désaveu envers le vote démocratique européen se constate également dans d’autres pays européens avec un taux d’abstention en général inférieur au niveau français.

Face à cette crise existentielle du vote démocratique européen, il serait selon nous très judicieux, tout en conservant une circonscription unique pour les prochaines élections européennes, de prévoir à l’intérieur celle-ci de grandes sections électorales regroupant des régions qui permettraient d’assurer une représentation effective de la diversité de la territorialité française, dont celle des outre-mer souvent oubliée dans les équations politiques.

Cela permettra de créer un lien territorial qui est difficilement perceptible pour une électrice et un électeur dans le cadre d’une liste nationale. Cela évitera également que des candidats figurent sur des listes de nationales à des places les reléguant à des rôles de figurants non éligibles par simple souci d’afficher une diversité territoriale qui reste en réalité du domaine du virtuel.

II - L’Europe : une voix dans l’échiquier mondial ?

Au-delà de l’abstention et de son questionnement, il convient de rappeler ce que pèse dans l’échiquier, au-delà des droits fondamentaux qu’elle consacre à travers ses instruments juridiques majeurs et exceptionnels, notamment la convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 et ses protocoles, la charte européenne des droits fondamentaux du 7 décembre 2000.

En effet, avec 448,4 millions d’habitants au 1ᵉʳ janvier 2023, la population de l’Union européenne, composé des populations des 27 Etats membres, se classe en troisième position derrière la Chine (1,40967 milliards) et l’Inde (1,4286 milliards) mais devant les Etats-Unis (335 millions).

De même, avec 19 970 milliards d’euros de PIB en 2023, l’Union européenne constitue la troisième puissance mondiale représentant environ 17% du PIB mondial, derrière les Etats-Unis (25,2%) et la Chine (17,8%).

Il convient de relever que 61,7% du PIB 2023 de l’Union européenne provient des quatre économies allemande, française, italienne et espagnol.

Le monde des Etats stricto sensu a cédé la place aujourd’hui au monde des grandes influences des grandes puissances économiques et des modèles sociétaux qui les accompagnent.

Aucun Etat européen n’est aujourd’hui capable de répondre aux défis mondiaux actuels et rivaliser ainsi avec l’Etat américain ou chinois.

Or, les Etats européens sont confrontés à plusieurs défis mondiaux, dont un majeur, celui relatif à la maîtrise de l’Intelligence artificielle qui bouleversera la vie des humains.

En effet, il ressort du rapport 2023 Al Index Report établi par la Leland Stanford Junior University que les Etats-Unis investissent 248,9 milliards de dollars, la Chine 95,1 et deux pays européens séparément : l’Allemagne 7 et la France 6,6.

Le match se joue donc actuellement entre les Etats-Unis et la Chine qui entend rattraper à grand pas son retard, ces deux pays ayant deux modèles sociétaux radicalement différents.

Quoique l’on pense, face au changement de paradigme majeur qui bouscule aujourd’hui l’humanité et les Etats, la seule réponse alternative ne peut qu’être européenne, si déplaisant que cela soit aux souverainistes.

Force est de constater que l’Europe est sur ce point en retard pour ne pas dire dépassé face à l’avance des deux grandes puissances en matière de l’IA.

Elle ne s’est manifestée que sous l’angle de l’adoption le 14 mai 2024 d’un règlement établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle de 419 pages qui contiennent 113 articles et 13 annexes.

Si cette règlementation est louable, l’Europe ne peut pas se contenter de se limiter à produire de la Norme sans pour autant investir massivement financièrement dans le domaine clé de l’IA.

L’Europe ne peut se reléguer à de la gestion de la règlementation et être ainsi dans le Subir et non dans l’Agir.

Il faut donc un véritable plan de conquête européenne de l’IA qui doit passer indubitablement par une levée de fonds inédite de plusieurs centaines de milliards d’euros pour tenter de rattraper le retard et s’inscrire dans l’épopée sino-américain avec une offre alternative pour l’IA.

Quoique l’on pense et quoique l’on fasse, derrière les élections européennes des 8 et 9 juin 2023, c’est un bien l’enjeu de la défense d’un modèle sociétal qui se joue.

Nous terminerons par une citation d’Henry Ford qui nous parait fort approprié face aux défis majeurs et existentiels sur lesquelles l’Europe et les 27 Etats qui la composent ne peuvent être absents :

« Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite ».

Patrick Lingibé
Membre du Conseil National des barreaux
Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France
Avocat associé Cabinet Jurisguyane
Spécialiste en droit public
Diplômé en droit routier
Médiateur Professionnel
Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)
www.jurisguyane.com

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