La responsabilité accrue du mandataire de gestion immobilière.

Par Emilie Cambournac, Avocate et Emma Hadet, Elève-Avocate.

Ce que vous allez lire ici :

Dans cet article, il est démontré que l'agent immobilier a le devoir d'assurer que toutes les conditions légales nécessaires à l'efficacité de la convention sont remplies. Il est responsable des vérifications, des informations et conseils envers son client. En cas de fautes ou de négligences, il peut être tenu responsable des dommages causés.
Description rédigée par l'IA du Village

Le mandataire de gestion immobilière assure la gestion des biens en location durant toute la durée du bail et est chargé des relations entre les bailleurs et les locataires.
Ainsi, il est facilement exposé à des situations pouvant conduire à mettre en cause sa responsabilité.
Un arrêt récent rendu par la Cour d’appel de Douai en date du 18 janvier 2024 vient rappeler les obligations incombant à l’agent immobilier et les conditions d’engagement de sa responsabilité.
Cour d’appel de Douai - Chambre 1 section 1 - 18 janvier 2024 - n° 22/01086.

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« Il est constant que l’agent immobilier, intermédiaire professionnel qui prête son concours à la rédaction d’un acte après avoir été mandaté par l’une des parties, est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions juridiques nécessaires à l’efficacité de la convention. Pour ce faire, il est ainsi astreint à des obligations de vérification, notamment de la réalité de la situation financière du preneur à bail, mais aussi de renseignement et de conseil à l’égard de son client, et peut être déclaré responsable de toutes fautes ou négligences dans l’exercice de sa mission susceptibles d’avoir causé tout ou partie des dommages subis par celui-ci ».

En l’espèce, il s’agissait de deux époux ayant confié la gestion locative de leur bien immobilier à la société Foncia. Ce contrat stipulait notamment que les mandants bénéficiaient du régime de défiscalisation permis par la loi Pinel pour une durée de neuf ans.

Il allait s’avérer que le locataire choisi par la société gestionnaire avait des ressources supérieures au plafond fixé par le dispositif de la loi Pinel permettant de bénéficier des avantages fiscaux.

Cette « erreur de casting » commise par le mandataire n’a pas été indolore les bailleurs, lesquels ont fait l’objet d’un redressement fiscal.

Le couple de propriétaires a alors fait assigner son mandataire immobilier devant le Tribunal judiciaire de Lille en indemnisation de son préjudice.

Il a été fait droit à leur demande par jugement du 11 janvier 2022, mais le mandataire a interjeté appel.

La Cour d’appel de Douai a alors retenu que dans le cadre du dispositif de défiscalisation dit « dispositif Pinel », il est légitime d’attendre du mandataire de gestion locative qu’il s’assure de ce que le candidat locataire réponde aux conditions requises et qu’il vérifie et confirme, le cas échéant, la réalité de sa situation personnelle lors de la signature du contrat de bail.

Or, dans le cas d’espèce, le mandataire n’avait pas tenu compte du fait que les conditions de revenus du locataire trouvé avaient évolué en raison d’un changement de sa situation personnelle ; celui-ci s’était marié. Du fait de ce changement, le mandataire aurait dû prendre en compte les revenus additionnés du couple pour vérifier son éligibilité au dispositif Pinel.

Au lieu de cela, il n’avait tenu compte que de l’avis d’imposition du candidat locataire établi au titre de l’avant-dernière année précédant celle de la signature du contrat de bail.

Il s’agit, selon le juge d’appel, d’un manquement à l’obligation de diligence et de vérification qui pèse sur la société gestionnaire. Cette dernière a donc été tenue responsable et condamnée à indemniser ses clients pour le préjudice subi.

Il ressort de cette décision que les obligations du mandataire de gestion locative sont étendues et font peser sur lui bon nombre de contraintes. Dès lors, il apparaît que le champ des actions en responsabilité à son encontre est large et permet alors de protéger au mieux le mandant et le locataire.

La responsabilité contractuelle du mandataire.

Lorsque le mandataire manque à ses obligations, sa responsabilité contractuelle peut être engagée sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil.

L’article 1991 du même Code dispose que :

« Le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ».

Cela signifie qu’il doit répondre de toutes les fautes commises dans sa gestion et rendre compte de sa gestion au mandant pendant toute la durée du contrat.

Cette obligation de rendre compte est considérée comme inhérente au mandat [1].

Toutefois, il n’est soumis qu’à une obligation de moyens pour mener à bien les missions qui lui sont confiées par le contrat de mandat.

Dès lors, pour engager sa responsabilité, il convient de rapporter la preuve d’un manquement à ses obligations contractuelles constituant une véritable faute.

Comme on peut le voir dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai le 18 janvier 2024, l’appréciation de la faute du mandataire immobilier par les juridictions est souvent large : dans l’affaire tranchée par la Cour d’appel de Douai, l’agent immobilier n’avait pas tenu compte d’un changement dans la situation personnelle du locataire survenu entre la fin de l’année de référence et la mise en location.

Il aurait dû s’assurer, juste avant la mise en location, de ce que la situation fiscale du locataire n’avait pas changé et ne pas se contenter des documents qui lui avaient été fournis en amont par ce dernier.

En tant que professionnel, il appartient au mandataire de gestion locative d’avertir son client, considéré non professionnel, sur les conséquences des opérations entreprises.

Il est ainsi à un devoir de renseignement et de conseil.

Par exemple, il a été retenu que le professionnel devait réaliser des recherches sérieuses sur la solvabilité du candidat locataire présenté au mandant [2].

La responsabilité délictuelle du mandataire.

S’il commet des fautes envers les tiers, le mandataire peut également voir sa responsabilité engagée, mais cette fois, sur le fondement délictuel.

Citons l’exemple d’un litige impliquant une agence immobilière, qui avait été tenue responsable envers les acquéreurs d’un immeuble - lesquels n’étaient pas ses clients - du préjudice que ces derniers avaient subi du fait de l’annulation de la vente pour erreur sur une qualité substantielle de la chose.

La Cour de cassation a retenu que l’agence immobilière était « responsable du dommage subi par toutes les personnes parties à une opération dont l’échec est imputable à ses fautes professionnelles, le fondement de cette responsabilité étant contractuelle à l’égard de ses clients et délictuel à l’égard des autres parties » [3].

Si l’agent immobilier outrepasse ses pouvoirs, l’acte est nul, sauf si le mandant ratifie l’acte, mais cela n’empêche pas le tiers de demander réparation au mandataire du préjudice causé par l’anéantissement de l’acte [4].

Il a notamment été rappelé par la Cour de cassation que le mandataire excède ses pouvoirs et engage sa responsabilité s’il signe une promesse de vente qui diffère des conditions de vente énoncées dans son mandat [5]. L’acquéreur peut alors demander réparation au mandataire en raison du préjudice subi du fait de l’annulation de la vente.

Enfin, le mandant n’est pas tenu d’exécuter les actes faits par son mandataire au-delà du pouvoir qui lui a été donné [6].

Cela signifie que si, par exemple, une agence immobilière accorde une remise de loyer sans l’accord du propriétaire, elle pourrait alors être tenue responsable des pertes subies par le propriétaire qui n’est, lui-même, pas tenu par cette remise puisqu’il ne s’y est jamais engagé.

La Cour de cassation refuse d’engager la responsabilité du mandant en l’absence de toute faute personnelle de sa part, peu importe les manœuvres dolosives de son mandataire [7].

Voilà quelques observations que l’on pouvait faire sur les rapports, parfois complexes, entre mandataire immobilier et mandant et sur les cas où la responsabilité du premier peut être retenue à l’égard du second.

Emilie Cambournac, Avocate au barreau de Bordeaux
en collaboration avec Emma Hadet, élève avocate
emilie.cambournac chez avocat-cambournac.fr
www.avocat-cambournac.fr

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Notes de l'article:

[1Cass. 1ère civ., 8 févr. 2000, n° 95-14.330, Bull civ. I, n° 36.

[2Cass. 1ère civ., 28 mars 1984, n°82-16915.

[3Cass. 1ère civ., 16 décembre 1992, n°90-18.151, Publié au bulletin.

[4Cass. 3e civ., 3 mai 1955 : Bull. civ. 1955, I, n° 171.

[5Cass. 1ère civ., 2 décembre 1992, n°91-10.594.

[6Cass.Com, 26 mars 2008, n° 04-11.554.

[7Cass. Mixte, 29 octobre 2021, n°19-18.470.

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