La traduction juridique, un secteur en manque ?

Audrey LAUR

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S’il est reconnu que la traduction juridique est un domaine restreint, peut-on dire pour autant que c’est un domaine en manque... de traducteurs ?

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Contrairement à la traduction “générale”, la traduction juridique nécessite un niveau de spécialité tant sur le plan linguistique que sur celui du droit. Outre de maîtriser parfaitement sa langue maternelle (langue cible) et d’avoir une bonne connaissance de la langue à partir de laquelle on traduit (langue source), il faut être un expert dans le domaine juridique de la langue source et de la langue cible. Connaître le système juridique d’un seul système ne suffit donc pas. En effet, comment traduire correctement un texte sans distinguer entre le lexique américain et celui britannique voire même celui canadien ou australien ? Comment bien traduire un texte lorsqu’on ignore le système juridique des deux pays, sachant qu’il y a souvent peu d’équivalences au sens strict entre les terminologies des deux langues et leurs systèmes institutionnels.

De plus, outre de maîtriser le domaine technique des deux pays et les deux langues, le traducteur doit posséder de bonnes qualités rédactionnelles dans sa langue maternelle (grammaire, orthographe, expressions idiomatiques, culture générale), être curieux, méticuleux, et respectueux des règles déontologiques.

De nos jours, ce fait n’est plus contesté. Notamment après les tentatives d’agences ou d’employeurs de faire traduire des documents juridiques (officiels ou en interne) par des traducteurs et/ou linguistes qui étaient étrangers au vocabulaire spécialisé requis et/ou ne possédaient pas les qualités rédactionnelles appropriées.

Aujourd’hui, le processus de sélection est plus rigoureux et seuls les traducteurs expérimentés et/ou remplissant les critères susmentionnés arrivent à profiter du métier sans trop de heurts, mais c’est loin d’être un phénomène généralisé. Certaines études révèlent que des tribunaux (ex : Québec, Grande Bretagne, France, Suisse, etc) font encore appel à des traducteurs et interprètres qui n’ont aucune formation juridique et/ou expérience dans le domaine juridique dans le cadre de litiges nécessitant leurs services. Ceci par manque de traducteurs spécialisés. Il en va de même dans les organisations internationales comme les institutions européennes. Cette situation a d’ailleurs été prise au sérieux par le Ministère de la justice en Angleterre dans le cadre de l’interprétariat. De mauvaises interprétations dans des affaires portées devant les cours ont conduit récemment ce Ministère à revoir aussi bien le contrat qui le lie à une agence d’interprètes que les critères qu’il requiert pour l’emploi d’interprète.

Il est vrai que par rapport au marché de la traduction littéraire et audiovisuelle représentant chacun des milliards de dollars sur le plan international (15 milliards en 2009), la traduction juridique paraît bien restreinte en part de marché. Il n’en reste pas moins que c’est un secteur tout aussi passionnant, varié et plus lucratif. La traduction juridique traite de contrats, de décisions de justice, de testaments, de brevets, de statuts d’entreprise, de déclarations fiscales, d’actes notariés, de certificats de mariage/divorce/naissance/décès, etc

Vis-à-vis des employeurs, la traduction juridique a la chance de ne pas connaître la même dévalorisation que celle subit en traduction “générale”. Ou du moins seuls les moins expérimentés et/ou les moins experts en droit sont plus ou moins victimes de cette politique. En effet, le problème majeur rencontré en traduction “générale” tient à la dévalorisation du métier par certains employeurs. Il n’est pas rare de voir des agences ou des clients payer au lance-pierre les traducteurs et linguistes pour des projets longs, difficiles et avec des délais restreints. Cette dévalorisation du métier est essentiellement due à la mauvaise perception qu’ont ces clients du métier même de traducteur. Ces derniers voient avant tout un service de commodité qui leur soit le plus rentable possible tout en bénéficiant de la rapidité et de la qualité que tout client peut attendre d’un prestataire de service comme peut l’être le traducteur. Enfin, parce que l’offre est actuellement supérieure à la demande, clients comme agences profitent de la concurrence pour imposer des tarifs peu rentables aux traducteurs. Compte tenu du travail de recherche, de rédaction, et des qualités linguistiques que cela nécessite, le traducteur devrait être payé à la hauteur du service rendu, et non pas être victime des restrictions budgétaires qu’imposent tant les agences que certains clients.

La traduction juridique est, pour l’instant, plus dans une situation où la demande est plus forte que l’offre. Car il est souvent difficile de trouver le traducteur juridique idéal. Selon le projet, on recherchera un traducteur soit spécialisé dans les brevets, soit en fiscalité, soit en droit boursier (branche du droit financier), soit en droit maritime, soit en droit pénal, etc. Et un expert en droit maritime n’est pas nécessairement (voire très rarement) un expert en droit des assurances !

Le marché de la traduction juridique peut être ainsi perçu comme un marché fragmenté par ses spécialités. Et trouve ses clients parmi les grandes, moyennes et petites compagnies nationales et internationales ainsi que les administrations et personnes physiques de tous horizons. Chaque compagnie a un département juridique. Notre quotidien est lui-même façonné par des actes juridiques ou en relation avec le juridique.

Les grandes compagnies recrutent généralement des traducteurs pour travailler en interne, car ont le budget pour. Cela ne les empêche pas pour autant de faire appel de temps en temps à des traducteurs indépendants pour des projets spécifiques. Les traductions de ces prestataires indépendants seront toutefois relues et, si nécessaire, corrigées par les traducteurs ou relecteurs nommés en interne.

Les petites compagnies ont eu, dans un premier temps, tendance à faire référence aux logiciels d’aide à la traduction pour assurer la traduction de leurs documents en tout genre (utilisant également des linguistes pour jongler entre le logiciel d’aide à la traduction et le document à traduire). Cette tendance commence à changer notamment pour les documents juridiques vu l’impact financier et possibles litiges que cela peut engendrer.

La traduction juridique suscite pourtant peu de vocation et surtout elle ne bénéficie pas du soutien des universités à créer des sections dédiées à cette spécialité. Du moins, pas assez par rapport aux multiples filières de traduction littéraire et audiovisuelle où le marché se sature en raison du déséquilibre entre l’offre et la demande.

D’un autre côté, comment proposer une formation de traduction juridique si les effectifs ne suivent pas ? Il n’est pas rare de voir des universités ne pas ouvrir les sections de traduction spécialisée (en dehors de l’audiovisuel ou localisation) par manque d’étudiants. Pourtant, le métier de traducteur juridique (ou autre spécialité comme la médecine ou l’aérospatial) est respecté par la qualité d’expertise que cela requiert. Est-ce le niveau d’expertise lui-même qui est le facteur dissuasif ? Car il est clair qu’un double cursus s’impose avec minimum un niveau Master dans le domaine de spécialité et de traduction. Et à défaut de diplômes, une solide expérience professionnelle dans le domaine de spécialité. Souvent, l’expérience professionnelle peut s’avérer plus utile qu’un diplôme. Selon des études menées à ce sujet, il faut pourtant noter que 90% des traducteurs sont détenteurs au moins d’un Bac+4, 2/3 ont un diplôme en traduction (ou d’interprétariat) et 60% ont au moins 9 ans d’expérience.

La traduction juridique n’est pas le seul secteur à souffrir de ce manque de vocation et reconnaissance universitaire à l’opposé de sa bonne réputation professionnelle. Les traductions spécialisées dans différents domaines de l’ingénierie, par exemple, subissent le même sort. De récentes études de marché de la traduction ont toutefois montré que les secteurs les plus porteurs actuellement sont ceux de l’aérospatial, des transports, de la pharmacologie, des équipements de télécommunication, et de la finance.

Aujourd’hui, la traduction n’est plus affaire que de langues. Elle fait appel de plus en plus à la spécialité pour sortir du lot. Surtout à une époque où mondialisation et compétition font de ce besoin une nécessité.

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Discussions en cours :

  • Bonjour,

    Merci pour votre article passionnant et portant sur un thème assez rare.

    Je suis étudiante en Master de droit avec Paris 1 et travaille en même temps comme professeur de français en Angleterre (programme Foreign Language Assistant du British Council). Je m’intérèsse de plus en plus à la traduction juridique français-anglais.

    Si je commence à travailler dans des cabinets anglo-saxons en tant que juriste ou stagiaire, pensez-vous que je puisse postuler pour des postes de traducteur juridique en France ou en Angleterre ? Le CRFPA serait-il un plus ?

    Vous remerçiant par avance,

    Maïté

    • par Audrey LAUR , Le 20 février 2014 à 07:41

      Bonjour,

      Je vous remercie pour l’intérêt porté à mon article.

      Pour postuler à des emplois en tant que traducteur juridique, il vous faudra obtenir un diplôme de traduction (le diplôme de traduction juridique est à privilégier par rapport au diplôme de traduction littéraire par exemple). Car tant les agences de recrutement que les éventuels clients feront davantage confiance à des personnes qui ont un diplôme et de l’expérience professionnel qu’à un novice ou un juriste sans connaissance du monde de la traduction (quelque soit les langues de travail).

      Quant au travail dans les cabinets juridiques (bilingues ou anglo-saxons), c’est une bonne idée pour acquérir de l’expérience, connaître les types de documents qui y sont traités. Et si un jour vous voulez traduire dans une branche du droit où vous avez exercé professionnellement (voire même acquis un diplôme universitaire), vous aurez déjà un acquis en plus de votre diplôme en traduction.

      Je vous souhaite une bonne continuation.

      Très cordialement.

    • par Bossé Dominique , Le 13 décembre 2019 à 14:40

      Bonjour,

      Je souhaite me reconvertir après 20 ans dans le domaine de la formation professionnelle d’adultes en langues. Initialement, j’ai obtenu une maîtrise de droit, suivie d’un DEA et d’un DESS en droit.
      J’ai le projet de faire une formation de traduction juridique à distance. Tout cela me sera-t-il suffisant pour prétendre à un poste de traducteur juridique ?

      Vous remerciant par avance,

      Dominique

  • par Mohamad EL ABBOUD , Le 23 juillet 2019 à 18:46

    Très bon article. Merci

  • Dernière réponse : 2 mars 2017 à 17:02
    par Marc , Le 31 janvier 2017 à 23:19

    Pour être un traducteur juridique il faut avoir une double formation, en droit et en langues, master en traduction et minimum licence en droit pour pouvoir bien appréhender les différents concepts juridiques, c’est la raison pour laquelle les étudiants ne s’y aventurent pas, car au final il faudrait se taper 10 années d’études, il faut être fou pour suivre cette voie.

    • par Anne Besnier , Le 2 mars 2017 à 17:02

      Bonjour,

      J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article et les commentaires des internautes. Je suis traductrice juridique (et je souhaite actuellement développer cette activité).
      J’ai une maîtrise en droit public que j’ai obtenue à l’université de Rennes en 1997. J’ai travaillé en tant que juriste dans un département. Ma passion pour l’anglais m’a amenée à quitter mon emploi dans la fonction publique et à rejoindre mon compagnon en Grande-Bretagne (aujourd’hui, mon mari). J’ai ensuite effectué un master en traduction à l’université de Bristol. J’ai des séances de mentorat régulières et personnalisées sur la terminologie juridique avec une juriste linguiste (traductrice et préalablement avocate) qui travaille du français vers l’anglais. Nos compétences sont complémentaires (je travaille de l’anglais vers le français) et c’est une expérience enrichissante.
      Bref, c’est juste pour dire qu’il est possible de combiner une formation juridique avec un diplôme de traduction.

  • par Myriam Hachemi , Le 18 janvier 2017 à 16:27

    Bonjour,
    J’ai lu et trouvé votre article très intéressant, la traduction juridique étant un domaine qui pourrait m’intéresser après mes études.
    Je suis en L2 LEA Anglais/Espagnol option Droit et recherchant un stage dans ce domaine, j’aimerais savoir si vous pouviez m’orienter ou alors me renseigner un peu plus sur ce métier.
    Merci beaucoup pour tout renseignement que vous pourriez m’apporter.
    Cordialement.

  • Bonjour,

    J’ai lu avec grand intérêt votre article.

    Titulaire d’un DEA d’Histoire (France) et d’un DESS en Coopération en Education (France), je réside en Italie et me suis lancée en 2010 dans l’univers de la traduction (italien vers français).

    J’avais commencé à effectuer toutes les démarches nécessaires à l’inscription au cours de perfectionnement en traduction juridique proposé par l’Université de Gênes (950 heures sur 10 mois en e-learning). Mon choix s’était porté sur cette formation après de longs mois de recherche pour trouver un cours centré sur la combinaison linguistique qui m’interesse : italien comme langue source et français comme langue cible.

    Seulement voilà, j’ai découvert in extremis que cette formation, ô combien interessante par ailleurs, était, pour chaque combinaison linguistique, à double sens : en ce qui me concerne, italien vers français mais aussi français vers italien. Or je ne suis pas bilingue. Je vis en Italie depuis bien longtemps et parle très bien italien mais l’italien ne sera jamais ma deuxième langue maternelle. J’ai donc renoncé il y a quelques jours à m’inscrire, dépitée et un peu découragée car l’offre de formation en traduction juridique IT vers FR est assez limitée voire inexistante.

    Peut-être aurez-vous d’autres pistes à me suggérer ? En France ? Mes recherches m’ont aussi menée à l’Université de Genève mais je ne sais pas si les formations proposées peuvent être suivies à distance.

    Très cordialement,
    A.Sophie (Rome)
    asfaullimmel chez yahoo.fr

    • par audrey laur , Le 23 janvier 2014 à 05:11

      Bonjour,

      Je vous remercie pour l’intérêt que vous avez porté à mon article.

      Je pense que vous avez fait un choix judicieux surtout si les cours étaient uniquement axés sur la traduction juridique. S’agissant essentiellement de contrats à traduire, la précision est de rigueur et les graves erreurs peuvent vous coûter outre de perdre le client mais également des dommages et intérêts s’il y avait procès. Comme je l’avais écrit dans un de mes autres articles, un bon linguiste ne veut pas dire qu’on sera un bon traducteur voire interprètre. Car il y a d’autres caractéristiques qu’il faut maîtriser à part la langue (ex : être expert dans le domaine dans lequel on veut travailler. Dans le cadre de la traduction juridique, il est fortement recommandé d’avoir au moins un Master en droit ; être curieux de nature ; être pointilleux tant sur la forme que le fond ; etc).

      Au vu de vos études et si vous voulez persévérez dans la traduction juridique, je vous conseille de vous spécialiser en droit pour connaître les notions, la manière d’écrire, la manière dont les textes sont présentés, etc.

      L’Université de Genêve propose un diplôme mais, de mémoire, je ne pense pas que la formation puisse se faire à distance. Vous pouvez toujours vous référez à leur site internet ou les contacter par courriel ou téléphone. Il existe aussi une formation de traducteur (le domaine juridique n’est qu’une option parmi d’autres) en France (Institut de Traducteurs, d’Interprètes et de Relations Internationales) à Strasbourg.

      Si vous maîtriser l’anglais, vous pouvez aussi envisager la combinaison italien - anglais.

      Je vous souhaite bonne continuation dans vos démarches et espère qu’elles seront fructueuses.

      Très cordialement.

      Audrey LAUR

    • par Sophie , Le 4 novembre 2016 à 13:21

      Bonjour,
      Je suis professeur de lettres classiques et je maîtrise très bien l’italien (niveau C1-C2). Aussi, je pense me reconvertir dans la traduction juridique, après avoir passé 10 ans dans l’éducation nationale. J’ai moi aussi vu que l’université de Gênes propose une formation en traduction juridique et je pense la suivre si je décide de sauter le pas de la reconversion professionnelle ; toutefois, je me demande si cela suffirait. Est-ce que vous me conseilleriez en outre de faire une licence de droit via le CAVEJ ?
      Bien cordialement,

    • par Audrey LAUR , Le 7 novembre 2016 à 04:49

      Bonjour,

      Merci pour votre message et pour l’intérêt porté à cet article.

      Si vous souhaitez faire de la traduction juridique pure (ex : contrat ; jugements/ arrêts ; statuts de société ; etc.) je vous conseille effectivement de poursuivre une licence en droit car à défaut d’expérience professionnelle dans ce domaine, vous serez confrontée à de nombreux textes juridiques avec tout un jargon très spécifique. Certaines notions ont même un sens très particulier et varient donc d’une spécialité juridique à une autre. Par conséquent, si vous ne connaissez pas les nuances et les définitions, vous risquez d’une part de commettre des erreurs d’équivalence, des faux amis (partiels et complets) voire ne pas choisir le bon registre. D’autre part, imaginons que vous acceptiez un document juridique à traduire, vous risquez de passer un temps considérable en recherche sans garantie que la traduction soit de qualité. Il est important de prendre en compte le facteur "temps" car très souvent les projets sont demandés en urgence.

      Pour toutes ces raisons, il est indispensable d’avoir une base juridique par le biais d’un diplôme.

      Par contre, si vous voulez vous limiter à la traduction d’actes de naissance ou de mariage, qui sont des documents officiels mais pas très juridiques, ce n’est pas la peine d’avoir un diplôme en droit. Quelques cours donnés par des associations de traducteurs et interprètes suffisent.

      Dernier point : de nombreuses agences spécialisées dans la traduction juridique voire des clients privés (ex : cabinets d’avocats), vous demanderont de prouver votre connaissance en droit (diplômes ; expérience) + vous feront passer un test (texte juridique type contrat d’environ 200 - 300 mots).

      Bien cordialement.

      Audrey LAUR

    • par Sophie , Le 21 novembre 2016 à 09:34

      Bonjour,
      Je tenais à vous remercier pour la précision de votre réponse. Tous ces renseignements me sont très précieux.
      Très cordialement,
      Sophie

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