I. Faits et procédure.
Un salarié engagé en qualité de cadre technico-commercial le 10 mars 2006 a démissionné le 11 janvier 2018.
Son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence.
C’est alors que, se prévalant d’une violation de la clause de non-concurrence au regard de la nouvelle activité du salarié auprès d’une autre société, l’employeur saisit la juridiction prud’homale aux fins d’interdire au salarié de faire concurrence et d’obtenir le paiement de diverses sommes afférentes.
À l’inverse, le salarié sollicite le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
Dans sa décision rendue le 24 juin 2022, la cour d’appel de Douai fait droit à la demande du salarié, en jugeant que :
« l’activité concurrentielle n’a duré que six mois » et que « la contrepartie de l’obligation de non-concurrence prévue par la clause doit donc s’appliquer sur la base d’une période de dix-huit mois ».
L’employeur se pourvoit en cassation sur le fondement de l’article 1104 du Code civil, selon lequel :
« les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».
II. Moyens.
L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de Douai de le condamner à payer au salarié des sommes au titre d’un solde d’indemnité de non-concurrence et d’indemnité de congés payés afférente et de le débouter de sa demande reconventionnelle tendant à la restitution des sommes versées au salarié en contrepartie de la clause de non-concurrence.
En effet, l’employeur fait valoir que le salarié qui viole son obligation de non-concurrence dès la rupture de son contrat de travail ou peu après celle-ci perd son droit à indemnités de non-concurrence définitivement, même si la violation de l’interdiction de concurrence n’a été que temporaire et que le salarié a cessé par la suite l’activité concurrente.
Selon l’employeur, la cour d’appel aurait dû considérer que le salarié, en violant même temporairement sa clause de non-concurrence, avait définitivement perdu son droit à indemnité de non-concurrence, non seulement pour la durée de cette violation mais, aussi pour l’avenir.
De même, l’employeur estime que du fait de la violation de la clause de non-concurrence, le salarié est obligé à rembourser à son employeur la contrepartie financière de cette clause, indûment perçue.
III. Solution.
La question qui est posée à la Cour de cassation est alors la suivante : le caractère temporaire de la violation de la clause de non-concurrence permet-il au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause ?
La Cour de cassation répond par la négative, au visa de l’article L1121-1 du Code du travail selon lequel :
« nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché »
et de l’article 1147 du Code civil qui dispose que :
« le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
En effet, la Cour de cassation décide que la violation de la clause de non-concurrence ne permet plus au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause même après la cessation de sa violation.
Ainsi, l’arrêt de la cour d’appel de Douai rendu le 24 juin 2022 est cassé et annulé en ce qu’il condamne l’employeur à payer au salarié un solde d’indemnité de non-concurrence, en ce qu’il déboute l’employeur de sa demande reconventionnelle en restitution des sommes déjà versées en contrepartie de la clause de non-concurrence et en ce qu’il ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties.
L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Douai autrement composée.
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