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Sujet : Droit Constitutionnel-

Echanges sur des points de droit.
 

Droit Constitutionnel-

de vétéran   le Ven 12 Fév 2010 20:31

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Bonjour à tous,

Tout d'abord, pour me présenter, je suis juriste référent d'un syndicat catégoriel de police municipale.

J'ai besoin des lumières de tous, notamment des spécialistes en droit administratif et surtout en droit Constitutionnel afin de savoir si la piste que je suis est viable ou pas.
Merci par avance de votre aide.

Peut être le savez-vous, l'Etat Français, sans doute par manque de finances, se décharge de plus en plus de ses obligations sur les collectivités territoriales.

Depuis 1999, les polices municpales ont été professionnalisées, et ont vu leurs prérogatives accrues.
On aprécie ou pas, peu importe, ce sont des faits.

Les prérogatives ont été encore développées avec loppsi,
puis, de nouveau, le gouvernement, avec loppsi 2 redonne de nouvelles prérogatives à la police municipale (Contrôle d'identité, APJ20 aux directeurs de police etc.)
Par contre, au niveau du social, aucune avancée.

Ma question est la suivante:
Ai-je des chances si je saisis la CEDH d'avoir gain de cause en arguant l'article 72-2 al. 4,

"Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi".

Pour au moins imposer une revalorisation des traitements, en considérant que les mêmes missions attribuées précedement à la Police Nationale étaient rétribuées supérieurement?
Dura Lex, Sed Lex

   

de ben75   le Ven 12 Fév 2010 22:15

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Je ne suis pas une spécialiste du droit public mais je peux vous apporter quelques éléments de réponse:

1- Devant la CEDH, il faut invoquer un manquement de l'Etat à ses obligations prévues par la Convention européenne des droits de l'homme: l'article 72.2 alinéa 4 de la Constitution n'est pas la Convention européenne DH et ne peut donc être invoqué utilement devant la Cour EDH. De plus, je ne vois pas quel fondement de la convention serait susceptible d'appuyer votre prétention.

2- En revanche, le nouvel article 61-1 de la constitution (applicable à partir du 1er mars 2010) peut vous être très utile; en effet, celui-ci dispose que:

« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. ».

Alors, l'idée serait de saisir le Conseil d'Etat afin de discuter de la légalité des décrets et règlements pris en application de la loi loppsi ici en cause (puisqu'on peut saisir le CE pour contester un décret ou un acte réglementaire d'un ministre mais pas pour contester la légalité d'une loi) et de demander au CE de soulever la question prioritaire d'inconstitutionnalité de la loi loppsi, le CE saisira alors le Conseil constitutionnel qui se prononcera sur la question de la conformité de la loi loppsi à l'article 72.2 alinéa 4 de la constitution.

Ah, ce fameux article 61-1 de la constitution, il est promis à un bel avenir. ..En tout cas j'espère que les avocats ne se priveront pas d'utiliser ce nouvel outil juridique! affaire à suivre...

   

de Cozmo   le Sam 13 Fév 2010 11:01

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Pas dit que l'exception d'inconstitutionnalité soit plus utilisé que l'exception d'inconventionnalité, laquelle a pris un essor considérable

   

de vétéran   le Dim 14 Fév 2010 0:48

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En tous cas, merci à vous deux de vos réponses qui m'apportent un éclairage nouveau, et je suis preneur d'autres analyses sans soucis, je veux aller au feu avec des billes!!!!
Dura Lex, Sed Lex

   

de Fabrice S.   le Jeu 18 Fév 2010 0:10

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Petite remarque: la loi organique relative au 61-1 précise notamment que seules les lois visants les libertés et droits fondamentaux sont susceptibles d'être attaquées par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité.

Je doute fortement que "loppsi 2", qui donne de nouvelles prérogatives à la police municipale, fasse grief au droits et libertés, même avec beaucoup d'imagination.

   

de ben75   le Jeu 18 Fév 2010 7:43

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:shock: Bien au contraire! Détrompez-vous.

La loi loppsi est une loi visant à renforcer une nouvelle fois la sécurité intérieure, notamment en prévoyant des moyens de lutte contre la cybercriminalité.

Au menu de cette loi on peut y trouver par exemple: autorisation de captation de données numériques à distance, rapprochement de fichiers policiers, videoprotection...si cela ce ne touche pas aux libertés fondamentales! (vie privée, liberté d'aller et venir).

En revanche, j'ai beau faire fonctionner mon imagination, je ne vois pas comment vous avez pu penser qu'il n'était pas question de droits et libertés fondamentales dans ce texte.... là je reste perplexe. :? :?:

   

de Fabrice S.   le Jeu 18 Fév 2010 20:21

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Bonjour Ben,

Vétéran souhaitait (et je parle sous son contrôle) se placer sur le terrain de l'inadéquation entre le transfert de compétence d'une part, et le transfert de moyens d'autre part, de l'Etat vers les Collectivités, en vertu de l'article 72-2 al. 4, pour invoquer l'inconstitutionalité de "loppsi 2".

Cela je le pense n'est pas possible, puisque cet article de la Constitution est une règle afférente à l'organisation des pouvoirs publics: exit la question prioritaire de constitutionnalité sur le terrain du 72-2 al.4

Quant au contenu lui même de la loi, il est apparement question de libertés individuelles.

Quant bien même cela serait le cas (j'ai la flemme de rechercher le texte, et je vous fait entièrement confiance sur ce point), il n'y a pas lieu de s'en réjouir ipso facto car cela ne veut pas dire que ces dispositions sont inconstitutionnelles.

Par ailleurs, il serait intéressant de savoir si cette loi a fait l'objet du contrôle à priori du Conseil constitutionnel. Dans l'affirmative: exit le contrôle à posteriori.
J'imagine en effet que si vous avez noté des points pouvant être contraires au libertés individuelles dans ce texte, les députés de l'opposition n'ont, en leur temps, pas manqué de les faire examiner.

   

de ben75   le Jeu 18 Fév 2010 23:22

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Bonjour oh nom de la loi,

Probablement que le conseil constitutionnel aura l'occasion de se prononcer dessus tôt ou tard;

toutefois, le litige se présente comme ceci:
- on donne des nouvelles prérogatives aux policiers pour assurer la sécurité des citoyens;
- mais on ne leur donnerait pas les moyens qui vont avec ;
- or l'article 72-2 de la constitution garantit le droit des collectivités territoriales de recevoir les ressources équivalentes lors d'un transfert de compétences entre état et collectivités.

Alors, certes l'argument est budgétaire mais n'empêche qu'il est à tout à fait recevable au sens de 61-1 constitution car il y aurait bien violation d'un article de la constitution qui garantit un droit: celui de la collectivité territoriale de recevoir les ressources suffisantes pour pouvoir assurer le transfert de compétence.

pour rappel l'article 61-1 de la constitution énonce que:

« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé"

et l'article 72-2 constitution:

« Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.

Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »

Bien à vous.

   

de Fabrice S.   le Sam 20 Fév 2010 12:51

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ben75 a écrit :Bonjour oh nom de la loi,

Alors, certes l'argument est budgétaire mais n'empêche qu'il est à tout à fait recevable au sens de 61-1 constitution car il y aurait bien violation d'un article de la constitution qui garantit un droit: celui de la collectivité territoriale de recevoir les ressources suffisantes pour pouvoir assurer le transfert de compétence.



Quand on parle de droits, on entend ceux qui sont garantis par le préambule de la Constitution, la DDHC, les Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République (PFRLR), etc... Ceux qui intéressent le citoyen en somme.

Les règles de transfert de compétence, d'organisation des pouvoirs publiques au sens large, c'est à dire le caractère fonctionnel de la Constitution, ne pourront, "en théorie", servir de fondement pour contester une loi.

"en théorie", car justement c'est la jurisprudence de la cour de cassation, du CE et du CC qui préciseront d'avantage les conditions de recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité.

Mais l'idée selon laquelle on pourra se prévaloir d'une inconstitutionnalité de la loi car elle ne respecte pas une règle d'organisation de l'Etat me semble tirée par les cheveux, d'autant plus que cela correspondrait à un moyen d'employer les 89 articles de la Constitution pour tout contester!

Il faut comprendre cette nouvelle procédure comme un moyen d'échapper à l'application d'une loi qui serait manifestement contraire aux droits fondamentaux: les finances d'une collectivité, cela n'a rien de fondamental!

   

de vétéran   le Lun 22 Fév 2010 8:04

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Il est clair que rien n'est Joué, d'autant qu'il y a finalement autant d'interprétations qu'il y a de juges.
Par contre, je m'apreçois qu'il n'y a pas unanimité dans la manière de défendre.
Peut-on raisonnablement considérer que des prérogatives attribuées à une certaine catégorie professionnelle ne puisse être attribuées à une catégorie inférieure en terme de rémunération?
En clair, le transfert de compétence dans ce cas précis, a ceci de pernicieux, c'est qu'il ne lèse pas le contribuable, il ne lèse qu'une catégorie de fonctionnaires, qui effectuerons une prestation identique à celle fournie par d'autres fonctionnaires, mais pour un coût nettement inférieur.
C'est finalement de la délocalisation intérieure.
Plus j'y pense, plus je crois que la piste suivie dans ce post n'a pas de viabilité suffisante pour enclencher une procédure.
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Dura Lex, Sed Lex

 
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