Les intermédiaires en assurance sont des professionnels de la distribution d’assurances régis par les articles L511-1 et suivants et R511-1 et suivants du Code des assurances. La distribution d’assurances est entendue de manière large par le législateur. Elle intègre ainsi l’accomplissement d’actes commerciaux, administratifs, techniques ainsi que les travaux préparatoires en lien avec la conclusion d’un contrat d’assurance [4].
Les principes du conseil en assurance ont été particulièrement impactés par la transposition de la directive sur la distribution d’assurances (DDA) [5]. L’objectif du régulateur européen est de permettre une meilleure protection des consommateurs [6], en assurant la prise en compte de leur intérêt à chaque étape de la commercialisation du produit. Les intermédiaires doivent ainsi agir au mieux des intérêts du client.
Dans sa lecture des textes, l’ACPR indique que « L’information et le conseil constituent […] le cœur même de l’activité d’intermédiation en assurance et les obligations imposées par le législateur ont pour but de protéger les clients […] manquer gravement aux obligations en matière d’information et de conseil, c’est méconnaître totalement les exigences d’une telle profession » [7]
Ainsi, la volonté des régulateurs de garantir de manière effective la protection du consommateur s’illustre tant dans les principes (I) que la mise en œuvre (II) de l’obligation d’information et du devoir de conseil.
I. La protection du client par le principe de l’information et du conseil.
L’information-conseil [8] imposée au professionnel se traduit par l’obligation d’informer le client dès l’entrée en relation (A) et la nécessité de lui fournir un conseil sur-mesure (B).
A. Une information dès l’entrée en relation.
Dès l’entrée en relation, l’intermédiaire doit fournir au client une série d’informations [9] personnelles relatives notamment à : son identité, son immatriculation, ses liens capitalistiques avec des entreprises d’assurance, la nature des prestations qu’il propose, les modalités du conseil ou encore les conditions de sa rémunération.
Concernant les contrats de capitalisation et d’assurance-vie, le législateur pose des exigences supplémentaires portant notamment sur les contrats et stratégies d’investissement proposés ainsi que la mise en garde du client sur les risques attachés à ces contrats et stratégies [10].
En outre, l’intermédiaire doit informer le client des droits dont il dispose : la réclamation, la médiation ainsi que les règles relatives à la protection de ses données personnelles.
B. Un conseil sur-mesure.
1. Le fondement du conseil.
En principe, tout vendeur professionnel est tenu d’un devoir de conseil. Ce devoir implique qu’en fonction des objectifs du client, le professionnel l’accompagne dans l’appréciation de l’opportunité du contrat qu’il entend conclure [11]. Le Code des assurances prévoit spécifiquement les modalités de cette obligation en matière de distribution d’assurances.
Trois niveaux de conseil sont prévus par la DDA. Le « Niveau 1 » qui vise à proposer un contrat cohérent ou approprié par rapport aux besoins et exigences du client. Le « Niveau 2 » qui consiste à proposer un service de recommandation personnalisée. Ce service, basé sur une analyse comparative de plusieurs contrats cohérents, vise à identifier le produit le plus adéquat pour répondre aux besoins et exigences du client. Enfin le « Niveau 3 » qui consiste dans la fourniture d’un service de recommandation basé sur l’étude indépendante et impartiale d’un nombre suffisant de contrats offerts sur le marché [12].
2. Les trois temps du conseil.
L’exécution conforme du devoir de conseil peut être segmentée en trois étapes : le recueil d’information, le conseil à proprement parler, la motivation.
D’abord, l’intermédiaire recueille les informations utiles concernant la situation, les besoins et exigences du client. A cet effet, l’ACPR recommande au distributeur de faire preuve de rigueur et de pédagogie. Les questions posées doivent être pertinentes et intelligibles [13]. La logique sous-jacente est que la qualité de la collecte, conditionne la qualité du conseil qui en découle. Le courtier n’est, en revanche, pas tenu de s’enquérir de l’évolution du risque après souscription [14]. Pour accompagner les professionnels dans ce recueil, l’ACPR fournit le détail des informations qu’elle recommande de collecter [15].
Ensuite, s’agissant du conseil à proprement parler, l’intermédiaire doit, a minima, proposer un conseil de « Niveau 1 ». Toutefois, dès lors qu’il indique au client qu’il délivrera un conseil de « Niveau 2 », il ne peut abaisser le niveau de sa prestation.
Enfin, quel que soit le niveau de conseil proposé, ce dernier doit être motivé. Si l’intensité de la motivation varie selon les niveaux de conseil délivré [16], elle ne peut se réduire à l’usage de formules standardisées [17]. Ce conseil doit être donné en contemplation de l’intérêt du client.
II. La protection du client dans la mise en œuvre de l’information et du conseil.
La mise en œuvre de l’obligation d’information et de conseil suppose un écrit (A). Tandis que les manquements sont sanctionnés tant au niveau administratif qu’au niveau civil (B).
A. L’exigence d’un support écrit.
Les informations et le conseil dus par l’intermédiaire doivent être présentés par écrit ou sur un support durable [18]. En application des textes, l’ACPR apprécie avec sévérité les carences et insuffisances du professionnel dans : la délivrance des informations précontractuelles, le recueil des besoins et exigences du client ainsi que la motivation du conseil [19]. L’autorité de contrôle exige ainsi une formalisation et une traçabilité des informations et du conseil délivrés par le distributeur [20].
En pratique, le respect de ces exigences peut prendre la forme de trois documents. D’abord, un document qui récapitule l’ensemble des informations légales devant être transmises au client dès l’entrée en relation. Ensuite, un contrat de mandat par lequel le courtier se voit missionner par le client. Il permet le recueil des renseignements utiles sur la situation, les exigences et les besoins du client. Enfin, un rapport dans lequel le courtier présente la solution retenue ainsi que sa motivation. Dans cette matière, comme dans d’autres, la dénomination retenue par les parties importe peu. L’essentiel réside dans le respect des étapes qui permettent de répondre aux obligations d’information et de conseil de l’intermédiaire.
Le professionnel qui n’administre pas la preuve écrite du respect de ses obligations s’expose à sanctions.
B. Les sanctions du manquement.
1. Des sanctions administratives prononcées par l’ACPR.
À travers sa commission des sanctions, l’ACPR prononce des sanctions disciplinaires à l’encontre des contrevenants [21]. Ces sanctions vont de l’avertissement à l’interdiction d’exercice. Cette dernière peut aller jusqu’à 10 ans. Les sanctions peuvent être assorties d’une amende pouvant aller jusqu’à cent millions d’euros.
Dans une décision de 2022 [22], l’ACPR a ainsi condamné une société et ses dirigeants à des amendes et interdictions d’exercice. La société avait manqué à son devoir de conseil et son obligation de remise d’une « information précontractuelle exacte et suffisante, sur un support durable et en temps utile ». Les dirigeants de la société engageaient leur responsabilité directe et personnelle pour n’avoir pas mis en œuvre les mesures nécessaires à la cessation des manquements [23]. La société et son gérant de fait furent chacun condamnés à 20.000€ d’amende et une interdiction d’exercice de 7 ans. Le gérant de droit fut condamné à 10.000€ d’amende et une interdiction d’exercice de 5 ans.
Dans un communiqué de presse du 18 mars 2025, l’ACPR rappelle que les sanctions pécuniaires qu’elle prononce ne peuvent être couvertes par une assurance [24]
2. Des sanctions civiles prononcées par le juge judiciaire.
Le client peut, dans les conditions de la responsabilité civile contractuelle, solliciter, au titre de la perte de chance, la réparation du préjudice qu’il subit du fait du manquement de l’intermédiaire à ses obligations [25]. C’est le cas lorsque l’assuré se voit opposer un refus de garantie par l’assureur. En effet, il y a lieu de penser que s’il avait été correctement informé et conseillé, le souscripteur aurait fait un choix différent. Cette action en responsabilité se prescrit par 5 ans à compter du jour où l’assuré a connu ou aurait dû connaître le refus de garantie [26].
Un principe de subsidiarité ? A l’analyse de décisions des juges du fond, une doctrine récente a identifié l’application par certains juges d’un principe de subsidiarité de la responsabilité de l’intermédiaire d’assurance [27]. En vertu de ce principe, la responsabilité de l’intermédiaire pour manquement aux obligations d’information et de conseil ne peut être engagée qu’en cas de défaut de garantie de l’assureur [28]. L’existence d’une telle condition préalable n’a cependant pas été confirmée par la Cour de cassation à ce jour.
Conclusion.
En somme, l’étude du droit positif révèle que l’activité de distribution d’assurances notamment par un courtier, suppose le respect strict des obligations d’information et de conseil à l’égard du client. La conformité à ces règles protectrices du consommateur apparaît ainsi comme un gage de qualité de la prestation offerte par le professionnel.
Des directions juridiques avisées - faut-il dire fortunées ? - ont su convaincre les clients internes de l’intérêt stratégique et marketing de la conformité. En effet, outre que le respect des règles de conformité permet de se prémunir du risque juridique, force est de constater qu’il participe, aujourd’hui, de la valeur perçue par le client. Ce dernier accorde ainsi une valeur accrue à la prestation offerte par un conseiller humain dont il a confiance qu’il agit dans son intérêt.