Forum : Questions techniques et entraide entre juristes

Sujet : Pénalistes, votre connaissance de la pratique m'intéresse !

Echanges sur des points de droit.
 

de tr3fle   le Ven 18 Jan 2008 21:27

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Je me suis effectivement mal exprimée, du reste par internet, il n'est guère simple de faire la synthèse de plusieurs points de vue. Et en me relisant je m’aperçois avoir faire un contresens, en effet, veuillez m’en excuser. Je vais donc tenter d'être un peu plus claire.

Concernant ma remarque sur "le sens humain" du juge, il est patent que celui-ci s'efforcera de rendre un jugement le plus juste. Cela dit, je réagissais par rapport au post de LexiBreizh, lorsqu'elle évoquait avoir vu des magistrats bailler et ne pas décider d'un suivi psychologique. Certes, la Justice ne peut résoudre tous les problèmes qui découlent ou préexiste à une infraction. Mais des lois existent pour admettre ce type de suivi pour n'évoquer que celui-ci, bien que nous le savons, matériellement, il en existe peu..

Il n'empêche que l'intervention de Padawan est troublante. Il évoque que dans la pratique le juge peut évaluer l’intention morale à la lumière du passé du prévenu, d’une enfance sans référentiel affectif, par exemple. Si je conçois cette approche dans certains cas, en revanche, je peux en être étonnée, voire sidérée pour d'autres, car au regard de la victime, le dommage matériel ou corporel reste objectivement le même.

Plus concrétement, je souhaiterais prendre un exemple, où une victime est volontairement brûlée dans un autobus (un fait réel d’actualité). Pensez-vous que dans un contexte gravissime, la personnalité du délinquant soit étudiée (d’ailleurs la Justice en a-t-elle le temps ?) - au point que l’on puisse l’excuser d’avoir porté atteinte à une personne, sous prétexte qu’il a lui-même vécu dans la violence, sans prender conscience de l’intention de nuire lors de l’infraction ? En étant trop attentif au profil du délinquant, doit-on considérer que le juge joue le rôle "d'assistante sociale" ? Ou ne fait-il qu’appliquer la loi, en appréciant l’élément moral ? La frontière est peut-être fine…

En tant qu’apprentie juriste, je veux bien croire qu’il appartient au juge de fonder sa conviction à partir des éléments de l’affaire, mais… quand bien même le juge aurait tendance à rendre des jugements cléments, de quelle manière le principe de la personnalisation des peines doit-il être appréhendé dans des situations d'une extrême gravité ? Voici donc en situation l’une des principales questions que je me posais lors de ma première intervention.

Par ailleurs, et sans vouloir généraliser, je disais avoir été confrontée à la froideur des juges. Dans deux cas. Au civil, dans une affaire personnelle de maladie, à maintes reprises. Avec le recul, je pense toujours que le fait d’avoir été déboutée restait injustifié. Et au pénal, j'étais intervenue en tant que "conseil" pour une amie, dans un affaire (prescrite) de maltraitance sur enfant. Je me suis trouvée confrontée à des situations décourageantes, où l’on reléguait l’affaire à des psychologues, alors que la Justice avait les moyens de transmettre le témoignage, objet de la requête. Fort heureusement, et à mesure de monter en hiérarchie, mon amie a obtenue gain de cause.

   

de Le Pacha   le Sam 19 Jan 2008 0:00

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tr3fle a écrit :Il n'empêche que l'intervention de Padawan est troublante. Il évoque que dans la pratique le juge peut évaluer l’intention morale à la lumière du passé du prévenu, d’une enfance sans référentiel affectif, par exemple. Si je conçois cette approche dans certains cas, en revanche, je peux en être étonnée, voire sidérée pour d'autres, car au regard de la victime, le dommage matériel ou corporel reste objectivement le même.


Bonjour,

Qu'il me soit permis de revenir aux fondamentaux. Padawan n'exprime en rien un sentiment personnel mais, à la fois :

- un fait, sur la nécessité duquel s'accordent (avec une portée et des des interprétations évidemment distinctes sinon antithétiques) les néo-classiques (ROSSI, ORTOLAN, GUIZOT...), les positivistes (FERRI, GAROFALO, LOMBROSO...) et les penseurs de la défense sociale nouvelle (Marc ANCEL...) : on juge moins le crime que le criminel ;

- une réalité juridique : l'enquête sociale en direction du mis en cause est une obligation juridique imposée au juge par le législateur dans nombre d'hypothèses (mineurs, majeurs de 18 à 21 ans, crimes, auteur titulaire exclusif de l'autorité parentale d'un mineur de 16 ans résidant de façon habituelle chez lui, etc...). Il en est de même pour le suivi socio-judiciaire, notamment depuis la loi du 17 juin 1998 en direction des auteurs d'infractions à caractère sexuel.

Dès lors, si je peux me permettre, il ne me paraît que peu opportun de placer le débat sur le terrain des "passions", et a fortiori d'y accueillir le manichéisme des "magistrats qui baillent et n'écoutent pas les vertueux avocats qui défendent ceux qui volent pour manger" et celui des juges "assistantes sociales au chevet des malfaisants, sans considération du sort des victimes".

Cordialement,
- On n'a pas de mandat... vous connaissez la Loi.
- Moi, oui. Mais c'est pas chez moi qu'on monte.

   

de Camille   le Sam 19 Jan 2008 11:23

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Bonjour,
C'est bien là tout le problème et c'est bien pour ça que je pense que le métier de juge est sûrement l'un des plus difficiles si on veut l'exercer avec compétence et impartialité, c'est-à-dire "rendre la justice avec justesse".
A la limite et à lueur de ce que vous dites, un jugement pourrait être considéré comme équilibré lorsqu'il ne laisse que des mécontents : le prévenu parce qu'il considère qu'il a été condamné trop sévèrement, les victimes parce qu'elles considèrent qu'il ne l'a pas été assez...
Et le juge parce qu'il ne sait pas s'il a bien fait...

   

de Le Pacha   le Sam 19 Jan 2008 12:39

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Bonjour,

D'accord pour les doutes du Juge qui ne doivent, à mon très humble avis, jamais le quitter. En revanche, laissez-moi croire, s'il vous plaît, que l'équilibre d'un jugement peut aussi se mesurer à la reconnaissance du condamné de la "justesse" de la peine prononcée (pas plus sévère qu'il ne faut, mais pas moins) et à celle de la victime (dont le préjudice aura été "justement" reconnu et pris en compte). D'ailleurs, à ce sujet, le législateur n'a-t-il pas récemment créé un "Juge délégué aux droits des victimes" ?

Et si la "mission" de Juge est difficile, n'appartient-il pas au "métier" d'avocat d'aider le justiciable (mis en cause ou victime) à accueillir objectivement la décision prononcée ? N'est-on pas en droit d'attendre de l'avocat une action dépassant la défense des seuls intérêts individuels, en direction d'une sensibilisation de son "client" vers les exigences et les contraintes de la régulation sociale assurée par le Juge ? Ce n'est qu'à cette condition, me semble-t-il, que l'avocat puisse être valablement appréhendé comme "auxiliaire de Justice".

Cordialement,
- On n'a pas de mandat... vous connaissez la Loi.
- Moi, oui. Mais c'est pas chez moi qu'on monte.

   

de RUD   le Sam 19 Jan 2008 12:57

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Le Pacha a écrit :N'est-on pas en droit d'attendre de l'avocat une action dépassant la défense des seuls intérêts individuels, en direction d'une sensibilisation de son "client" vers les exigences et les contraintes de la régulation sociale assurée par le Juge ? Ce n'est qu'à cette condition, me semble-t-il, que l'avocat puisse être valablement appréhendé comme "auxiliaire de Justice".


Bonjour,

C'est déjà le cas à mon sens. Il ne faut pas s'arrêter aux interventions de quelques confrères médiatiques qui sont dans la caricature de la défense pénale.

Quand dans la plupart des situations, vous avez des cas sociaux à défendre, que le dossier est limpide et perdu d'avance, c'est profil bas, la théorie de Maxwell qui s'applique : Pas la peine d'en rajouter...

On fait se qu'on peut, avec les moyens que l'on a.

Cordialement.

   

de Le Pacha   le Sam 19 Jan 2008 13:17

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Bonjour,

N'ayez aucun doute à mon sujet : je "sais", ne serait-ce que de façon empirique, que l'écrasante majorité des avocats oeuvrent dans ce sens. Comme dans l'ensemble des corporations, je dirais même des "groupes humains", les outrances de quelques individualités causent préjudice en premier lieu à leurs "semblables" et leur singularité n'est en rien représentative.

Pour autant, ce qui est évident entre professionnels de terrain l'est parfois moins pour des profanes, et en l'espèce une étudiante dont le droit pénal, sans préjudice de ses bons résultats par ailleurs, ne se résume qu'à 10 mn d'oral. Le sens de mon intervention n'avait d'autre ambition que de contribuer à éclairer TR3FLE.

Cordialement,
- On n'a pas de mandat... vous connaissez la Loi.
- Moi, oui. Mais c'est pas chez moi qu'on monte.

   

de Camille   le Sam 19 Jan 2008 14:00

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Bonjour,
Le Pacha a écrit :En revanche, laissez-moi croire, s'il vous plaît, que l'équilibre d'un jugement

C'est bien pourquoi j'ai écrit
"A la limite et et à lueur de ce que vous dites"
qui se référait à
Le Pacha a écrit :Dès lors, si je peux me permettre, il ne me paraît que peu opportun de placer le débat sur le terrain des "passions", et a fortiori d'y accueillir le manichéisme des "magistrats qui baillent et n'écoutent pas les vertueux avocats qui défendent ceux qui volent pour manger" et celui des juges "assistantes sociales au chevet des malfaisants, sans considération du sort des victimes".

cette éventualité...
:wink:

 
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