Les images d’œuvres et la mention « droits reservés ».

Par Emmanuel Pierrat, Avocat.

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Explorer : # droit d'auteur # Œuvres orphelines # photographie # droits réservés

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Cet article rappelle l'importance de respecter les droits d'auteur des photographes, de soutenir la création et de protéger les œuvres orphelines. La mention «DR» est controversée, car elle peut encourager des abus et nuire aux droits moraux des auteurs non identifiés. Des réformes sont nécessaires pour mieux encadrer cette pratique.
Description rédigée par l'IA du Village

En 2010, des acteurs du secteur de l’audiovisuel, tels que Yann Arthus-Bertrand ou Raymond Depardon, s’étaient déjà mobilisés en signant une pétition pour lutter contre le fléau des « droits réservés » (DR). Cette pétition renforçait une proposition de loi visant à endiguer la mention « DR » qui est restée lettre morte.
Quelques années plus tard, le 6 mai 2022, le ministère de la Culture a publié la liste de treize mesures parmi les trente-et-une proposées par le rapport de Laurence Franceschini, Conseillère d’État, sur le financement de la production et de la diffusion d’œuvres photographiques [1].

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Ce rapport, confié par Roselyne Bachelot-Narquin alors ministre de la Culture, visait différents objectifs tels que le respect du droit d’auteur des photographes, le soutien à la création, tant aux femmes qu’aux acteurs de la chaîne, la protection du patrimoine photographique et le soutien à l’éducation à l’image.

Parmi les axes dégagés par ce rapport, l’amélioration du respect du droit d’auteur des photographes à travers la mention « DR » interpelle le monde de l’art et du droit.

Cette mesure vise à « empêcher les recours abusifs à la mention de droits réservés (qui s’effectue sans réelle recherche de l’auteur) », ainsi les photographes auteurs des images pourraient être décemment identifiés.

Quelle est l’origine de cette pratique fréquente qui met à mal le droit d’auteur ?

La mention « droits réservés » a été utilisée après la Seconde Guerre mondiale afin de permettre l’utilisation des œuvres dites « orphelines » par la presse ou des tiers.

À cette période, certains éditeurs publiaient des photographies d’histoire en consignant les sommes à reverser aux auteurs qui viendraient à être identifiés.

Les œuvres orphelines.

Une œuvre orpheline est une œuvre protégée par le droit d’auteur ou par les droits voisins dont le titulaire de droits n’a pas pu être identifié ou bien n’a pas pu être localisé.

L’article L113-10 du Code de la propriété intellectuelle reprend la définition adoptée par la commission spécialisée du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) le 10 avril 2008 :

« L’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses. Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n’est pas considérée comme orpheline ».

Avec l’évolution des usages, notamment dans la presse et sur Internet, les organismes qui souhaitaient exploiter les œuvres orphelines apposaient la mention « DR » ou « droits réservés » à la place du nom de l’auteur afin de prouver leur bonne foi.

Le recours à la mention « DR » s’est notamment répandu dans le domaine de la photographie. L’utilisation de cette mention permet d’indiquer publiquement que les droits d’exploitation des œuvres utilisées sont réservés au bénéfice d’un titulaire de droits d’auteur, s’il venait à être identifié ou retrouvé.

Le débat autour de l’apposition abusive de la mention « droits réservés » ne date pas d’hier. En effet, il y a de ça quelques années, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) a été confronté à la problématique tenant à l’identification des titulaires de droits sur des œuvres lors de l’archivage des productions audiovisuelles.

De la même manière, certains organismes spécialisés dans la numérisation de bibliothèques ont réalisé des bénéfices considérables grâce à l’utilisation abusive de la mention « droits réservés » en privant les auteurs de leurs droits moraux et d’une juste rémunération de l’exploitation de leur travail.

Dans la pratique, les œuvres orphelines sont extrêmement nombreuses et la grande majorité des contrats de production prennent fin de manière naturelle lorsque les œuvres ne sont plus communiquées publiquement, sans même être résiliés et sans que les auteurs ne soient prévenus.

Dans la plupart des cas, l’auteur de l’œuvre ne perçoit jamais ses droits d’auteur sur les ouvrages inexploités, pourtant toujours protégés par le droit d’auteur pour une durée de 70 ans après la mort de l’auteur.

La condition du recours à la mention « Droits Réservés » ou « DR ».

Pour pouvoir exploiter une œuvre, l’utilisateur de celle-ci doit effectuer des recherches diligentes, avérées et sérieuses pour retrouver le titulaire de droit. Si l’auteur de l’œuvre n’a pas été identifié ou retrouvé, alors l’œuvre sera qualifiée d’orpheline et l’utilisateur pourra recourir à la mention « droits réservés ».

À cet effet, l’article R135-1 du Code de la propriété intellectuelle vient préciser les modalités d’utilisations d’œuvres orphelines en énumérant les sources d’information à consulter selon les différentes catégories d’œuvres.

Pour ce qui est des œuvres visuelles, notamment de la photographie, un tiers qui souhaiterait utiliser la mention « DR » devra nécessairement consulter, parmi d’autres, les registres du dépôt légal, les bases de données des organismes de gestion collective agréés pour la gestion du droit de reproduction par reprographie ou encore les bases de données des agences de presse et des agences photographiques et d’illustration.

Dans la pratique, si l’auteur d’une œuvre ne parvient pas à être identifié, l’utilisateur qui entend exploiter l’œuvre devra adresser des lettres recommandées aux personnes susceptibles de fournir des renseignements sur l’auteur recherché. Ces avis de recherche pourraient permettre de démontrer la bonne foi de l’utilisateur de l’œuvre orpheline et de minimiser, à l’avenir, le montant des dommages-intérêts.

Par ailleurs, il faudra que l’utilisateur puisse démontrer son impossibilité à recourir à une autre image que celle utilisée.

De toute évidence, les sources à consulter sont considérables et il semblerait, en réalité, que les utilisateurs n’effectuent pas un effort de recherche certain.

La confrontation avec le droit à la paternité de l’œuvre.

L’article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle attribue à l’auteur d’une œuvre un « droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre » au titre de son droit moral. En vertu du droit à la paternité, tout auteur est fondé à réclamer que son nom soit apposé sur chaque reproduction de son œuvre pour être reconnu publiquement comme étant l’auteur de celle-ci.

Rappelons qu’en matière d’œuvres orphelines, les auteurs n’ont pas pu être identifiés et leur nom n’a pas pu être mentionné, même s’il n’est pas impossible qu’ils réapparaissent un jour.

L’étendue du droit moral en la matière pose question, est-il paralysé durant toute la durée de l’« orphelinat » ? Pour rappel encore, le droit moral de l’auteur, et le droit à la paternité de l’œuvre, est un droit perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Une telle solution reviendrait donc à méconnaître les principes fondamentaux du droit d’auteur.

En apparence, tout laisserait à penser que l’argent est réservé dans l’attente d’identifier l’auteur de l’œuvre, mais cette idée est chimérique.

La jurisprudence a tendance à assimiler la mention « DR » à un maquillage candide d’une violation de règles élémentaires de propriété littéraire et artistique. Dans la plupart des cas, cette formule est révélatrice d’une atteinte aux droits patrimoniaux et aux droits moraux de l’auteur, ou de son ayant droit, et nous alarme sur la nécessité de réformer le présent système, comme l’envisagerait le rapport Franceschini.

Emmanuel Pierrat, Avocat au barreau de Paris, Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle

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Notes de l'article:

[1Lien vers le rapport Franceschini.

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