Dépôt de bilan et période suspecte : ces actes qui peuvent vous coûter cher.

Par Sophie Capdeville, Avocat.

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Explorer : # période suspecte # nullité des actes # égalité entre créanciers # responsabilité du dirigeant

Ce que vous allez lire ici :

La période suspecte est un laps de temps entre la cessation de paiements et l’ouverture d’une procédure de redressement ou liquidation. Les actes réalisés durant cette période peuvent être annulés pour préserver l’égalité entre créanciers. Les dirigeants doivent agir prudemment pour éviter des conséquences juridiques graves.
Description rédigée par l'IA du Village

Lorsqu’une entreprise traverse une crise de trésorerie sévère, ce qui est parfois le cas actuellement et que le dépôt de bilan devient inévitable, la tentation est grande d’agir dans l’urgence et d’avoir une vision court terme : solder certaines dettes, sécuriser des biens, rassurer des partenaires, ou encore modifier des engagements contractuels. Pourtant, dans les semaines ou mois qui précèdent le jugement d’ouverture d’une procédure collective, chaque décision du dirigeant peut être scrutée et remise en cause, parfois avec de lourdes conséquences. C’est ce que le droit appelle la période suspecte et c’est ce que rappellent souvent les juridictions à l’instar de la Cour d’appel de Grenoble dans une décision du 30 janvier 2025, n° 22/04426 [1].

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Explications : commençons par définir la période suspecte ?

La période suspecte est une période rétroactive qui commence à la date de cessation des paiements, telle que fixée par le tribunal, et s’achève au jugement d’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire. Elle peut remonter jusqu’à 18 mois avant ce jugement, voire plus en cas de fraude.

Il est rappelé au dirigeant que normalement, le dépôt de bilan doit s’effectuer dans les 45 jours de la date constatée de l’état de cessation des paiements (impossibilité de faire face à son passif exigible avec l’actif disponible).

Mais parfois, le chef d’entreprise désireux de trouver des solutions sans le concours du tribunal de commerce, demandera l’ouverture d’une procédure collective bien après ces fameux 45 jours.

Durant cette période, le dirigeant reste à la tête de son entreprise, mais certains actes réalisés dans l’urgence peuvent être annulés, car ils sont considérés comme portant atteinte à l’égalité entre les créanciers.

Quels actes sont risqués, voire annulables ?

La loi prévoit un régime strict de nullités de la période suspecte [2], classées en deux catégories :

1) Les nullités automatiques (nullités de droit) : aucune appréciation possible du Juge !

Certaines opérations sont nulles de plein droit si elles ont été réalisées pendant la période suspecte, par exemple :

  • Le paiement d’une dette non échue, c’est précisément le cas soumis à la Cour d’appel de Grenoble qui rappelle sans ambiguïté que : « le remboursement anticipé du solde du contrat de prêt le 17 juillet 2019, soit postérieurement à la date de cessation des paiements fixée au 1ᵉʳ juin 2019 et antérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire de la société XXXX le 2 septembre 2019, constitue un paiement de dette non échue au jour du paiement réalisé pendant la période suspecte, qui est en conséquence frappé de nullité en application de l’article L632-3° du Code de commerce précité ».
  • Un paiement non usuel (par exemple, remise d’un bien au lieu d’un virement bancaire) ; un paiement fait par compensation.
  • La constitution d’une sûreté réelle ou personnelle pour garantir une dette ancienne.
  • Un acte à titre gratuit, comme un don d’un bien à un tiers.

2) Les nullités facultatives (nullités judiciaires).

Le tribunal peut aussi annuler des actes s’il est prouvé que le cocontractant connaissait l’état de cessation des paiements de l’entreprise. Il peut s’agir :

  • D’une vente à un prix manifestement déséquilibré ;
  • D’un paiement anticipé suspect ;
  • D’une renonciation à un droit ou d’une remise de dette injustifiée.

Pourquoi ces actes sont-ils sanctionnés ?

L’objectif du droit des entreprises en difficultés est de préserver l’égalité entre les créanciers. Un dirigeant ne peut pas, juste avant la procédure collective, favoriser un créancier au détriment des autres. De même, il ne peut pas appauvrir l’entreprise ou soustraire certains actifs à la procédure puisque cela va nuire à l’ensemble des créanciers.

Si de tels actes sont annulés :

  • Les paiements devront être remboursés ;
  • Les biens devront être restitués à l’entreprise ;
  • Dans certains cas, la responsabilité personnelle du dirigeant peut être engagée et attention, les sanctions de ces procédures peuvent être très graves pour le dirigeant.

Avant de déposer le bilan, il est donc impératif de :

  • Identifier les actes risqués : évaluer les contrats ou opérations envisagés et déterminer s’ils peuvent tomber sous le coup des nullités.
  • Structurer les opérations urgentes : certaines décisions peuvent encore être prises, mais elles doivent être formalisées correctement, avec des justifications économiques solides.
  • Anticiper la procédure collective : préparer votre dossier, déclarer la cessation des paiements au bon moment
  • Protéger votre responsabilité personnelle : de pas donner envie au mandataire d’aller agir en responsabilité personnelle, faillite ou interdiction de gérer.

Message aux dirigeants : agir, mais avec prudence.

Trop souvent, les chefs d’entreprise ne mesurent pas l’impact de l’antériorité de leur gestion avant de déposer le bilan, tout sera scruté à la loupe donc même si le droit des procédures collectives est un outil de gestion de crise, conçu pour aider les entreprises à se redresser ou à se liquider dans le respect des règles, c’est aussi un droit de responsabilité.

Entre l’état de cessation des paiements et l’ouverture officielle de la procédure, chaque signature, chaque paiement, chaque transfert peut être analysé rétrospectivement. Ne naviguez pas à vue.

Conclusion.

Agir sans recul avant d’envisager une demande de redressement ou de liquidation judiciaire, c’est courir un double risque : celui de voir les actes annulés par le tribunal et celui d’engager sa responsabilité de dirigeant.

Sophie Capdeville, Avocat
Barreau de Grenoble

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Notes de l'article:

[2Articles L632-1 et suivants du Code de commerce.

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