Victimes de faux conseillers bancaires : quand agir ?

Par Virginie Audinot, Avocat.

117 lectures 1re Parution:

Explorer : # fraude bancaire # délai de prescription # responsabilité bancaire # droit des victimes

Ce que vous allez lire ici :

Le délai de 13 mois mentionné dans le Code monétaire et financier concerne uniquement la notification des fraudes à la banque, sans influencer le délai de prescription pour agir en justice.
Description rédigée par l'IA du Village

Le spoofing, cette technique de fraude qui consiste à usurper l’identité d’un tiers, ici précisément celle d’un conseiller bancaire ou d’un préposé de la banque au service anti-fraude le plus souvent, est devenu à ce jour un enjeu majeur dans le domaine bancaire. Les conséquences de cette pratique sont souvent désastreuses pour les victimes, qui se retrouvent démunies face à des pertes financières parfois significatives.

-

Quasi systématiquement, les banques refusent de prendre à leur charge les détournements réalisés par les fraudeurs à l’insu de la victime, et invoquent à ce titre une négligence grave de cette dernière, pour tenter de se défaire de leurs obligations contractuelles de remboursement.

La plupart du temps, les banques sont par ailleurs inactives dans la recherche d’une solution.

Pire, elles tentent encore, lorsque la victime tente de faire valoir ses droits en justice, d’opposer un « délai de forclusion » de 13 mois pour prétendre que la victime de la fraude, considérant alors que leur client serait hors délai pour agir devant les juridictions.

Quel est alors le délai d’action imposé à une victime de fraude bancaire ?

L’article L133-24 du Code monétaire et financier est le texte qui nous intéresse sur cette question.

Selon ce texte :

« L’utilisateur de services de paiement (donc le client) signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement (donc la banque) une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1ᵉʳ du livre III (…) ».

Sur le fondement de ce texte, les banques tentent alors de faire échouer devant les juges, l’action initiée par les victimes de fraude, qui seraient engagées au-delà du délai de 13 mois à compter de la survenance des débits frauduleux.

Les banques soutiennent en effet que ce délai de forclusion de 13 mois concernerait l’action en justice du client victime à son encontre.

Qu’en est-il ?

L’article précité L133-24 du Code monétaire et financier a été inséré par l’ordonnance de transposition de la Directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007 relative aux services de paiement dans le marché intérieur et dont l’objet est notamment, selon le rapport au président de la République relatif à cette ordonnance, d’allonger à treize mois le délai durant lequel une opération non autorisée peut être signalée par l’utilisateur de services de paiement au prestataire de services de paiement, donc à sa banque.

Ce rapport ne fait toutefois référence à aucun délai qui serait instauré pour saisir les juridictions dans le cadre d’un contentieux sur une opération non autorisée, n’évoquant qu’un délai de signalement auprès de la banque d’une telle opération.

En outre, la création de cet article L133-24 du Code monétaire et financier a pour objet de transposer l’article 58 de la directive 2007/64/CE qui prévoit, s’agissant de la notification des opérations de paiement non autorisées, que la victime de paiement non autorisés passés au débit de son compte bancaire n’obtient de sa banque la correction d’une opération que s’il signale sans tarder à ce dernier et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit.

Il ne s’agit donc pas de l’instauration d’un délai pour saisir les juridictions mais uniquement d’un délai de notification par le client auprès de sa banque d’une opération non autorisée.

Dès lors, conformément à ces observations, le Tribunal judiciaire de Paris, dans des jugements récents du 12 mars 2025 [1] et du 10 avril 2025 [2] a jugé que si le client respecte ce délai de signalement auprès de sa banque des opérations litigieuses dans le délai de 13 mois, il doit pouvoir ensuite faire valoir sa revendication en justice dans la limite des délais de prescription conformes au droit national, soit le délai de 5 ans de droit commun.

Les juges retiennent que l’action en responsabilité que peut intenter le client à l’encontre de sa banque est conditionnée certes à une dénonciation préalable à sa banque de l’opération non autorisée dans un délai de 13 mois, mais que ce délai n’impacte pas en revanche le régime de prescription de cette action en responsabilité devant les juridictions.

Le tribunal, dans les décisions précitées, a fait observer par ailleurs que dans l’hypothèse d’un paiement autorisé par le client, mais contesté ultérieurement en raison d’une fraude liée à l’opération même, ce dernier bénéficie alors du délai de prescription quinquennal prévu à l’article 2224 du Code civil en matière d’action mobilière.

Ainsi, retenir que le délai de 13 mois prévu à l’article L133-24 du Code monétaire et financier serait un délai d’action devant les tribunaux reviendrait alors à traiter moins favorablement la victime d’un paiement non autorisé que le client ayant fait un paiement autorisé mais recherchant la responsabilité du prestataire pour un motif étranger au mécanisme de paiement.

Aussi, les juges ont-ils considéré que les victimes en l’espèce, ayant bien signalé à leur banque les opérations non autorisées dans le délai de 13 mois, il ne saurait être fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la forclusion opposée par la banque.

Cette position est à féliciter, ce d’autant plus que les banques bien souvent, tentent de faire trainer les délais, en augmentant leurs délais de réponse et en incitant les victimes à saisir d’abord le médiateur.

Il est à noter que la jurisprudence a évolué sur ce point, en faveur de la victime, ce qui ne peut qu’être applaudi.

En effet, dans des décisions de 2023 notamment, le tribunal judiciaire, à l’inverse, jugeait que le délai de 13 mois enfermait non seulement le délai de signalement, mais aussi le délai d’action du demandeur, décision particulièrement sévère et inadaptée à la situation réelle dans laquelle se retrouvent les victimes de spoofing. Ces décisions étaient d’autant plus sévères que les juges considéraient par ailleurs que la saisine du médiateur n’était alors pas même suspensive du délai de prescription.

Virginie Audinot, Avocat
Barreau de Paris
Audinot Avocat
www.audinot-avocat.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

0 vote

L'auteur déclare ne pas avoir utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article.

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1TJ Paris, 12 mars 2025, n° 24/04190.

[2TJ Paris, 10 avril 2025, n° 24/07337.

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 460 membres, 28048 articles, 127 286 messages sur les forums, 2 730 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Nouveau : Guide synthétique des outils IA pour les avocats.

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs