On le sait, la CJUE s’est déjà saisie de la problématique des allégations « on hold » / « pending » et avait déjà précisé ce qu’elle attendait des opérateurs pendant la période transitoire pour les allégations portant sur le rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans la croissance, dans le développement et dans les fonctions de l’organisme (« allégations 13.1.a ») : l’exploitant du secteur alimentaire concerné doit être en mesure de justifier les allégations qu’il emploie par des preuves scientifiques généralement admises, en s’appuyant sur des éléments objectifs bénéficiant d’un consensus scientifique suffisant [1].
L’arrêt rendu le 30 avril 2025 permet à la CJUE de rappeler que le fonctionnement actuel est anormal au visa des exigences premières du Règlement n°1924/2006 du 20 décembre 2006 concernant les allégations de nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires qui prévoyait une analyse préalable par l’EFSA des propositions d’allégations [2].
L’avocat général près la CJUE n’hésite ainsi pas à rappeler que « cette absence d’évaluation et d’examen depuis une aussi longue période apparaît critiquable et est susceptible de faire l’objet d’un recours en carence contre la Commission », dans un contexte où « compte tenu de l’image positive conférée aux denrées alimentaires faisant l’objet d’allégations de santé, les consommateurs sont susceptibles d’être influencés dans leur choix de consommation, de sorte que leur utilisation doit être strictement encadrée, notamment en reposant sur des preuves scientifiques généralement admises et en étant justifiées par de telles preuves, comme l’énonce l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1924/2006. Cette constatation apparaît particulièrement valable pour les allégations portant sur des substances botaniques dans la mesure où l’origine végétale d’une denrée alimentaire peut être associée dans l’esprit des consommateurs à un produit bénéfique pour leur santé » [3].
La CJUE inscrit d’ailleurs cette problématique au visa de la protection de la santé dont elle rappelle l’importance dans le fonctionnement de l’UE : « l’interdiction de faire la promotion des denrées alimentaires contenant des substances botaniques au moyen d’allégations de santé qui n’ont pas été préalablement évaluées et autorisées conformément à ce règlement répond à l’objectif de protection de la santé humaine et de protection des consommateurs. Selon une jurisprudence constante, l’objectif de protection de la santé revêt une importance prépondérante par rapport aux intérêts d’ordre économique, l’importance de cet objectif étant susceptible de justifier des conséquences économiques négatives, même d’une ampleur considérable ».
Ceci étant, la CJUE rappelle donc l’analyse qui doit être menée pour apprécier la conformité des allégations utilisées par les opérateurs.
1/ Soit il s’agit d’une allégation relative au rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans la croissance, dans le développement et dans les fonctions de l’organisme (allégations 13.1.a) : il convient alors d’utiliser des allégations, sous la responsabilité des exploitants du secteur alimentaire, à condition qu’elles soient conformes au présent Règlement et aux dispositions nationales existantes qui leur sont applicables (article 28.5).
Dans cette hypothèse, la charge de la preuve et le niveau de preuve requis sont régis par le Règlement, « qui exige de l’exploitant du secteur alimentaire concerné d’être en mesure de justifier les allégations qu’il emploie par des preuves scientifiques généralement admises, ces allégations devant s’appuyer sur des éléments objectifs bénéficiant d’un consensus scientifique suffisant. Dans le cas où ces conditions sont respectées, un exploitant peut continuer à utiliser des allégations de santé portant sur des substances botaniques tant que la liste visée à l’article 13 du règlement no 1924/2006 n’a pas été adoptée s’agissant de ces substances » (AG, attendu 47).
2/ Soit il s’agit d’une allégation relative aux fonctions psychologiques et comportementales (allégations 13.1.b) : il est possible d’utiliser les allégations qui ont fait l’objet d’une évaluation et d’une autorisation dans un État membre et que cet État membre a communiqué ces allégations à la Commission au plus tard le 31 janvier 2008 (article 28.6).
Dans cette hypothèse, il convient de vérifier que ces allégations sont utilisées conformément aux dispositions nationales avant la date d’entrée en vigueur de ce Règlement. L’avocat général précise alors que « si les allégations de santé ont fait l’objet d’une évaluation et d’une autorisation dans un État membre et que cet État membre a communiqué ces allégations à la Commission au plus tard le 31 janvier 2008, les allégations qui n’ont pas été autorisées par la Commission en vertu de la procédure indiquée (ce qui est le cas pour les allégations portant sur les substances botaniques) peuvent continuer à être utilisées pendant une période de six mois après l’adoption de la décision de la Commission. Dans la mesure où ce paragraphe 6, contrairement au paragraphe 5 de cet article, ne fait pas mention de la condition que les allégations « soient conformes » au règlement no 1924/2006, je considère, comme la Commission, que la poursuite de l’utilisation d’une allégation de santé portant sur des substances botaniques relève du seul droit national ».
Que doit-on en déduire pour l’application du Règlement n°1924/2006 du 20 décembre 2006 ?
A mon sens et à ce jour, rien de totalement nouveau.
L’autorité alors compétente, la DGCCRF, a établi un tableau récapitulatif des allégations utilisables.
Au titre du mode d’emploi, elle a expressément rappelé le contexte, notamment, que « ces allégations "en attente" bénéficient des mesures transitoires visées aux articles 28.5 et 28.6 du règlement ».
En d’autres termes, et sous les réserves habituelles liées à la portée de la « soft law », la DGCCRF a permis aux opérateurs d’appréhender les allégations couvertes par les périodes transitoires et qui demeurent autorisées à ce jour.
Bien évidemment et ainsi que les contrôles des DDPP le rappellent régulièrement aux opérateurs, il ne suffit pas (plus) de viser l’allégation « en attente » mais il convient, comme indiqué par la CJUE, d’avoir à disposition les éléments permettant de justifier ces allégations sur le plan scientifique.