Suite de ma contrib' postée le: Mar 28 Avr 2009 2:29
Avec votre aimable accord, j'aimerais compléter mon intervention :
1. Avant de rejoindre l'industrie, je m'étais tout d'abord intéressé au métier d'avocat : j'ai en conséquence commencé à travailler (comme salarié) dans plusieurs Cabinets (à Paris, Versailles et même dans le sud de la France). Une activité assurément riche : d'enseignements surtout. Qui avait permis au jeune idéaliste que j'étais (la veuve, l'orphelin et tout ça...) de réaliser soudain que derrière l'apparat et le fameux serment, un cabinet d'avocats n'est finalement qu'une petite "affaire" comme les autres, qu'il faut faire "tourner". Parfois de singulière façon (il me souvient m'être un jour fait "allumer" sévère pour avoir passé trop de temps sur un dossier d'aide judiciaire au lieu de m'occuper de dossiers allégués plus "rentables"). Je m'étais alors dit que s'il s'agissait de "faire du pognon à tout prix", mieux valait rejoindre l'économie réelle, c'est-à-dire l'industrie, où les choses sont plus claires: certes, l'entreprise n'est pas une annexe de Saint-Vincent de Paul, mais elle a au moins la décence de ne pas essayer de faire croire le contraire.
2. lors de la fusion des professions de Conseil Juridique et d'Avocats, pour faire voter la nouvelle loi (avec la petite disposition relative aux juristes d'entreprises, l'art. 58 qui -sous couvert de "reconnaissance"- a en réalité réduit leur champ d'intervention), les Avocats avaient fait valoir ad nauseam qu'il fallait règlementer l'exercice du droit pour protéger les consommateurs des agissements dommageables de "petites officines" qui pratiquaient le droit sans filet (comprendre "sans formation, ni éthique, ni assurance professionnelle") à travers notamment les petites annonces gratuites de journaux de quartier.
Comme toujours, l'argument de la défense des consommateurs semblait bien noble. Mais soyons réalistes :
- toutes les corporations dites "libérales" sont portées à en user (abuser?) pour promouvoir à intervalles réguliers appétits professionnels et privilèges anti-concurrentiels,
- quel rapport entre ces "officines" et les juristes d'entreprise qui, outre une expérience opérationnelle incomparable, comptent souvent parmi eux des praticiens au bénéfice d'une formation juridique supérieure excédant largement le minimum d'études requis pour passer le CAPA ?
3. En réalité, dans les conditions où elle est intervenue, l'opération de fusion avocats/conseils juridiques a bel et bien consisté à créer au profit des avocats un quasi-monopole de l'exercice du droit. Je ne sais si cela relevait d'une stratégie à long terme réellement planifiée par des caciques du barreau, mais voici :
- en "avalant" les Conseils Juridiques, les avocats espéraient disposer d'un meilleur accès au "gâteau" (je tiens cette expression détestable de quelques uns d'entre eux) du marché juridique des entreprises. Malheureusement pour eux, cela n'a pas aussi bien fonctionné que ce qu'ils le pensaient car restaient les juristes d'entreprise : un métier de terrain, qui requiert des qualités humaines et pédagogiques, une réactivité et une disponibilité qui ont vraiment peu de rapports avec le fait de posséder ou non le CAPA ;
- bien que l'article 58 ait dressé une manière de "barrière sanitaire" autour des juristes d'entreprise (limitation de leur champ d'intervention), cette profession n'a pas cessé en effet de monter en puissance depuis (mondialisation de l'économie et rapport intime particulier à l'entreprise dont ils maîtrisent "culture" et relations humaines spécifiques comme jamais ne pourront le faire des prestataires externes).
4. Quel est aujourd'hui l'objectif de la nouvelle réforme en gestation ?
- s'il s'agit vraiment d'exproprier les juristes d'entreprise contemporains de leur territoire naturel (l'entreprise), ceux-ci doivent s'organiser pour faire échouer la manoeuvre, en y associant éventuellement les organisations patronales qui n'ont peut-être pas intérêt à voir le service juridique des entreprises tomber aux mains de praticiens traditionnellement imprégnés d'une culture d'auxiliaires de justice peu adaptée à l'univers interne de l'économie réelle ;
- et s'ils veulent le faire utilement, les juristes d'entreprise doivent impérativement trouver dans leur activité et leur philosophie spécifiques une inspiration propre.
Ils doivent surtout cesser d'avoir à la profession d'Avocat le rapport complexé qu'avaient certains de leurs aînés. Exemples concrets :
- il me souvient avoir été fort surpris par une affligeante revendication des conseils juridiques dans les dernières années de l'existence de cette profession en France (ces M'sieurs-Dames voulaient qu'on les autorise eux aussi à ... porter la robe !

),
- ayant fait un temps partie de l'AFJE (ce n'est pas jeune), je me rappelle avoir été bien étonné par l'attitude de certains de ses dirigeants envers les représentants du barreau invités lors de nos réunions. Il nous faut bien sûr être courtois et entretenir de bons rapports avec les autres professionnels du droit, mais là il s'agissait manifestement d'autre chose: comme un souci de reconnaissance confinant à la soumission.
Nous ne sommes pas en mode vocal, mais : "Qui habet aures audiendi, audiat" (que celui qui a des oreilles pour entendre entende)
Cordialement