1/ VRAI ou FAUX ? L’innovation est disruptive, héroïque, très impactante.
L’innovation devrait marquer les esprits d’un grand coup, serait un vaste balayage, une révolution en somme... Elle devrait être "disruptive", mot souvent employé un peu vite comme évoquant une sorte de génie créatif, un peu destructeur, mais magique.
Ça peut arriver en effet, mais on ne construit pas tous les jours une Tour Eiffel ; on n’invente pas tous les jours un concept transcendant. Bien au contraire, l’innovation est un chemin de tous les jours, qui appartient à chacun et non pas à certaines personnes "supérieurement imaginatives", des top-managers de magazine...
L’innovation n’est pas non plus nécessairement risquée, ultra-audacieuse, voire dangereuse pour la santé mentale de ceux qui échouent (parfois aussi de ceux qui réussissent...).
Revenons sur Terre : toutes les directions juridiques peuvent innover, en prenant des risques calculés, progressifs, non destructeurs, avec un objectif, une direction. C’est la politique des petits pas (certains pas sont un peu plus grands que d’autres, mais aucun ne perd en chemin la moitié de l’effectif de la Direction juridique...), c’est l’idée du "kaizen" des japonais [1], ou de l’innovation frugale [2], démarche revendiquée par exemple par la Direction juridique de Dell.
Conclusion ? Détendons-nous, il n’y pas de héros qui transformera la direction juridique d’un coup de super-pouvoir. Il n’y a que des managers très humains, qui savent emmener une équipe, pas après pas.
L’innovation est un passage à l’acte pragmatique et collectif, pas une rupture systématique. [3]
2/ VRAI ou FAUX ? L’innovation est enthousiasmante, euphorisante et porte une équipe.
Oui elle peut l’être, parfois, mais il y a un énorme écueil : souvent on confond le but et le moyen, c’est à dire que l’on pense devoir innover pour exister, pour manager, pour se valoriser. On innove pour innover finalement, puisque c’est dans l’air du temps et que cela fédèrera les équipes autour d’un projet commun.
Halte-là ! Comme vu dans le point précédent, l’innovation est une affaire collective, de petits pas, qui porte une équipe. Pas une affaire de carrière à un moment T d’un manager.
Mais surtout l’innovation peut se faire dans la douleur et pas du tout dans l’euphorie, au sens où il y a du travail quotidien, du "sang et des larmes" pour affronter les difficultés, pesanteurs, incompréhensions, erreurs des managers même parfois. Le discours ambiant sur l’innovation pioche dans la dialectique du plaisir, mais soyons réalistes : cela peut s’avérer en fait désagréable pour des membres d’une équipe, traumatisant s’il y a échec, difficile car il faudra convaincre les autres services. Ajoutons que cela vient presque toujours en plus de vos tâches quotidiennes, comme nous l’ont confirmé les directions juridiques candidates au Prix 2015 [4].
Donc si vous innovez, ce sera pour le bien collectif, pour rendre les lendemains meilleurs, pour participer à une aventure qui apportera du "mieux vivre ensemble", et plaisir et enthousiasme viendront tous seuls, après. Si tout va bien, votre innovation deviendra un centre de profits pour l’entreprise, et qui sait un jour un nouveau service vendu à d’autres directions juridiques...
Conclusion ? L’innovateur préfère un sport collectif au tennis, et sait qu’il y a de longues heures d’entrainement à prévoir...
3/ VRAI ou FAUX ? Innover est inaccessible à beaucoup.
Innover serait l’apanage des managers de talent qui ont du temps ?
Ce n’est pas ce que nous disent par exemple les managers candidats au 3e Prix de l’innovation en management juridique 2015. Le retour d’expérience des équipes de JOA et de la SACEM met en avant le fait qu’innover est un effort. Et cet effort, qui ne va pas sans mal, offre l’intérêt de se "frotter aux opérationnels" : enfin on se parle, on partage, on échange.
Le juriste qui innove serait donc avant tout un juriste qui a envie de sortir de son bureau... et les joies qu’il y rencontre compensent l’investissement personnel important.
Parfois aussi ils nous disent que l’innovation fait partie d’une sorte de contrat de départ, lorsqu’une équipe a été montée pour faire évoluer la direction juridique et l’entreprise... Le juriste innovant est alors clairement missionné.
Mais quoi qu’il en soit, l’innovation, une fois terminée, a avant tout pour but d’améliorer durablement le quotidien du juriste, que ce soit par des outils de Knowledge Management (pensons par exemple à la Société Générale et son programme SKILL) ou de processus (par exemple à la SACEM ou à la FNAIM).
Au fond, comme l’a rappelé Véronique Chapuis (Directrice juridique d’Armines) lors de la 5e Journée du management juridique en juin 2015 , "innover c’est souvent mettre en place un processus industriel au sein même de la Direction juridique. Il n’y a pas que les ingénieurs qui peuvent innover !"
Conclusion ? La volonté d’innovation est avant tout une question de contrat, que l’on passe dans l’équipe juridique ou avec sa direction, pour fixer un but à 1 ou 2 ans.
Comment les managers juridiques innovent-ils ?
Le Village de la Justice animait le 7 juillet 2015 au congrès des DAF et des Directions juridiques un atelier sur le thème de l’innovation des juristes, avec la participation de Florence Graveline, Prix du Jury 2015 de l’innovation en management juridique, et Christophe Barut, 2e Prix du Jury 2014.
- De gauche à Droite : Laurine Tavitian, Responsable éditoriale Village de la justice ; Florence Graveline, Chef du Service des Etudes Juridiques - Département Juridique SACEM - CIL ; Christophe Barut, Directeur juridique DELL, Europe du Sud ; Christophe Albert, Directeur Village de la justice.
En mettant en oeuvre des innovations en management juridique, les directions juridiques valorisent leur travail au sein des entreprises, améliorent leur positionnement et deviennent de véritables business partner. Commnent font-ils ? Comment valoriser ses innovations en interne et en externe ?
Nous avons tenté d’apporter des réponses à travers des témoignages des Directeurs juridiques.
Ils ont témoigné de l’importance des outils numériques dans leurs projets et de la valorisation de l’innovation en interne et en externe.
Ils ont aussi témoigné du fait que leurs innovations avaient eu un fort impact en interne et dans leurs relations avec les autres services, et invité les directions juridiques à communiquer, par exemple en proposant leur candidature pour un prochain Prix...
