Quand une jeune avocate crée son propre cabinet. Témoignage de Mélodie Kudar.

Extrait de : Installation des Avocats

Quand une jeune avocate crée son propre cabinet. Témoignage de Mélodie Kudar.

Propos recueillis par Marie Depay,
Rédaction du Village de la justice.

Mélodie Kudar, jeune avocate, a ouvert son propre cabinet en octobre 2014. Elle répond aux questions du Village de la justice afin de partager son expérience.

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"J’exerce principalement en droit pénal et en droit routier mais également en réparation du dommage corporel, en droit du travail et en droit des étrangers. J’ai d’abord obtenu un DUT Carrières Juridiques à l’IUT de Villetaneuse (Université Paris XIII), puis ma licence, mon Master 1 et mon Master 2 doit pénal et sciences criminelles à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense.
J’ai ensuite réussi le concours d’entrée au CRFPA à l’IEJ l’université Paris Ouest Nanterre La Défense et intégré la Haute Ecole des Avocats Conseils (HEDAC) de Versailles.
Ayant obtenu mon CAPA, je suis devenue avocate le 31 octobre 2012."

Pour quelles raisons avez-vous choisi d’ouvrir votre propre cabinet ?

"J’ai toujours été très indépendante et même si le statut de collaboratrice m’a permis d’apprendre énormément de choses, je n’y trouvais pas ma place."

"J’ai exercé en collaboration après l’obtention du diplôme et ce jusqu’au mois de mars 2014.Je me suis vite rendue compte que ce statut ne me convenait pas.
La collaboration peut en effet être un très bon moyen de débuter dans la profession, lorsque les principes essentiels du contrat de collaboration sont respectés, ce qui est loin d’être toujours le cas malheureusement.
Pour ma part, j’ai toujours été très indépendante et même si le statut de collaboratrice m’a permis d’apprendre énormément de choses, je n’y trouvais pas ma place.
Ma dernière collaboration s’est terminée pour des raisons économiques et je n’ai pas décidé de m’installer immédiatement, au contraire, j’ai même d’abord recherché une nouvelle collaboration mais ne trouvant pas de poste qui me convenait, j’ai envisagé l’installation.
Je savais que m’installer avec deux ans de barreau à peine serait un véritable challenge, mais cela m’a boostée. Et savoir que j’allais pouvoir enfin gérer mes propres dossiers, à ma manière a été un véritable soulagement pour moi.
Je suis donc installée depuis le 1er octobre 2014."

Avez-vous rencontré des difficultés lors de votre installation ?

"L’installation en individuel est un cap difficile, car on se retrouve facilement seul face à ses questions.
Je n’ai pas rencontré de difficultés majeures, mais les démarches administratives sont fastidieuses ; j’ai été très occupée avec les nombreuses formalités à effectuer. "

Vers qui, vers quelles institutions vous êtes-vous tournée pour trouver de l’aide ?

"Je me suis tournée vers l’UJA de Paris qui m’a donné quelques conseils, mais je me suis essentiellement débrouillée seule."

Le barreau auquel vous êtes rattachée vous a t’il guidée lors de votre installation, vous a t’il conseillée ?

"Le barreau entrepreneurial (de l’ordre des avocats de Paris) dispense des formations très intéressantes et c’est d’ailleurs l’une d’entre elles qui m’a aidée à prendre la décision de l’installation.
En revanche, concernant les démarches à proprement parler, je me suis sentie très seule et j’ai rencontré quelques difficultés pour obtenir une toque, changer d’adresse…"

Depuis votre installation, quel est votre quotidien professionnel, comment organisez-vous vos journées ?

"Depuis l’installation, mes journées sont beaucoup mieux organisées que lorsque j’étais collaboratrice, je suis beaucoup plus productive sans horaires imposés.
Je partage mon temps entre le cabinet, les tribunaux et les commissariats.
Une journée « classique » : je suis au cabinet la moitié de la journée et l’autre moitié au tribunal pour les audiences ou les nombreuses démarches à effectuer, ou encore au commissariat pour les gardes à vue.
Je suis aussi très souvent en formation, environ trois fois par mois, les services de l’ordre et l’UJA proposant de nombreuses formations à Paris."

Quelles sont vos démarches pour trouver de nouveaux clients ?

"Il existe différents moyen de trouver des clients.
Je suis inscrite sur certains annuaires (gratuits) d’avocats sur internet, et je suis en train de créer mon propre site internet.
Le bouche à oreille des clients satisfaits est aussi un bon moyen d’avoir de nouveaux clients.
J’ai également la chance d’avoir comme soutien un certain nombre de confrères qui me font confiance, c’est ce qu’il y a de plus précieux pour moi. Ils ont souvent la gentillesse de m’adresser certains clients.
C’est cet ensemble de moyens qui me permet de faire tourner mon cabinet de manière pérenne pour le moment."

De part votre expérience, quels conseils adresseriez-vous à un(e) jeune avocat(e) qui désire s’installer ?

"Je dirais donc à un jeune confrère qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer, mais qu’il faut être bien entouré."

"Ce n’est pas aussi difficile qu’on peut le croire mais cela demande une volonté, une motivation sans faille.
Cela demande beaucoup de travail, un certain sens des responsabilités et une énorme débrouillardise.
Je dirais donc à un jeune confrère qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer, mais qu’il faut être bien entouré. En effet, on se retrouve vite seul face à ses dossiers si l’on n’est pas un minimum soutenu et cela peut peser."

En tant que jeune avocate, comment voyez-vous l’avocat du XXIème siècle ?

"Pour moi, l’avocat doit d’abord savoir s’adapter aux nouvelles technologies, c’est l’enjeu principal des prochaines années, nous sommes très en retard !
Nos ordres et le CNB doivent être plus réactifs afin d’aider la majorité des confrères. Nous ne pouvons plus exercer aujourd’hui sans e-mails, SMS, cloud… Nos instances doivent nous aider à utiliser ces outils numériques modernes en toute sécurité notamment afin de respecter le secret professionnel."


Et depuis 2014, quelle a été votre évolution ?

Je m’étais installée à Paris, mais il y a beaucoup d’avocats et le secteur est donc très concurrentiel, difficile de réussir à y développer sa clientèle. J’ai alors pris la décision en 2016 de m’installer au barreau de Versailles.

Le cabinet aujourd’hui se porte plutôt bien et c’est un véritable soulagement après autant de travail, car malheureusement dans cette profession, l’investissement n’est pas toujours à la hauteur du résultat.

Je disais en 2014 que le principal lorsque l’on s’installe seul, c’est d’être bien entouré et je maintiens aujourd’hui que c’est le plus important. J’ai eu beaucoup de chance, depuis que j’ai prêté serment, car j’ai rencontré de très nombreux confrères formidables qui m’ont beaucoup soutenue et qui continuent de le faire.
Je me suis beaucoup impliquée au sein du syndicat des avocats de France (SAF) et au sein de mon ordre à Versailles. Je suis désormais membre du Conseil de l’Ordre depuis janvier 2018 et je découvre le fonctionnement du barreau de l’intérieur. C’est extrêmement enrichissant et je suis ravie de pouvoir aider mes confrères du mieux possible.
Je suis également membre de l’A3D (Association pour la défense des droits des détenus) et de l’ADAP (Association des avocats pénalistes). Ces associations sont un lieu d’échange extraordinaire avec des confrères qui partagent les mêmes valeurs et combats que moi.

J’exerce désormais uniquement en droit pénal, droit routier et application des peines, dans toute la France, mais le plus souvent en région parisienne.
Les journées types n’ont pas tellement changé depuis 2014 si ce n’est qu’elles sont plus chargées qu’avant. Je suis toujours partagée entre le temps passé au cabinet, dans les tribunaux, les commissariats, les prisons, mais également à l’Ordre de avocats et auprès des confrères.

Être seule, cela n’est pas toujours facile, je ne suis pas toujours aussi joignable que je le voudrais pour mes clients, je cours parfois entre les audiences mais heureusement j’ai de nombreux confrères sur qui je peux m’appuyer en cas de besoin.
J’essaie aussi d’optimiser le traitement des dossiers au cabinet, pour gagner en productivité, dématérialisation, cloud, tout cela en respectant le secret professionnel et les règles sur les données personnelles. Cela n’est pas toujours simple, mais c’est l’avenir de la profession de travailler de plus en plus de manière connectée, tout en gardant le lien humain avec nos clients qu’aucun ordinateur ne pourra jamais remplacer.
Il est parfois difficile de concilier tout cela avec ma vie personnelle, mais c’est important de garder aussi des moments pour soi, cela me redonne de la force pour mieux défendre mes clients.

Et si c’était à refaire ? Je referai exactement la même chose et de la même manière. Je ne regrette rien. Je suis libre aujourd’hui de défendre tous ceux que je souhaite, à ma façon. Je suis libre dans la gestion de mon temps, de mes dossiers, de mes stratégies. On dit souvent que la liberté n’a pas de prix, c’est faux, elle en a un. Ça coute cher d’être libre mais je ne changerai de vie pour rien au monde.

Propos recueillis par Marie Depay,
Rédaction du Village de la justice.

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Discussions en cours :

  • par Michel , Le 3 août 2016 à 10:12

    Ce message fait du bien, bravo et bon courage. Dommage que la principale difficulté pour se lancer soit d’ordre administratif... c’est là dessus que la France doit faire des efforts, ne pas décourager les entrepreneurs, laisser faire.

  • par CHAABANE Salma , Le 21 septembre 2015 à 14:32

    Madame,
    Actuellement âgée de 20 ans et candidate à l’IUT de Villetaneuse, je me permet de vous proposer ma candidature pour une formation en alternance au sein de votre cabinet ou de votre entreprise.
    Intégrer votre cabinet ou votre entreprise me permettrait d’insérer l’IUT de carrière juridique. En effet, il m’est exigé de marier à mon parcours scolaire de droit de l’expérience professionnel.
    Polyvalente et assidue, je saurai m’impliquer dans la vie de votre cabinet ou de votre entreprise.
    Sociable et dynamique, j’apprécie le travail en équipe. Responsable et autonome, je m’adapte facilement à mon environnement de travail.
    J’ai le sens de l’organisation, une qualité qui me permettra d’accomplir soigneusement toutes les tâches qui me seront allouées.
    J’ai déjà acquis quelques expériences professionnelles lors d’un stage en classe de 3ème au sein du magasin Camaïeu et notamment dans le domaine du babysitting et de l’enseignement (aide aux devoirs à domicile). Ceci m´a permis de me faire une première petite idée du monde du travail.
    Comme diplômes, je suis titulaire d’un Brevet général et d’un Baccalauréat Economique et Social.

    J’espère que mon profil aura retenu votre attention et que vous me convierez pour un entretien afin de développer mes motivations et pour vous apporter de plus amples renseignements.

    Dans l’attente d’un contact de votre part, je vous prie de croire, Madame, en l’expression de mes respectueuses salutations.

  • Dernière réponse : 9 juin 2015 à 03:15
    par Sandra Vazquez , Le 5 décembre 2014 à 10:49

    Je suis moi meme installée à mon compte en province et ce depuis 5 ans, et il me semble très prématuré de dire au bout de 2 mois que son cabinet tourne de façon pérenne.

    • par Seven , Le 6 décembre 2014 à 21:57

      Je trouve effectivement que parler de "pérennité" quand son cabinet n’est ouvert qu’au bout de 2 mois, me semble relever d’un excès d’optimisme.

      Ne jamais oublier la règle selon laquelle pour lancer une activité entrepreneuriale (que ce soit une activité commerciale ou libérale), il faut au minimum deux années (sans garantie de réussite).

      Pour se créer une clientèle régulière, stable et pérenne, comptez entre 5 et 10 ans.

    • par Mélodie KUDAR , Le 11 décembre 2014 à 12:55

      Mon Cher Confrère,
      Il s’agissait uniquement d’une façon de parler. Je suis évidemment au tout début de mon activité. Merci pour votre commentaire. Et bon courage à vous.

    • par Marie Cohen , Le 9 juin 2015 à 03:15

      je voudrais savoir s’il est possible pour un jeune avocat fraîchement diplômé qui vient d’obtenir son CAPA d’ouvrir son propre cabinet s’il en a les moyens et la conviction inhérents sans avoir travailler au préalable dans un autre cabinet à votre difference par exple vous qui avez fait d’abord 2 ans de " collab" avant d’ouvrir le votre et si oui des exemples si vous en connaissez, merci d’avance

  • Merci pour ce témoignage optimiste et inspirant. Loin des démoralisateurs professionnels qui œuvrent afin de dissuader les jeunes pousses que nous sommes de tenter l’installation.
    Bon vent !

    Une future installée

    • par Mélodie KUDAR , Le 11 décembre 2014 à 12:58

      Mon Cher Confrère,
      Merci beaucoup pour votre commentaire. Je tenais justement à montrer aux jeunes que c’est possible ;-) Mais attention, il faut être bien entourée, c’est la clé d’une bonne installation. Bon courage à vous et merci encore.

    • par kiranne , Le 18 février 2015 à 13:23

      Je tenais à vous remercier bien chaleureusement pour votre témoignage optimiste et qu’est ce que ça fait du bien !!! Je pense que vous avez très bien fait de vous installer car le statut de collab est trop précaire. Très svt, d’ailleurs il n’est pas respecté (aucune formation, aucune possibilité de dvopper sa propre clientèle, sous payés...). La profession devrait très sérieusement s’enquérir de cette question, d’autant que de très nombreux avocats arrêtent l’exercice de cette profession et se tournent vers la profession de juriste, quel gâchis !

      Je vous souhaite une belle carrière que vous méritez très largement et surtout n’écoutez pas les détracteurs qui essaieront de vous casser le moral.

      Moi aussi, j’envisage (et je ne suis pas la seule) d’ouvrir ma propre petite structure mais auparavant, je dois établir un business plan, m’organiser .... Et votre belle expérience me rebooste ! Encore merci et très bon vent !!!!!

    • par Mélodie Kudar , Le 5 mars 2015 à 17:20

      Merci Kiranne pour ce gentil message plein d’enthousiasme !
      S’installer n’est pas facile, on ne sait jamais de quoi demain sera fait, mais quel bonheur !
      N’hésitez pas à me contacter si vous avez besoin de conseils ;-)

      Bon courage à vous.

      Mélodie.

    • par henri loïc , Le 19 mars 2015 à 15:13

      Votre exemple témoigne déjà d’une force probante : vous refusez les chausses trappes des contrats de colab et hissez la voile pour affronter le grand large, ses tempêtes et ses miracles.
      Vous êtes une femme qui s’affirme dans un monde machiste au possible et qui plus est au pénal.
      Je vous souhaite une longue carrière pleine de force (pour les jours sans) et d’envies insatiables (pour les jours de victoires).
      Votre Bien Dévoué Confrère particulièrement admiratif.

      Loïc HENRI Esq.

    • par Marie Cohen , Le 9 juin 2015 à 03:07

      je voudrais savoir s’il est possible pour un jeune avocat fraîchement diplômé qui vient d’obtenir son CAPA d’ouvrir son propre cabinet s’il en a les moyens et la conviction inhérents sans avoir travailler au préalable dans un autre cabinet à votre difference par exple vous qui avez fait d’abord 2 ans de " collab" avant d’ouvrir le votre et si oui des exemples si vous en connaissez, merci d’avance

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