Une cour d’appel s’était ainsi laissée piéger par les clauses d’un bail, pour refuser la répétition de sommes versées par un preneur durant son droit, sur le fondement de l’article L145-28 du Code de commerce, au maintien dans les locaux, sinistrés par des infiltrations d’eau, et de surcroit dépourvus d’accès à l’eau potable.
En l’espèce, un preneur occupant les lieux depuis 1989, sollicite le renouvellement de son bail. Le bailleur le lui refuse discrétionnairement, et conformément à l’article L145-14 du Code de commerce, lui propose une indemnité d’éviction, puis cède l’immeuble à une société avant de l’avoir acquittée.
Entretemps, pendant l’occupation légale du preneur, l’immeuble fait l’objet d’un sinistre dégât des eaux, empêchant son exploitation. Par prudence et plus plutôt que de solliciter en référé la consignation du « loyer », le preneur poursuit le règlement de ses indemnités d’occupation durant les opérations d’expertise de la compagnie d’assurance, puis assigne son ancien bailleur, par ailleurs vendeur, en remboursement des sommes indument versées.
La cour d’appel de Reims, confirmant la décision des premiers juges, le déboute de ses prétentions, considérant que les désordres évoqués sont la conséquence de l’état de vétusté de l’immeuble, qui préexistait à l’entrée en jouissance du preneur. Par conséquent le preneur aurait accepté, en quelque sorte, l’état de dégradation de l’immeuble, ce d’autant plus qu’il a sollicité à deux reprises le renouvellement de son bail et n’a jamais mis son bailleur en demeure de satisfaire à ses obligations de délivrance.
Les juges rémois relèvent également que le bail liant les parties interdisait au preneur d’exiger du bailleur la réparation et la remise en état des lieux. Ils en déduisent que le preneur ne pouvait donc agir en toute hypothèse contre le bailleur.
L’arrêt est logiquement cassé sur le fondement des articles 1719 (obligation de délivrance) et 1376 (répétition de l’indu) du Code civil, la Cour de cassation rappelant aux juges du fond que le règlement de l’indemnité légale d’occupation, tout comme le loyer, est la contrepartie de la mise à disposition des locaux. Sans délivrance, point de loyer.
La Haute juridiction fait également fi des stipulations du bail, renvoyant tacitement les juges du fond à sa jurisprudence, maintenant bien établie, concernant l’inefficacité des clauses de non recours portant sur le défaut de délivrance des locaux [1]. En d’autres termes, le preneur ne peut renoncer à son droit d’obtenir la jouissance de locaux « exploitables ».
Pour le surplus, l’arrêt est également cassé en ce qu’il avait :
- rejeté toute prétention du preneur sur l’acquéreur de l’immeuble, la Cour rappelant que l’acquéreur intervient aux droits et obligations du vendeur,
- fixé forfaitairement le préjudice du preneur, la Cour sanctionnant les premiers juges de n’avoir pas indemnisé, en conséquence, l’entier préjudice du locataire.
L’affaire est donc renvoyée devant la cour d’appel d’Amiens, qui devra rechercher si le sinistre et la coupure en eau potable consécutive, permettaient au preneur de poursuivre l’exploitation de son activité dans les lieux loués. Dans la négative, les indemnités d’occupation devront lui être remboursées.